Réponse à la pétition « Non à l’immixtion de l’État dans l’exercice de l’autorité parentale »
Nous publions ci-dessous la réponse d'Olivier Maurel à la pétition de "Marion" mise sur Internet le 9 janvier 2019, et qui s'indigne de l'adoption par l'Assemblée nationale, "sans tambour ni trompette" (sic - cette loi a pourtant fait l'objet de nombreux articles de presse ?), d'une loi d'interdiction des "violences éducatives ordinaires", demandant qu'on écrive aux sénateurs pour qu'ils ne ratifient pas cette loi. Voici le texte de la pétition (texte complet ici) :
Non à l'immixtion de l'Etat dans l'exercice de l'autorité parentale
Je refuse que l'Etat s'immisce dans la conduite de ma famille, dans l'éducation que je souhaite donner à mes enfants ou petits-enfants et dans la façon dont j'exerce mon autorité sur eux.
Une telle intrusion est le propre des régimes totalitaires. Elle touche à ce que l'homme a de plus précieux : sa famille, ses enfants.
Je demande en conséquence aux parlementaires de voter contre la "Proposition de loi relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires".
La réponse d'Olivier Maurel :
Bonjour Marion,
Je vais avoir 82 ans, j’ai eu cinq enfants et huit petits-enfants. Je fais partie de ceux qui, depuis de longues années (vingt ans en ce qui me concerne), agissent pour que la loi que vous critiquez soit votée.
Voici donc quelques-unes des raisons pour lesquelles je ne signerai pas votre pétition.
- Il est tout à fait nécessaire, dans certains cas, que l’État « mette le pied dans la porte du domicile familial », par exemple quand les maris battent ou humilient leur femme, quand les parents battent ou humilient les enfants, quand les parents font exciser les petites filles, etc.
- L’exemple des pays qui ont interdit la violence éducative ordinaire depuis plusieurs dizaines d'années montre que cette interdiction a pour effet de faire pratiquement disparaître la violence extraordinaire, c’est-à-dire la maltraitance qui blesse et tue. Les cas de maltraitance commencent très souvent par la violence éducative ordinaire considérée abusivement comme normale par l’opinion publique.
- Vous devriez mieux vous informer. Le pourcentage de 87 % concerne les gifles et les fessées. Les humiliations et menaces verbales qui les accompagnent très souvent sont beaucoup plus difficiles à comptabiliser. Mais elles sont tout aussi traumatisantes que les coups. Avec des mots, on peut lapider un enfant.
- Non, tous les parents ne sont pas violents, mais tant qu’une loi n’interdit pas la violence sur les enfants, tous les parents peuvent se sentir autorisés à l’être et même y sont poussés par toute une culture de la violence sur les enfants : « Qui aime bien châtie bien », « Une bonne fessée n’a jamais fait de mal à personne » et une foule de proverbes qui, dans tous les pays, préconisent de battre les enfants à coups de bâton, ce qui était encore admis en France il n’y a pas si longtemps.
- On n'est pas dans l'alternative « Ou la fessée ou le laxisme ». Il ne s’agit nullement de ne pas dire Non à un enfant et, comme vous le dites, d’« abdiquer » devant lui. Il s’agit de le traiter comme on doit traiter une personne humaine, avec respect, mais en étant bien présent en tant qu’adulte. Et comme les enfants apprennent tout non pas par des sermons et des menaces (qui ne leur apprennent qu’à sermonner et à menacer), mais par l’exemple des adultes, c’est en les respectant qu'on leur apprend le plus efficacement le respect. Un enfant respecté et traité affectueusement et humainement par des parents qui, simplement, se respectent eux-mêmes, ne devient pas un « enfant-roi ».
- S’il n’y avait pas eu, depuis le début du XIXe siècle, des règlements interdisant formellement de battre les enfants dans les écoles, vos enfants, nos enfants, y subiraient encore bastonnades, coups de fouet, coups de pied et léchages de plancher qui faisaient partie de la violence éducative ordinaire de cette époque. Le niveau de violence éducative que nous trouvons normal est un résidu de cette méthode d’éducation.
- Ce qui rend très difficile l’éradication de la violence sur les enfants, c’est que nous sommes faits de telle façon que le niveau de violence que nous avons subi dans notre jeune âge, quel qu’il soit, nous paraît normal parce qu’il nous a été enseigné par l’exemple de nos parents qui, à nos yeux d’enfants, ne pouvaient pas se tromper. Cette violence nous a aussi appris que nous étions coupables puisqu’on nous frappait. Devenus adultes, nous continuons à projeter cette culpabilité sur les enfants, ce qui nous fait penser qu’on ne peut pas les élever autrement qu’en les frappant, en les menaçant, en les humiliant.
On peut lire à la suite de la pétition toutes sortes de commentaires, dont quelques-uns protestent contre cette pétition. Nous publierons par la suite d'autres réactions à cette pétition, qui est un modèle du genre, puisqu'elle fait une sorte de catalogue de tout ce qui est considéré par la majorité des Français comme l'éducation "normale"... Il convient également de répondre aux arguments sur la possibilité d'une intrusion de l'Etat dans la vie privée qui ouvrirait la porte à un régime totalitaire - que, bien entendu, aucun d'entre nous à l'OVEO ne souhaite... à aucun prix !
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