C'est à l'échelle mondiale qu'il faut désormais inventer de nouveaux concepts mobilisateurs, pour parvenir à cet idéal : l'égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

VEO institutionnelle

Dans le cas de violences institutionnelles, physiques, verbales ou psychologiques, commises sur un enfant ou un adolescent, l’OVEO peut intervenir, notamment en prenant contact avec l’institution pour rappeler la loi et les droits des enfants. Les personnes victimes, famille de victime ou témoins de telles violences peuvent nous contacter à daliborka.milovanovic@oveo.org.


Etat des lieux de la législation concernant les violences physiques et/ou psychologiques de la part d’enseignants ou de personnels de l’Éducation nationale (mise à jour novembre 2018)

Le texte fondamental en vigueur était jusqu'en 2014 la circulaire 986 du 6 juin 1991 (modifiée 1992 et 1994) concernant les écoles élémentaires et maternelles, remplacée aujourd'hui par la circulaire n° 2014-088 du 9-7-2014 intitulée "Règlement type départemental des écoles maternelles et élémentaires publiques".

L'article 2.1 sur les droits et obligations des élèves est rédigé ainsi :

- Droits : en application des conventions internationales auxquelles la France a adhéré, les élèves ont droit à un accueil bienveillant et non discriminant. Ainsi, conformément à l'article 28 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ratifiée par la France le 7 août 1990, « Les États parties prennent toutes les mesures appropriées pour veiller à ce que la discipline scolaire soit appliquée d'une manière compatible avec la dignité de l'enfant en tant qu'être humain et conformément à la présente Convention ». En conséquence, le règlement intérieur de l'école doit préciser que « tout châtiment corporel ou traitement humiliant est strictement interdit ».

Les élèves doivent être préservés de tout propos ou comportement humiliant et respectés dans leur singularité. En outre, ils doivent bénéficier de garanties de protection contre toute violence physique ou morale, ces garanties s'appliquant non seulement aux relations à l'intérieur de l'école, mais aussi à l'usage d'Internet dans le cadre scolaire.

- Obligations : chaque élève a l'obligation de n'user d'aucune violence et de respecter les règles de comportement et de civilité édictées par le règlement intérieur. Les élèves doivent, notamment, utiliser un langage approprié aux relations au sein d'une communauté éducative, respecter les locaux et le matériel mis à leur disposition, appliquer les règles d'hygiène et de sécurité qui leur ont été apprises.

L'article 2.5 "Règles de vie à l'école" est moins ambigu que dans l'ancienne circulaire sur les châtiments corporels à l'école maternelle, puisqu'il s'applique "dès l'école maternelle" :

Dès l'école maternelle, l'enfant s'approprie les règles du « vivre ensemble », la compréhension des attentes [sic] de l'école.

Cet article précise que "les manquements au règlement intérieur de l'école, et en particulier toute atteinte à l'intégrité physique ou morale des autres élèves ou des enseignants, donnent lieu à des réprimandes, qui sont portées immédiatement à la connaissance des représentants légaux de l'enfant. Ces réprimandes ne peuvent elles-mêmes en aucun cas porter atteinte à l'intégrité morale ou physique d'un enfant. Elles sont prévues dans le règlement intérieur de l'école. On veillera à ce qu'un élève ne soit pas privé de la totalité de la récréation à titre de punition."

Le mot "sanction" (dont nous relevions l'ambiguïté) ne figure plus dans la circulaire, mais est remplacé par "réprimandes". On remarquera toutefois la réaffirmation forte du système récompense-punition (par opposition à l'idée de laisser se manifester la motivation intrinsèque), avec la phrase : "À ce titre, diverses formes d'encouragement [?] sont prévues dans le règlement intérieur de l'école, pour favoriser les comportements positifs." Le "comportement positif" ne peut donc toujours pas être motivé par lui-même.


Extraits de la circulaire 986 :

Le paragraphe 3.2.2. concernant l’école élémentaire stipule : « Tout châtiment corporel est strictement interdit. » Malheureusement, ce point n’est pas formulé explicitement au paragraphe précédent (3.2.1.) sur l’école maternelle, qui déclare simplement qu’« aucune sanction ne peut être infligée ». Il n’est pas exclu que ce point soit compris par défaut comme autorisant les châtiments corporels, non perçus comme une « sanction » (?) mais comme un geste légitime (parce que « normal » – « éducatif »…) envers un jeune enfant ! Ce paragraphe poursuit : « Un enfant momentanément difficile pourra, cependant, être isolé pendant le temps, très court, nécessaire à lui faire retrouver un comportement compatible avec la vie du groupe. »

Dans cette note documentaire de Bruno Robbes publiée sur le site l'académie de Nancy-Metz (sans date, mais avec des références jusqu’en 2001), les « sanctions possibles » sont répertoriées de façon plus explicite (mais, de ce fait, en réaffirmant la légitimité desdites sanctions…), malheureusement sans préciser davantage l’interdiction du châtiment corporel à l’école maternelle. Cette interdiction est simplement rappelée « en creux » dans les principes généraux comme « principe de l’interdit de violence – quelle qu’en soit la forme – de l’enseignant envers l’élève […] : “le maître s’interdit tout comportement, geste ou parole qui traduirait indifférence ou mépris à l’égard de l’élève ou de sa famille, ou qui serait susceptible de blesser la sensibilité des enfants” » (§ 3.1 de la circulaire, « Dispositions générales »).

Il reste donc à espérer que les enseignants et inspecteurs d’académie considèrent bien toute forme de violence physique (y compris fessée, gifle, coup de pied aux fesses, bras tordu, oreille pincée) comme un « comportement qui traduit indifférence ou mépris » à l’égard des enfants ou « qui serait susceptible de blesser [leur] sensibilité »…

Les ATSEM des écoles maternelles sont concernés par ces dispositions au même titre que les enseignants, en tant que membres de la « communauté éducative » – selon ce rapport de 2017, « le dernier arrêté en date, celui du 9 novembre 2015 relatif au programme de l’école maternelle, inscrit l’action des ATSEM dans le cadre global d’une prise en charge continue et cohérente des enfants durant leur présence au sein des locaux scolaires ». Les ATSEM sont sous la responsabilité de l'enseignant au sein de la classe, et sous l'autorité du directeur de l'établissement scolaire (et non de la mairie qui les emploie), cf. chap. 1, art. 2 du décret n°89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs d'école (version en vigueur en 2018). En cas de violences de la part d’un ATSEM, c’est donc bien au directeur d’établissement qu’il faut rappeler ses responsabilités... Sans réaction de sa part, le parent ou la personne concernée peut légitimement adresser un courrier au rectorat.

Un rapport datant de 2004, mais toujours d’actualité et très éclairant : Brutalités et harcèlement physique et psychologique exercés sur des enfants par des personnels du ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, rapport présenté par Nicole Baldet, inspectrice de l’académie de Paris, chargée de mission d’inspection générale, en octobre 2004.

Si vous connaissez d’autres rapports plus récents, des textes de circulaire ou des articles professionnels plus explicites qui aideraient à mettre fin à ces cas de violence physique ou psychologique ordinaire envers les enfants à l’école ou dans d’autres lieux institutionnels (que ces formes de violence soient ou non clairement interdites), n’hésitez pas à nous envoyer ces textes (ou le lien où les trouver) et vos commentaires, afin que nous signalions ici toutes les ressources et recours possibles.


Articles et témoignages à lire sur le même sujet (vous trouverez d'autres articles en lien à la fin de ceux-ci) :


Mars 2016. Appel à la solidarité entre parents, enseignants, éducateurs, professionnels de l’enfance et associations pour briser la loi du silence entourant les pratiques de violence éducative ordinaire dans l’enseignement et sur les lieux d’accueil

Nous, membres de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire (OVEO, www.oveo.org), invitons tous les parents, enseignants et professionnels de l’enfance (en exercice ou en formation), élus, services sociaux et associations de bonne volonté à nous contacter afin de créer un réseau solidaire qui interviendrait dans des situations où, en dehors des familles, les enfants de tous âges sont maltraités au sens le plus large du terme : violences physiques et psychologiques souvent considérées comme « petites » eu égard à la tradition, mais lourdes de conséquences sur l’avenir des enfants.

Le bon sens et l’observation directe nous le disaient déjà depuis longtemps, mais on sait aujourd’hui sans plus le moindre doute que les brutalités physiques (fessées, gifles, tirer les cheveux ou les oreilles, secouer, bousculer, infliger des punitions douloureuses), ainsi que les violences psychologiques (menace, moquerie, jugement, punitions de toute sorte, à quoi il faudrait ajouter les récompenses, puisqu’elles servent elles aussi à contrôler les enfants, à les mettre en compétition entre eux et à les rendre dépendants d’un système d’évaluation) sont une cause de stress, de destruction de l’empathie, du sens moral, de l’estime de soi et de la confiance en soi, ainsi que de la motivation à apprendre (motivation intrinsèque).

Plus aucun professionnel ne devrait ignorer les découvertes scientifiques sur le fonctionnement du cerveau et sur le développement des enfants de la naissance à l’âge adulte. Malheureusement, ces connaissances ne font guère partie de la formation des enseignants et de la plupart des professionnels de l’enfance. Les médecins et psychologues eux-mêmes sont rarement sensibles aux effets de la maltraitance dite « légère », ne savent pas la repérer, ou la considèrent comme normale et nécessaire. Toute cette ignorance est la conséquence d’une tradition ancienne (dans les familles comme dans l’ensemble de la société), qui se perpétue de génération en génération par le mécanisme du déni et du refoulement à l’âge adulte des souffrances de l’enfance.

Il est difficile pour un adulte de reconnaître qu’il a souffert en vain, qu’il aurait pu être plus heureux s’il avait été traité avec respect et amour. Mais aujourd’hui, grâce aux découvertes des neurosciences et grâce à la lente évolution d’une minorité de plus en plus nombreuse d’adultes « conscients », il devrait être possible de briser la loi du silence entretenue dans ces situations de maltraitance très souvent couverte par les institutions, même lorsqu’elle n’a rien de « léger », et à plus forte raison lorsqu’elle est considérée comme normale, voire souhaitable, par beaucoup de parents.

Souvent aussi, même les parents de bonne volonté ignorent ce qui se passe à l’école, parce que les enfants sont sous influence, se croient eux-mêmes coupables de ce qu’on leur fait (ils l’ont « mérité »), puisque leurs parents les laissent (par ignorance, par déni, par commodité, par peur de l’autorité) dans ces situations et tentent de les persuader que c’est « pour leur bien ». Quelques années plus tard, on s’étonnera de voir ces mêmes enfants devenus adolescents refuser le système scolaire, brutaliser leurs camarades et les enseignants, comme s’ils n’avaient pas d’histoire, comme s’ils avaient toujours été ainsi, de nature, alors que tous les êtres humains sont doués à la naissance de capacités prosociales remarquables et ne demandent qu’à aimer et être aimés, respecter et être respectés.

Sur une planète mondialisée où le niveau de violence, de compétition, de destruction économique et écologique menace jusqu’à notre survie, il est temps que les adultes – parents, professionnels et simples citoyens – de bonne volonté se mobilisent pour défendre activement les enfants dans les situations où ils sont abandonnés de tous.

L’OVEO appelle à la création d’un réseau informel de solidarité afin de mettre en relation, dans le plus grand nombre possible de situations, les « lanceurs d’alerte » isolés, voire menacés, et des personnes ou associations « ressources » qui interviendraient par des moyens divers pour les soutenir et remédier dans l’intérêt de tous à ces situations. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur quelque profession que ce soit. Tout comme les parents, les enseignants et les professionnels héritent d’un système et d’une tradition. Il s’agit aussi de les aider (dans la mesure du possible) à prendre conscience des conséquences de leurs actes, ne serait-ce qu’afin qu’on ne se contente pas de les déplacer pour qu’ils recommencent ailleurs les mêmes agissements. Mais les enfants n’ont en aucun cas à en payer le prix.

Jusqu’ici, la plupart des parents n’avaient généralement pas d’autre recours, pour défendre leurs enfants, que de les retirer de l’école, du lieu de garde ou de l’institution où ils étaient maltraités, abandonnant les autres enfants à leur sort. De même, les professionnels qui souffrent d'être les témoins impuissants de cette violence éducative institutionnalisée doivent pouvoir sortir de leur isolement et trouver du soutien pour que leur indignation légitime vienne en aide aux enfants victimes. Ensemble, nous devons mettre en demeure les institutions de changer, de ne plus agir contre l’intérêt des enfants pour protéger une hiérarchie défaillante.

Parents, professionnels, associations qui souhaitez dénoncer de telles situations ou intervenir pour aider d’autres personnes à le faire, contactez-nous en précisant où et de quelle façon vous pouvez intervenir, directement ou indirectement. Vos coordonnées ne seront en aucun cas rendues publiques, mais seulement communiquées, avec votre accord, aux personnes avec qui nous pourrions vous mettre en relation.

Ensemble, soyons la voix de nos enfants !

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