Il est urgent de promouvoir la culture du respect de l’enfant comme “ultime révolution possible” et comme élément fondamental de transformation sociale, culturelle, politique et humaine de la collectivité.

Maria Rita Parsi, psychologue italienne.

« Qui aime bien châtie bien », un documentaire d’Amalia Escriva

Dernière mise à jour : 17 avril 2021


Le documentaire d'Amalia Escriva Qui aime bien châtie bien, de la maltraitance ordinaire à l'éducation bienveillante, diffusé la première fois en septembre 2019 sur France3 Occitanie est une sorte d'enquête sur les traces d'Alice Miller, avec des photos inédites, des interventions de Catherine Gueguen, Brigitte Oriol et Olivier Maurel et des témoignages très forts d’adultes et d’enfants.

Pour répondre à la proposition d'Amalia Escriva (voir ci-dessous), nous le mettons à la disposition de nos lecteurs.

“Nous avons décidé, ma productrice Madame Sophie Faudel et moi, au vu de la situation actuelle et de cette pandémie qui nous empêche d’envisager la moindre projection, de mettre gratuitement ce film à la disposition de qui voudra s’en servir, afin de lui éviter un oubli complet, et de lui offrir une seconde vie, car il nous semble que c’est un outil pédagogique sensible, qui peut guider les parents et les enseignants et particulièrement en ces temps difficiles de confinement.
Aussi, vous trouverez ci-dessous le lien du film, que vous pouvez utiliser à votre guise.
La seule contrepartie que nous vous demandons, c’est de nous tenir au courant de vos actions liées à ce film et à sa circulation." (Amalia Escriva)

"Qui aime bien châtie bien"

Ce film a fait débat parmi les membres de l'OVEO, certaines scènes et commentaires dits 'bienveillants" étant à nos yeux encore de la violence éducative ordinaire. Aussi, nous reproduisons ci-après les remarques de Maja Mijailovic, qui a le plus développé sa critique.

3 octobre 2019 : Je suis en train de visionner le film, pour te répondre @JeanPierre du fait du commentaire de la réalisatrice qui dit quelque chose du genre « j’aurais aimé en faire autant avec mes filles petites  » suite à la scène du « travail » avec l’eau d’Arthur où Charles est empêché je comprends qu’elle voulait montrer une posture non violente (du moins physiquement ni verbalement) pour empêcher un enfant d’agir d’une façon que l’adulte pourrait désapprouver (empêcher le camarade de faire son « travail »). Or c’est justement un très bel exemple de la différence entre la posture non violente (ne pas frapper ne pas crier ne pas punir etc) et la posture respectueuse (des besoins et du développement de l’enfant).

L’adulte dit à Charles : « trouve toi un autre travail ou assied toi là pour regarder ». Ces propositions ne tiennent pas compte du besoin de Charles (découverte/motricité) ni de ses capacités (trouver de lui même une activité équivalente pour remplir ce besoin alors qu’il est dans l’immediateté de l’envie suscitée par les jeux d’eau). Cette intervention de l’adulte est aussi anticipatrice des besoins de l’autre enfant : Arthur a-t-il vraiment exprimé le besoin de faire cette activité seul ?
Évidemment il nous est possible à analyser tout ça à froid quand on a du recul et des ressources sur la compréhension des besoins et développement de l’enfant, je doute que beaucoup de professionnels soient formés à ce sujet, et j’imagine que de montrer une adulte qui « au moins ne réprimande pas l’enfant ni le puni » est déjà un signe de « progrès ».

Pour ma part, au delà de me réjouir de l’existence de ce film et la qualité des interventions, j’ai deux retours à faire à ce stade du visionnage :
– je suis étonnée et déplore que Brigitte Oriol valide la vision de l’enfant roi mythe adultiste qui alimente une vision négative de l’enfant qui, s’il n’était pas cadré, serait forcément dans l’abus ou la domination…
– j’ai été très émue par la dame qui témoigne au marché qui a trouvé comme stratégie de prévenir ses enfants de son gorille intérieur en les incitant à se cacher d’elle alors qu’elle se sentait poussée dans ses retranchements, évidemment cela ne doit pas être sécurisant pour un enfant de savoir qu’un gorille sommeil en son parent et le voir lutter contre lui même, mais on peut s’imaginer que compte tenue des maltraitances graves qu’elle a subit elle a réussi à ne pas reproduire même partiellement ce qui peut relever d’un exploit quand on sait les conséquences des violences.

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Ok… j’ai vu le reste du film et effectivement on voit la même éducatrice qui cette fois rentre dans un rapport de force 🤦🏻‍♀ pour faire ranger Arthur qui ne semble pas comprendre sa demande : elle va littéralement le forcer à ranger en le tirant, en le bloquant, en le ramenant à l’endroit où les puzzles sont tombés et tant qu’il ne range pas il n’a pas le droit de passer à l’activité suivante.

On est typiquement dans le genre de postures de rapport de force qui conduit aux violences, en fait pour moi ce rapport de force est une violence en soit avec un contact physique contraint et il n’en faut pas plus pour réveiller la plupart des automatismes des parents justement : comment est ce qu’un parent qui à un gorille en lui peut décemment rentrer dans ce rapport sans prendre le risque de le réveiller?

C’est exactement le genre de nouveaux « conseils éducationnels » (parce que même si dans le film on ne dit pas précisément : « voilà ce qu’il faut faire » on le montre/met en scène) qui les enferme dans les veo .

Dans l’Education dite bienveillante/positive on rassure les adultes sur le fait que la non violence éducative n’est pas du laxisme que « ce n’est pas laisser l’enfant faire tout ce qu’il veut » (et ça c’est le propos exact de Brigitte auquel elle ajouté que cela fait des enfants rois qui sont aussi le fruit d’une maltraitance qu’est le manque de cadre et de limites) et on montre un adulte qui déploie sa fermeté et sa force physique pour contraindre un enfant à son injonction.

Cela relève de la pure dissonance encore une fois l’usage de la force n’est justifiée qu’en cas de danger et là le message est clair : on peut aussi l’utiliser pour faire faire à un enfant ce qu’on a décidé pour lui sans tenir compte donc de sa capacité à coopérer dans l’instant et les raisons l’en empêchant.

Et il est là le danger à mon sens derrière le discours de la « bienveillance éducative » c’est la main de fer dans le gant de velours et souvent une variante de la pédagogie noire « bienveillance = je veille sur ton bien et parfois je fais des choses contre ton grès » : pour moi il est inadmissible de forcer ainsi le contact physique alors qu’il n’y a aucun danger pour personne.

J’avais écris un article intitulé « paye ta bienveillance » qui explique ce problème je vous le mets ici : http://leslunettesdemaja.fr/paye-ta-bienveillance/

Pour la CNV je n’en ai pas entendu parler dans le film mais sur le principe sans rentrer dans applications détaillées des fondements de la CNV pour moi elle relève du bon sens vers la non violence : ne pas s’adresser à autrui en utilisant le TU qui tue (les reproches et réprimandes font partie des veo), toujours se connecter aux besoins de son interlocuteur (pour un adulte ce n’est pas de notre responsabilité chacun est responsable de ses besoins mais vis à vis des enfants ça me semble la base tant que les enfants ne sont pas en autonomie sur leur remplissage de leurs besoins) cette connexion aux besoins amène une empathie qui court circuite des élans au rapport de force et donc de violence.
De plus Marshall Rosenberg (le fondateur de la CNV) rappelait toujours que le seul usage de la force acceptable est celui de sauver la vie. J’utilise donc moi même ces fondements de base à la fois dans ma pratique pro d’accompagnants parentalité à la fois dans mes relations à mes enfants sans forcément faire référence à la CNV de laquelle je préfère prendre des distances du fait de son utilisation : manipulations et spiritualité voire dérives sectaires (si on regarde la branche qu’a créé par ex Isabelle Padovani, qui se revendique être la fille spirituelle de Marschall Rosenberg, elle parle régulièrement de Dieu … on est avec elle dans une religion clairement).

Je trouve que ce film est une bonne opportunité pour l’OVEO de faire un petit point justement sur tous ces sujets : j’ai vue des membres ici, dans les listes de discussion, défendre le mythe de l’enfant roi par ex. je sais que d’autres membres prônent la bienveillance éducative (pour ma part je parle d’accompagnement respectueux des enfants uniquement : respect de leur intégrité physique et psychologique, respect de leurs capacités en lien avec leur stade de développement, respect de leur consentement et leur non cooperation, en invitant les adultes à changer de lunettes sur l’enfant et adapter leurs attentes pour qu’elles soient réalistes et leur évite à eux adultes d’etre dans des frustrations où ils seraient tentés d’utiliser leur rapport de force et donc la violence, tout en tenant compte également de leurs difficultés à s’extraire des schémas qui les régissent et ce que j’appelle les automatismes).

Quand je parle de faire le point c’est de permettre suite aux derniers échanges de la liste un éclaircissement justement sur la position de l’OVEO (puisqu’il était question de désaccord et de reproche sur une pensée qui ne serait pas représentative de la majorité) : l’article sur la réponse à la CAF concernant les limites nécessaires prônées dans leur livret parentalité me rassure par ex, c’est un article que je diffuse régulièrement (je le remet ici : https://www.oveo.org/les-punitions-corporelles-denoncees-dans-le-livret-des-parents/ )


2 octobre 2019 – Le documentaire d'Amalia Escriva Qui aime bien châtie bien, de la maltraitance ordinaire à l'éducation bienveillante, diffusé le 30 septembre 2019 sur France3 Occitanie, n'est plus visible en replay (mais on peut lire l'article de présentation et voir la bande-annonce). Ce film est une sorte d'enquête sur les traces d'Alice Miller, avec des photos inédites, des interventions de Catherine Gueguen, Brigitte Oriol et Olivier Maurel et des témoignages très forts d’adultes et d’enfants. Voir Revue de presse du 30 septembre 2019.