La violence n'est pas innée chez l'homme. Elle s'acquiert par l'éducation et la pratique sociale.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Réflexions au sujet du livre La Domination adulte d’Yves Bonnardel

Les points de vue de deux membres de l'OVEO sur ce livre.


Par Marianne, membre de l’OVEO

Dans son livre La Domination adulte, Yves Bonnardel dénonce la domination des adultes envers les enfants et l'oppression de ces derniers. Il parle de la violence dont ils sont les victimes, de leurs luttes, ainsi que de la différenciation entre leurs droits et ceux des adultes, qui, pour lui, fait partie de l'oppression – et il cite en exemple l'interdiction de travailler. Il s'appuie beaucoup sur la thèse de Philippe Ariès selon qui les enfants avaient au Moyen-Âge le même statut que les adultes et une vie plus agréable que maintenant. Selon cet auteur, leur situation se serait aggravée à partir de la Renaissance avec la mise en place d'une différenciation enfant-adulte.

Comme l’auteur, je ne trouve pas normal que soit reconnu, admis par beaucoup de personnes qu’on soit violent envers les plus jeunes, que l’âge donne autorité, et je suis pour une égalité des droits quel que soit l’âge, le genre, la culture... Je pense pareillement que les adultes oppriment les enfants, en tant que classe et pour beaucoup individuellement. Par contre, je ne suis d'accord ni sur la présentation faite par l’auteur de la situation des enfants avant l'ère industrielle, ni pour dire que l'existence de droits pour les enfants fait partie de l'oppression.

J'ai apprécié le chapitre sur les luttes de mineur/e/s 1, c'est très intéressant de connaître beaucoup de luttes qui ont été oubliées et passées sous silence, même si leur présentation et leur compilation par l’auteur sont orientées ; j'ai trouvé cela vivifiant, comme le livre de Howard Zinn Une histoire populaire des États-Unis de 1492 à nos jours, où d'ailleurs est signalé un combat de mineurs pour aller à l'école, ou d'autres témoignages et livres sur des luttes dans divers secteurs. L’étouffement des luttes de mineurs dénoncé par l’auteur n'est pas propre à la domination adulte. Cela se passe chaque fois qu’il y a oppression d'un groupe. Et cela fait partie de chaque lutte que de se faire reconnaître comme légitime et que les deux camps soient sur un pied d'égalité.

Je suis d'accord aussi avec l'auteur sur l'importance de la liberté et de la puissance, et que c'est important pour chaque être humain à tout âge d'avoir pouvoir sur son environnement, son corps, d'être libre autant que faire se peut. Même quand cela ne se peut pas, comme avec la loi de la gravité, le fait de voler, d'aller dans l'espace ont à leur origine de nombreux rêves, désirs, élans...

Il existe déjà des mouvements sur le sujet avec des textes, conférences, pratiques intéressantes, par exemple du côté de Lóczy ou du neurobiologiste Gerald Hüther, et ce que j'apprécie dans ces textes est qu'il y a un équilibre entre la liberté et la sécurité, ce n'est pas mis en opposition, au contraire, chacune contribue à l'autre. Je ne trouve pas cet équilibre dans le livre La Domination adulte.

De plus, je vois l'histoire comme un processus avec des prises de conscience, des luttes, des équilibres précaires et aucune idée ne s'incarne pleinement, complètement, elle est en concurrence avec d'autres, en lutte avec les pouvoirs en place, des compromis sont faits ; de plus, chacun comprend et incarne à sa manière les idées en lutte. Voir la façon dont l’historien Louis-Georges Tin parle de l'histoire sous forme de processus, et des enjeux lorsqu’on cache ces processus : Un historien prend l'exemple du féminisme… Dans le livre La Domination adulte, il n'est pas question de processus ni de luttes contradictoires, il est tout d'une pièce.

Evolution positive ou négative ?

Par exemple, si on considère l'idée que les enfants ont des droits.

C'est une idée qui a émergé il y a quelques siècles en Occident où, depuis des millénaires, l'enfant était considéré comme un bien du père qui avait tout pouvoir sur lui. Des auteurs comme Erasme, Montaigne, Rousseau, Vallès... ont écrit au sujet de la violence envers les enfants, des médecins ont vu le nombre de morts d'enfants, leurs corps, ont reconnu la maltraitance à l'œuvre, l'ont dénoncée... donc, une idée, des luttes sous toutes sortes de formes, dont celles d'enfants, ou d'adultes qui n'ont pas oublié leur enfance.

Dans la section Punitions du Nouveau Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire de Ferdinand Buisson sont recensées des punitions à travers les âges et les sociétés. Il est expliqué comment c'est avec l'humanisme que, très progressivement, l'enfant est considéré comme une personne et que les châtiments corporels sont peu à peu remis en question. La Révolution française bannit les châtiments physiques, sinon de l'usage, du moins des règlements scolaires.

On en arrive alors aux services sociaux, aux "droits de l’enfant", inspirés tout de même de ceux de Korczak (cf. Historique de la CIDE). C'est intéressant tout ce processus et l'évolution de l'idée, des pratiques. Le résultat actuel est décevant, de plus, sur le chemin, dans les décennies passées, ces luttes et leurs idées ont même été utilisées dans certains cas contre des enfants et leur famille, par exemple pour justifier des structures oppressives comme l'école, mais cela n'invalide pas l'idée elle-même : la reconnaissance de droits pour les enfants, que ce ne sont pas des objets, propriétés de leurs parents.

Ce n'est pas encore, pas complètement, la fin de la mise à l'écart des droits de base (un enfant est un être humain comme les autres ;-)…), mais, lorsqu’on voit le chemin parcouru, on se dirige vers cela. (Sur le thème de l'essentialisation, des multiples visages de la discrimination, voir par exemple la conférence gesticulée de Pablo Seban Mes identités nationales…)

Une des attaques de l'auteur contre la reconnaissance de droits pour les enfants (dont leur forme actuelle de "droits de l’enfant") est qu'elle sert à justifier tout et n'importe quoi de la part des pouvoirs en place. Or, cela me paraît inapproprié. Par exemple, le féminisme est utilisé par le pouvoir contre certains vêtements portés par des femmes, mais cela n'invalide pas l'idée du féminisme. Cela me rend même méfiante sur les raisons de l'attaque venant du pouvoir contre le droit des femmes à s'habiller comme elles veulent.

Je considère que c'est un débat très intéressant de savoir comment faire pour qu'un groupe opprimé retrouve pleinement ses droits. Il a été remarqué que l'affirmer ne suffit pas, et s'en est suivie une réflexion sur égalité de droit/égalité réelle, comment faire pour passer du 1er au 2ème, ainsi que les diverses formes de l'égalité – égalité de moyens, égalité de résultats...

Un outil est d'utiliser le droit différencié (parité lors des élections, quotas dans les universités...) le temps d'arriver à une situation où ce sera considéré comme normal. Le droit différencié n'est pas une oppression, il signale qu'il existe une oppression qu'on essaie de rectifier, bien, mais peut-être aussi mal, maladroitement, à côté de la plaque... Certains en restent là, cela devient un sous-droit, et peut devenir bloquant pour accéder au droit de base, d’autres s'en servent pour stigmatiser, enfermer... mais ce n'est pas ce droit différencié qui est en soi responsable de ce qu'en font ces personnes. S’il n’y avait pas ce droit, illes opprimeraient d'une autre manière, en détournant ce qui existe, quelle que soit l'idée.

En ce moment, c'est très net, avec les politiciens et leurs discours au sujet de l'augmentation du contrôle de l'instruction en famille (cf. Est-il juste de restreindre la liberté d’instruction ?) : il s'agit de mettre les gens en case, bien normés, sur lesquels on a le contrôle ; et tout est bon à prendre, illes font feu de tout bois, mais cela ne dévalue pas les idées utilisées comme la laïcité, le vivre ensemble ou le droit des enfants. Par contre, au lieu de jeter les idées (féminisme, laïcité, vivre ensemble, droit des enfants...), je pense plus profitable de les reformuler, de dire ce que c'est pour nous. Par exemple, à "l'école" telle qu'elle existe actuellement, présentée comme instrument de libération et du vivre ensemble, mais structurellement lieu d'enfermement, de compétition, d'humiliation (cf. Quand l’école est un lieu de violence éducative) et de vol de pouvoir sur ses actions et son environnement, opposer l'apprentissage (au sens d'apprendre et non d'être apprenti) selon ses choix et désirs (cf. le film Être et Devenir), la liberté d'explorer, la rencontre d'autres de tous âges, le respect du lien d'attachement et du besoin de sécurité...

Un exemple de détournement de droit : celui du droit à l'instruction. En principe, il s'agit que l’État s'assure que toute personne souhaitant s'instruire le puisse, mais dans les faits, c'est devenu un devoir. Cela vient aussi de ce que beaucoup de gens encore n'imaginent même pas qu’il est possible de faire autrement, ne sont pas conscients du désir de comprendre que les humains ont en eux, et illes sont donc dans l'obligation – selon elleux, on ne peut faire, surtout lorsqu’on appartient à un groupe opprimé, que si on y est obligé. Alors, tant que beaucoup pensent ainsi, il en sera de même pour toute idée, aussi belle et lumineuse soit-elle. C'est pas à pas qu’il y aura changement de lois, changement de mentalités, changement de pratiques.

Je pense aussi que ce droit différencié a été mis en place – pas complètement, et en compromis avec les pouvoirs en place et les habitudes – peu à peu, en fonction de ce qui a été réalisé, compris, jugé intolérable... Le droit différencié n'est peut-être pas une bonne solution, ou (je penche plutôt pour cela) il a fait son temps et il serait bien de passer à la vitesse supérieure. Mais je suis contre l’idée de le considérer en soi comme un des outils de la domination adulte comme je le lis dans ce livre. Car si on le supprime, la forme de l'oppression changera, ses habits, mais pas le fait d'opprimer, et des garde-fous mis en place décennie après décennie, et qui sont utiles pour certains dans certaines situations, seraient ainsi détruits.

Une réflexion intéressante est de se demander comment faire pour que, une fois ces garde-fous retirés, la liberté résultante ne soit pas en grande partie celle des prédateurs, et très peu celle des premiers intéressés. L'auteur a abordé ce point dans plusieurs cas, comme celui du travail, mais en l'expédiant rapidement, en reconnaissant que certes, il y aura de la casse, mais on fera avec. Je le comprends, car il considère que ce droit différencié est un outil d'oppression, mais comme ce n'est pas mon cas, je pense qu'on ne peut balayer d’un revers de main la casse résultante.

Dans ce qui bloque, qui coince, aussi belles que soient les idées, il y a les comportements, ce qui est intégré, reproduit, parfois même quand on le sait, qu’on en a pris conscience, qu’on le remet en question. J'ai d’ailleurs trouvé que l'auteur a évacué de manière assez cavalière le problème de la reproduction de la violence vécue soi-même enfant et la façon dont cela interfère dans les relations et les décisions : « Lorsque "les circonstances l'exigent", lorsque les rapports de force changent par exemple, nous pouvons changer assez profondément et rapidement de schémas mentaux et de comportements. » (P. 103.) Si seulement !!!! Mais peut-être son "rapidement" est-il à l’échelle d'une société et non d'un individu ?

Une autre idée de ce livre est que la VEO résulte de la domination adulte. Et il est fort probable qu'une fois celle-ci en place, il y a effectivement violence envers les plus jeunes. Mais, vu tous les mécanismes de reproduction et de justification de cette domination, il ne suffit pas de dire (même par une loi) que la domination adulte est abolie pour que cela soit le cas. Il vaut mieux avancer pas à pas en mettant en place de quoi obtenir une égalité réelle. Actuellement, c'est la fin de la justification de la violence envers les enfants.

La base de l'argumentaire "le droit différencié est une oppression en soi, virons-le et tout ira mieux" est qu'avant c'était mieux pour les enfants : illes étaient plus libres, illes pouvaient travailler, illes étaient considérés comme des adultes... Un autre livre qui exprime cette position est accessible en ligne : Pour l'abolition de l'enfance, de Shulamith Firestone.

Ces livres se basent sur la thèse de la construction de l'enfance de Philippe Ariès, L’Enfant et la vie familiale, thèse qui a été récusée par les historiens sur la méthode et le fond, cf. Philippe Ariès : naissance et postérité d’un modèle interprétatif de l’enfance et sur Wikipédia les critiques au sujet de son livre L’Enfant et la vie familiale sous l'Ancien Régime.

Je ne partage pas l'avis de l'auteur et pense que les enfants sont violentés depuis l'Antiquité dans les sociétés étatiques, ce que des textes indiquent depuis l'Antiquité, cf. Histoire de la violence éducative.

Un sociologue, Norbert Elias, a pour thèse que les mœurs de la société européenne se sont adoucies et raffinées depuis la fin du Moyen-Âge et que les parents ont « civilisé » leur comportement à l’égard de leurs enfants, cf. Relations parents-enfants : Au-delà de Freud… et de Norbert Elias.

Pour moi, ces droits sont comme des béquilles. Marche-t-on mal du fait des béquilles ? Ou du fait qu'on en ait besoin ? Je pense et ai expérimenté que lorsqu'une personne n'a plus besoin de béquilles, celles-ci tombent vite :-). Nul ne garde exprès des béquilles, par contre, si on les enlève de force à une personne qui en a encore besoin ou en est persuadée, la personne ne va pas loin. Je le constate de même dans les thérapies, et je me méfie comme de la peste des thérapies et thérapeutes qui blâment les « béquilles 2 ».

"Céder n'est pas consentir"

Plusieurs fois, l’auteur écrit que le plus gros de la violence envers les enfants, dont la violence sexuelle, se passe dans le cadre familial : c'est surtout le lieu où les enfants sont le plus fréquemment accessibles. Ajoutons que cela se passe dans tout milieu où cette accessibilité existe : c'est reconnu pour des lieux de vie autoritaires comme des internats tenus par des religieux, mais il apparaît, hélas, que des lieux de vie basés sur la liberté, comme L’École en bateau 3 et l’école d’Odenwald en Allemagne (voir le documentaire Une école presque parfaite) ont été eux aussi ravagés par cette violence.

De plus, Lloyd De Mause dénonce, dans le chapitre L’évolution de l’enfance (pages 41 à 44) de son livre Les Fondations de la psychohistoire, le fait que les abus sexuels envers les enfants étaient exercés par de multiples personnes au vu de tous il y a quelques siècles. La situation s'améliore donc, puisque ce n'est plus considéré comme normal, mais comme une maltraitance, et ce n'est plus public.

D'ailleurs, dans le chapitre sur les luttes des mineur/e/s est signalée celle sur le droit à la sexualité 4, au détour d'une lutte pour la liberté. Cette lutte a été décrite de manière approfondie dans l'étude De la libération des enfants à la violence des pédophiles. La sexualité des mineurs dans les discours politiques des années 1970, un article sur Wikipédia complète et précise la mise en place de cette lutte dans la décennie 1970 et au tournant des années 1980, sous l'angle des adultes : Apologie de la pédophilie - Structuration de plusieurs groupes à la fin des années 1970. Le journal Libération est aussi revenu sur cette période dans un article publié le 23 février 2001, "Libé" en écho d'un vertige commun - A la fin des années 70, la pédophilie est une déviance écoutée. L'article cite des extraits d'articles défendant la pédophilie comme une nouvelle liberté, expliquant qu'il s'agissait alors d'une remise en question de l'ordre moral au même titre que d'autres luttes de l'époque, et conclut que c'était une erreur.

Le thème de cette lutte, initiée par des mineurs (on n’était majeur qu’à 21 ans à l'époque) en revendication de leur sexualité, s'est étendu jusqu'à devenir celui de la sexualité d'adultes avec des mineurs mêmes beaucoup plus jeunes. Suite à la montée du féminisme, à sa prise en compte des violences envers les enfants, notamment sexuelles, qui a donné lieu à la découverte, ou redécouverte, de l'étendue de cette violence, ainsi que de toute la réflexion sur la notion de consentement, ce combat s'est étiolé au début des années 1980, avec des traces dans des livres comme Insoumission à l'école obligatoire de Catherine Baker, publié en 1985, cf. le chapitre "Contre l’assujettissement du sexe mineur" (à noter que les références à L'École en bateau et à son fondateur concernant la sexualité ont été retirées lors de la réédition de 2006). Et je constate que ce courant, dont le livre d'Yves Bonnardel est la manifestation la plus récente, ne prend pas en compte le rapport de pouvoir existant, et la participation des agresseurs à ce combat censé être pour la liberté des mineurs, puisqu'il écrit en conclusion de ces luttes en France : « Cela a fini avec la récupération institutionnelle de la Charte des Enfants en 1980, puis noyé [sic] dans l'élection de Mitterrand et l'intégration sociale-démocrate qui a signé l'arrêt de la mort des luttes et de l'esprit des années 1970. » (P. 38.)

Je suis d'accord sur le ralentissement de beaucoup de luttes dans la période 1980, mais, pour celle-ci, il y a eu aussi le fait que l'âge de la majorité avait été abaissé à 18 ans, puis l'uniformisation des âges d'accès à la sexualité entre hétérosexualité et homosexualité. Une partie de la revendication a donc été satisfaite. De plus, les non-agresseurs se sont rendu compte que « l’alternative entre la violence et le consentement fait ici l’économie d’un troisième terme, qui ne se confond ni avec l’un, ni avec l’autre : le pouvoir » (cf. De la libération des enfants à la violence des pédophiles. La sexualité des mineurs dans les discours politiques des années 1970) et ont arrêté de prêter main-forte aux agresseurs en cautionnant des actes pédophiles comme illes l'avaient fait avec la pétition "Les enfants aussi ont droit au plaisir" le 27 janvier 1977. Et c'est dommage qu'il n'y en ait pas encore plus qui s'en soient retirés, ou qui aient fait la critique de la liberté des agresseurs, comment les détecter et les arrêter, car L’École en bateau, lancée en 1969, a fonctionné jusqu'à 2002, et il y a eu de la sexualité d'adultes envers des enfants, connue d'autres personnes dont Catherine Baker qui en parle à mots couverts dans Insoumission à l'école obligatoire page 85 (retiré de la réédition de 2006 publiée par tahin party). Plusieurs de ces enfants ont porté plainte pour viol dès qu'illes ont pu, et leur combat a fini par aboutir récemment. Le témoignage de Benoît est un exemple éloquent de la fabrique du consentement. Il est donc fort dommage qu'une tenante de la liberté des enfants et du respect d'elleux comme Catherine Baker, qui dénonce à juste titre les bisous imposés, tous les gestes intrusifs que l'on s'autorise envers les enfants, n'ait pas perçu ce faux consentement obtenu des enfants à L’École en bateau et ait aidé leur agresseur au lieu de les aider.

Violence : seulement dans le cercle familial ?

C’est triste à dire, c’est un constat déprimant sur notre société, mais on estime à 2 ou 3 le nombre d’enfants qui meurent chaque jour directement de maltraitance, et cela se passe pratiquement à 100 % dans les familles (voir les articles de Muriel Salmona). Cependant, plus de 90 % des enfants passent une grande partie de leurs journées dans des lieux collectifs de garde d'enfants (crèche, école, centres de loisirs...), donc avec en principe des protecteurs externes à la famille. Or, malgré lois, circulaires, contrôles divers, on estime qu’au moins 30 % de la violence physique directe envers enfants de la part d'adultes se passe dans ces lieux, et cela ne m'étonnerait pas que ce soit plus ; sans compter la violence structurelle et la violence psychologique responsables par effet indirect de suicides, dépression, maladies, accidents, mais aussi, malheureusement, avec une large participation des parents.

Nous sommes une société où les enfants pleurent, mais une société également en train de sortir de la violence envers les plus jeunes. Car même s'il y a encore 2 à 3 morts d'enfants par jour de maltraitance, ce chiffre baisse, et l'exemple de la Suède est encourageant, où c'est devenu rarissime, et avec moins de placement d'enfants, relativement, qu'en France.

Disons que la famille, et tout lieu de vie de type foyer 5, sans protecteur externe comme les parents peuvent l’être par rapport à l'école et réciproquement, restent les derniers bastions de la violence physique importante envers les enfants ; alors qu'avant c'était généralisé et en public ; la violence sexuelle se produit dès que cela semble possible, mais ne se passe plus en public 6 ; et restent généralisées la violence physique faible et les violences psychologiques.

Corollaire, hélas désagréable : que les enfants retournent en tous lieux comme avant, seuls, et cette violence s'appliquera à elleux partout, comme cela se passait avant, SAUF si on arrive à faire reconnaître la VEO pour la société entière, à continuer le processus de baisse de violence envers les enfants pour une grande partie de la population (en Suède, par exemple, cela devrait devenir envisageable, et il a suffi d'une génération).

Mettre les enfants à l'écart a été à un moment, pour un temps, une mesure de protection qui a ses limites et ses inconvénients. C'est une bonne chose de la questionner, de la remettre en question. Mais si c'est uniquement sous un angle négatif, au détriment du désir réel de protection, et du besoin existant, alors les mêmes problèmes risquent de se reposer. C’est aussi cette mise à l'écart qui a permis de reconnaître la vulnérabilité des enfants, vulnérabilité un peu trop niée, et même celle des adultes. Quand on lit des récits sur les temps passés, cela allait assez loin en termes de sexualité imposée aux enfants 7, de travail forcé... Cette mise à l'écart a fait partie aussi, à mon sens, de ce qui a permis d'arriver à la reconnaissance de la VEO : des situations ont été reconnues comme étant de la violence à des niveaux de plus en plus faibles.

La mise en place de ces droits différenciés a en premier lieu correspondu à la reconnaissance de la violence exercée contre les enfants, ce qui n'était pas le cas auparavant. Lorsque ces droits n’existaient pas, l'enfant avait moins de droits que l'adulte. Par exemple, au XIXe siècle, on a la conviction qu’il est impossible de violer un enfant car l'acte est jugé impossible à cause de la petite taille de l'enfant. De plus, la violence envers un enfant de la part d'une personne extérieure à la famille était considérée comme une atteinte à la propriété de ses parents, cf. John Ward, De l’enfant "sans état" à l’enfant comme "personne". Je ne suis donc pas d'accord avec ce livre qui ne signale pas cela, qui pour moi le dénie.

Dénigrement de la notion de protection

D'ailleurs, à supposer que l’on réussisse à éliminer la notion et la pratique de la protection de l'enfance, même en supposant que les accords de Holt (liberté et non devoir, décrits dans son livre S'évader de l'enfance) soient inscrits dans la loi et en discussion dans la société, que pensez-vous que cela devienne dans une société où la violence envers les enfants est contenue mais non abolie, avec les mêmes problèmes d’histoires non résolues ? Je trouve les accords de Holt intéressants, et j'apprécie les efforts faits dans les textes pour que ce soit réel et pas détourné. Mais il en a été de même avec les droits définis par Korczak, et on voit comment ils sont mis en œuvre. Ce serait un exercice intéressant que de prendre un des accords de Holt, et d'essayer d'imaginer sa mise en pratique dans la société actuelle, où beaucoup de personnes sont encore pour frapper les enfants et les forcer pour leur bien. Cela me fait penser à des parents, des pères surtout, qui obligent leurs enfants à prendre des risques sur des aires de jeux, et beaucoup des mères sont, elles, dans le déni de la souffrance ressentie et de l'aide demandée. Dans ce contexte-là, mettre l’accent sur la liberté serait pain bénit : quoi, l'écoute des émotions ? Quoi, prendre en compte leurs besoins ? Mais non, illes doivent être libres, je ne suis pas, moi, un parent hélicoptère qui étouffe son enfant, ille doit devenir autonome. Il y a déjà la psychanalyse pour dire cela. Les parents hélicoptères seraient pris entre deux feux.

Une autre catégorie de gens souhaite faire travailler les enfants (voir conférence du PDG d'Air France), et met en question les conquêtes sociales : remettre les enfants au travail, et pour leur liberté ! Contre ces méchants parents et l’État qui les asservissent... Il faut donc bien prendre en considération le fait que la revendication du droit des enfants au travail ne vient pas seulement de gens qui veulent vraiment les « libérer ». D’ailleurs, des articles paraissent, sur des sites pas spécialement libertaires ou orientés enfants, qui ridiculisent les parents protecteurs (les « parents hélicoptères ») et valorisent la liberté des enfants, même au prix de prises de risque elles aussi valorisées.

Toute la réflexion qui a été développée au sujet des relations sexuelles avec des adultes (cf. le chapitre sur le consentement dans l'étude De la libération des enfants à la violence des pédophiles) s'applique au sujet du travail.

Alors, sortir des droits différenciés, oui, mais sans prêter main-forte aux agresseurs.

Quelques exemples d'où on vient :

* Garçons : participation au gymnasium en Grèce à partir de la puberté (banquet où l'invité est un garçon jugé beau par l'hôte, les garçons ont des tuteurs au gymnasium qui sont plus âgés, les garçons sont jugés matures et consentants à partir de la puberté).
Violence ou douceur. Les normes éducatives dans les sociétés grecque et romaine
L'homosexualité masculine était-elle autorisée dans la Grèce antique ?

* Moyen-Âge : l'âge minimum des fiançailles est fixé à 7 ans et l'âge du mariage à 12 ans pour les femmes, la femme est alors considérée presque comme une mineure tout au long de sa vie, passant de l'autorité de son père à celle de son mari.
La condition des femmes au Moyen-Âge
Femmes au Moyen-Âge

* Des exemples actuels de mariage pour les fillettes avec des hommes plus âgés
Le Pakistan, pays où des fillettes de 5 ans sont mariées de force pour payer des dettes d'honneur et ces articles sur le Yémen dans Le Monde et L’Express.

* « Il a fallu attendre 1935 pour abolir la procédure dite de "correction paternelle" qui permettait à un père "outragé" de faire placer son enfant en détention dans des établissements correctionnels, sans avoir besoin de fournir de justification, et jusqu'en 1958, il fut toujours possible, de placer les enfants en maison de correction sans qu'ils aient commis aucun délit... Les enfants errants, les mendiants et les petites filles qui sont prostituées, sont également enfermés. » (Muriel Salmona, Violences faites aux enfants, chapitre “Conséquences individuelles et collectives”.)

Dans le Code civil :

Edition de 1804 :

« Article 375
Le père qui aura des sujets de mécontentement très graves sur la conduite d’un enfant, aura les moyens de correction suivants :

Article 376
Si l’enfant est âgé de moins de seize ans commencés, le père pourra le faire détenir pendant un temps qui ne pourra excéder un mois ; et, à cet effet, le président du tribunal d’arrondissement devra, sur sa demande, délivrer l’ordre d’arrestation.

Article 377
Depuis l’âge de seize ans commencés jusqu’à la majorité ou l’émancipation, le père pourra seulement requérir la détention de son enfant pendant six mois au plus ; il s’adressera au président dudit tribunal, qui, après en avoir conféré avec le commissaire du Gouvernement, délivrera l’ordre d’arrestation ou le refusera, et pourra, dans le premier cas, abréger le temps de la détention requis par le père. »

Version du 1er septembre 1945 (texte source : Ordonnance 45-1967 sur la correction paternelle) :
« Le père, la mère ou la personne investie du droit de garde d’un mineur de vingt et un ans, peut, quand celui-ci lui donne des sujets de mécontentement très graves, adresser une requête au président du tribunal pour enfants du lieu du domicile du mineur pour demander qu’il soit pris à l’égard de ce dernier une mesure de correction paternelle.
La requête peut être présentée même par celui des père et mère qui n’a pas l’exercice du droit de garde sur l’enfant à moins qu’il n’ait été déchu de ce droit de garde
. »

Version du 23 décembre 1958 (texte source : Ordonnance n° 58-1301 du 23 décembre 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger) :
« Les mineurs de vingt et un ans dont la santé, la sécurité, la moralité ou l’éducation sont compromises peuvent faire l’objet de mesures d’assistance éducative dans les conditions prévues aux articles 375-1 à 382 ci-après. »

* Les Agressions Sexuelles - Données Épidémiologiques Générales :
Dans le chapitre "2.3 - Le viol : une constante sous-évaluation d'une régulière progression", les chiffres de viols sur mineurs montrent qu'au moins un tiers des viols sur mineurs féminins sont extrafamiliaux, et la proportion est égale ou supérieure pour les mineurs masculins.

Textes valorisant la liberté au détriment de la sécurité intérieure et du soutien d'adultes

Où il est question des "parents hélicoptères".
Un article dont le point de départ est une pub pour une lessive.
Sur le site Slate : Comment nous sommes devenus les Big Brother de nos enfants.

Éléments au sujet du travail

CIDE, Organisation internationale du travail :

La Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant (1989).
Âge minimum et travail (article Wikipédia sur le travail des enfants).
Une bonne part correspond à ce que demandent les enfants en lutte, comme pas de travail à risque... et il est question d'un nombre d'heures maximal d’environ 14 heures par semaine, et d'un âge minimum d’environ 12-13 ans. Autrement dit, conquérir un droit au travail pour les enfants contre la CIDE reviendrait à lutter pour l'abaissement de l’âge légal pour travailler (dès 10 ans, 8 ans, 6 ans…) et pour l’augmentation du nombre d'heures possibles par semaine (20, 30, 40…). Ce n'est pas aussi binaire que ce que décrit l'auteur.

Un témoignage sur le travail des enfants en France au XXe siècle

par C. (source : OVEO)

« Mon beau-père, qui a à peine 50 ans maintenant, travaillait aux champs après sa journée d'école tous les jours, comme ses frères et sœurs. C'était dans les années 1970, en Sologne (France). Le père disait le matin à chacun dans quel champ ils devaient se rendre le soir. Et ils rentraient chez eux quand le champ d'asperges, de pommes de terre ou autres était terminé. Devenu adulte c'était une bête de somme. Ayant toujours eu de grosses difficultés scolaires (pas étonnant non plus), il pensait que sa seule valeur était au travail. Jusqu'à ce que le dos lâche, totalement bousillé.

J'ai connu aussi plusieurs mamies, dont ma grand-mère, qui avaient grandi dans le Morbihan entre 1920 et 1945.

A cette époque, en Bretagne, les enfants étaient considérés comme des bras par leurs proches. On les mettait donc à "aider" les parents dès l'âge de 3 ou 4 ans.
Je ne vois pas où est la liberté quand des fillettes de 4 ou 6 ans doivent porter des cochons de lait, pousser des brouettes trop lourdes, ou garder leurs frères et sœurs tout en barattant le beurre et en gardant les vaches...

Quand une femme de 70 ans vous raconte les larmes aux yeux, qu'un vendredi saint, pour honorer le Seigneur, son parrain l'a obligée à arracher des patates toutes la journée sans eau et sans nourriture, on sent encore la souffrance de la petite fille.

Dans les récits que j'ai entendus, il y avait toujours les menaces de coups (torchons, nerf de bœuf, bâton), des coups donnés (avec des objets, des gifles, fessées...), des punitions, des privations de nourriture parce que le travail n'a pas été bien fait ou pas fini et donc que la pitance n'a pas été gagnée, des humiliations ou menaces d'humiliations. La solitude aussi d'enfants qui essayent d'apprendre seuls, un peu en cachette, les tables de calculs sur un cahier, et qui n'ont aucun jouet (pourquoi faire d'ailleurs), qui se fabriquent des poupées avec des bouts de bois et des chiffons, qui se font disputer s'ils fendent leur sabot en jouant la marelle (les sabots coûtaient cher)...

Les enfants pouvaient être placés chez un autre paysan dès l'âge de 6 ans. Ce dernier avait l'obligation de les envoyer un peu à l'école (l'hiver quand il y avait moins de travail dans la ferme). Après la journée d'école, il fallait travailler à l'étable, à la cuisine ou aux champs. Et si le travail l'exigeait, l'enfant n'allait pas en classe durant plusieurs jours ou plusieurs semaines.

Des gamines étaient envoyées à 11 ou 12 ans comme bonnes à la ville ou chez des nobles. Fini l'école (pourtant déjà obligatoire jusqu'à 13 ans !). C'était le travail de 6 h à 22 h. Première debout, dernière couchée. Voilà souvent comment elles résument cette période de leur vie. »


Réflexions au sujet du livre La Domination adulte d’Yves Bonnardel

par Gaëlle, membre de l’OVEO

Je viens d’achever la lecture du livre d’Yves Bonnardel La Domination adulte : l’oppression des mineurs, que j’ai trouvée très instructive. Le propos majeur du livre est d’exposer sous l’angle matérialiste l’oppression des mineurs par les adultes, angle qu’avait choisi Christine Delphy dans les années 1970 pour analyser l’oppression des femmes par les hommes. C’est d’ailleurs Christine Delphy qui a rédigé l’avant-propos du livre, et Yves Bonnardel se réfère de nombreuses fois à ses travaux. Christine Delphy avait elle-même beaucoup analysé l’oppression des Noirs par les Blancs lors de ses études aux Etats-Unis d’Amérique, ce qui l’avait aidée à « transposer » pour les femmes le mécanisme d’oppression qu’elle avait observé. Je trouve que le même travail de transposition des femmes vers les enfants, dans ce livre, est très pertinent et efficace.

Je n’entends pas refaire la démonstration ici. En revanche, j’aimerais développer deux aspects longuement analysés par Yves Bonnardel, et qui, de mon point de vue, sont les plus sujets à polémique, en particulier au sein même de la communauté de celles et ceux qui entendent défendre le bien-être des mineurs : (l’institution de) la protection de l’enfance et le travail des mineurs.

La protection de l’enfance tout d’abord. Yves Bonnardel fait une critique acerbe des institutions de la protection de l’enfance, et on serait alors tenté de débattre sur ce qui fonctionne ou pas dans ces institutions, ce qu’on pourrait défendre et ce qu’on pourrait supprimer. Mais ce serait ne pas tenir compte de ce que l’auteur décrit finalement : la protection de l’enfance n’existe que parce les enfants ont des droits différenciés de ceux des autres humains à cause de leur statut de mineur. Je trouve cet argument très fort. Là encore, on peut faire le parallèle avec le fait que les femmes ont elles-mêmes été très longuement dépossédées du droit à disposer d’elles-mêmes par le statut de mineur qui a été le leur. Yves Bonnardel démontre que, quelque part, la protection de l’enfance est au statut de mineur ce que les méthodes d’éducation sont à la relation parent/enfant. Comme on cherche à faire obéir les enfants sans les frapper ou les punir, on cherche à les maintenir sous la domination adulte sans que cela leur soit trop pénible (voire pour leur bien). Dans les deux cas, on évite de remettre en cause la nature (et l’intention) des relations entre les mineurs et les adultes, ce qui ferait pourtant avancer l’affaire autrement plus rapidement. L’auteur consacre d’ailleurs une partie importante de son texte à ce qu’il appelle « l’éducationnisme ».

Le travail des mineurs maintenant. Yves Bonnardel fait état de nombreuses luttes organisées de mineurs, en particulier celles menées par les Enfants et Jeunes Travailleurs d’Amérique du Sud et d’Afrique, et le mouvement allemand Kraetzae. Ces organisations réclament le droit au travail pour leurs membres, ce qui fait bondir les adultes qui souhaitent protéger les mineurs (malgré eux) de cette exploitation. Alors soyons clair, ce que défend Yves Bonnardel, et qu’il ne dit pas suffisamment clairement à mon avis (dans la note 76 p. 171 par exemple), c’est l’accès à des revenus propres pour les mineurs. Lui-même reconnaît que le marché du travail est tout sauf libérateur ; pour autant, disposer d’une marge de manœuvre financière pour se soustraire au bon vouloir de son oppresseur ne devrait pas choquer autant. La question de l’accès au travail rémunéré est évidemment bien ambivalente. Si nous reprenons à nouveau l’exemple des femmes, il est évident qu’elles ont bénéficié de finir par avoir le droit de travailler sans l’autorisation de leur mari (et de toucher leur rémunération sur leur propre compte bancaire et pas celui, encore, de leur mari !). Néanmoins, force est de constater que la conquête de ce droit ne les a pas libérées du travail domestique invisibilisé et gratuit, et donc pas libérées de l’oppression masculine. Elles subissent de plus l’exploitation du marché du travail (et plus durement que les hommes ; je pense aux CDD et aux temps partiels). Qu’on ne se trompe donc pas pour autant de lutte : il ne s’agit pas de lutter contre le travail des mineurs (ou des femmes !), mais plutôt contre les conditions actuelles du travail de tous les êtres humains (chantage à l’emploi, exploitation, travailleurs pauvres, et j’en passe). L’ouvrage d’Yves Bonnardel aborde seulement cet aspect, et c’est bien normal, puisque le travail n’est pas l’objet du livre. Néanmoins, il devient de ce fait « facile » de rejeter ses thèses, parce qu’elles mettent en lumière les arguments très étayés des mineurs qui souhaitent accéder au marché du travail. Pour poursuivre cette analyse sur le travail, je me permets de vous inviter à découvrir les réflexions de Bernard Friot sur le salaire à vie. Contrairement au revenu de base, qui serait un revenu versé inconditionnellement à tous, mais dont le montant et le financement resterait décidés par les gouvernants, le salaire à vie serait un revenu versé à tous en reconnaissance du statut politique de producteur de chacun et serait financé par les caisses de cotisation (comme sont versés actuellement les salaires des fonctionnaires, les pensions des retraites, les allocations familiales et de chômage). (Voir le court documentaire très clair réalisé par Usul sur le sujet.)

En conclusion, j’aimerais recommander vivement la lecture du livre d’Yves Bonnardel. On peut regretter que ses sources soient un peu répétitives (Christine Delphy, Christiane Rochefort, Catherine Baker, John Holt, Manfred Liebel), mais, à sa décharge, peu d’auteurs ont traité de la question de l’enfance sous l’angle de la domination adulte, et c’est donc louable que cet ouvrage le fasse (par ailleurs, il cite aussi Alice Miller et Jean-Pierre Lepri). Le livre offre une analyse bien argumentée et facile à lire de la condition d’enfant, et de la création des notions d’enfance, d’adolescence, de protection de l’enfance, et d’éducation. Son analyse de l’institution de l’enfance comme idéologie a le grand mérite de poser le sujet d’une façon qui force à la réflexion. Et c’est important.



  1. Après une conférence de l'auteur sur son livre, Caroline (du blog "Apprendre à éduquer") a écrit un résumé de ces luttes de mineur/e/s, accompagné d'une description de l'atelier qui a suivi la conférence et de réflexions.[]
  2. Il s’agit ici des thérapies ou des thérapeutes qui enjoignent aux personnes qui souffrent des conséquences de la violence subie de « pardonner » et de se débarrasser des « béquilles » mises en place pour continuer à vivre (par exemple : récriminer continuellement), en affirmant qu’elles vivront mieux sans. Autre appellation de ces béquilles : les « bénéfices secondaires » (d’être malade, dépressif, etc.).[]
  3. Voir L'École en bateau - L'enfance sabordée et cet article de Muriel Salmona.[]
  4. P. 38, collectif "Mineurs en lutte". Il est aussi fait référence à la lutte sur le droit à la sexualité p. 125, dans la note 182 : « Les médias ont consciencieusement œuvré à ce résultat [les "pédophiles" sont devenus dans l'imaginaire public des monstres contre lesquels tous les moyens doivent être employés]. C'est toute une conception libertaire et égalitaire des rapports entre adultes et enfants, handicapés et "valides", issue de mai 68, qui a dans la foulée été diffamée et condamnée à partir de 1983. » Mais François de Singly, dans sa préface au livre L'Enfant interdit. Comment la pédophilie est devenue scandaleuse, constate qu'à partir des années 80 la « symétrisation adultes/enfants » a été rejetée pour adopter une position de compromis du fait de l'existence de rapports de force et pour que « la protection de l’enfant inscrite dans les limites de son consentement ne reflète pas avant tout l’oppression des parents. Ces règles ont pour fonction de garantir que l’expression personnelle, y compris dans la sexualité, ne sera pas détournée au profit d’adultes pouvant profiter de la situation. »[]
  5. Cf. Lyès Louffok, Dans l’enfer des foyers.[]
  6. Voir note 7.[]
  7. Au vu du témoignage d’Hérouard, médecin de Louis XIII enfant (p. 181), les "jeux" sexuels avec les enfants semblaient généralisés à son époque, et donc cela, comme l'ensemble de la violence, a été fortement réduit : ce n'est plus possible en public, ni de s'en vanter auprès d'autres personnes. Voir aussi La sexualité infantile a-t-elle été inventée par Freud ?[]

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