Pourquoi est-il fondamental d’interdire la VEO en France ? (10 raisons)
Raison 1. Créer une prise de conscience permettant de faire baisser la violence dans la famille et autres lieux d'accueil
L’objectif de la loi est de favoriser une prise de conscience afin de faire baisser la violence. En effet, à partir du moment où le parent ou le professionnel prendra conscience qu'il emploie des moyens violent pour modifier le comportement d'un enfant, il y aura de moins en moins recours et adoptera de nouvelles postures éducatives.
Plus une société prend conscience de la violence éducative ordinaire faite aux enfants, plus elle augmente la perception de la violence faite aux enfants comme de la maltraitance, plus la violence faite aux enfants tend à diminuer.
Il est du rôle de l’État de dire qu’une autre parentalité est possible et de soutenir un changement de société permettant une meilleure acceptation des comportements naturels de l’enfant. Voter la loi permet de faire baisser la violence bien plus rapidement que la seule mise en place de mesures d’information et/ou de formation.
Raison 2. Délivrer un message clair et sans ambiguïté : il n’y a pas de violence acceptable
L’ONU rappelle que toute punition corporelle est une violence physique.
La loi doit énoncer un principe clair afin que la question de la limite entre violences autorisées et interdites ne se pose plus. Aucune violence faite à l’enfant n’est tolérable, quelle qu’en soit la forme – verbale, psychologique, physique – ou la visée.
Pour une majorité de Français, ces pratiques éducatives ne sont actuellement pas perçues comme de la violence. Dites « légères », ces violences – telles que les fessées, claques, petites tapes, ou le fait de pincer, tirer le bras, les cheveux, les oreilles… – font partie des mœurs de notre société et sont le plus souvent admises par tous (parents, professionnels, juges…).
Pourtant, concernant la violence faite aux femmes dans le cadre familial, le juge reconnaît que la violence conjugale est caractérisée dès la première claque. Il doit en être de même pour les enfants.
Raison 3. Aider les parents et les professionnels sans les "culpabiliser"
L’objectif de la loi est de poser un interdit dans le Code civil. Le but n’est pas de pénaliser les parents ; l’inscription dans la loi obligera la société à changer son regard sur l’enfance et ainsi à mieux soutenir les adultes dans leur rôle d’accompagnants, d’enseignants ou de parents.
En Suède, les adultes enfreignant la loi sont informés des conséquences pour l’enfant et des alternatives possibles, et on les oriente vers des conseillers et autres programmes d’aide à la parentalité, de formation et de soutien. La France pourrait prendre un chemin similaire.
Raison 4. Mettre fin au « droit de correction », sans fondement légal
Le texte de loi doit explicitement mettre fin au recours au « droit de correction » dans l’exercice de l’autorité parentale.
Le droit de correction remonte à une jurisprudence de 1819. Depuis la suppression du droit de correction paternelle du Code civil en 1958, le droit de correction n’a pas de fondement légal : il est jurisprudentiel, basé sur une coutume non écrite, ce qui est contraire à toute règle de droit pénal.
Le droit de correction pour les femmes, les prisonniers, les employés, les militaires et la violence envers les animaux ont été progressivement abolis au cours du siècle dernier.
Un adulte, homme ou femme, peut saisir la justice s’il est frappé de quelque façon que ce soit.
La violence conjugale est considérée par le droit pénal comme une forme aggravée de violence, du fait d’une part de la situation de vulnérabilité de la personne qui en fait l’objet et, d’autre part, du fait qu'elle a lieu dans le cadre familial. Pourtant, dans la même situation, l’enfant n’est pas protégé par la loi.
Les enfants – alors qu’ils sont les plus vulnérables, ne pouvant ni se défendre ni s’enfuir – sont les seuls êtres vivants qu’il reste admis de frapper en France, à cause du droit de correction coutumier qui permet au juge de ne pas appliquer la loi pénale si la violence pratiquée dans la famille est « à but éducatif » et « légère ». La loi doit d’urgence mettre fin à cette inégalité.
Ainsi, grâce à cette loi, l’article I de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, premier texte de la Constitution française, « Les hommes naissent libres et égaux en droits », serait enfin respecté vis-à-vis des enfants.
- Pour aller plus loin sur ce point, voir notre analyse juridique
Raison 5. Adapter les textes afin de les rendre applicables
Il est parfois avancé que les enfants victimes de violences sont déjà protégés par le Code pénal, car le fait que la victime ait moins de 15 ans et que l’acte soit commis par un ascendant sont deux raisons aggravantes (art. 222-13).
Or, le Code pénal est peu appliqué pour des faits de violence éducative ordinaire en raison de la variabilité de l’appréciation des faits par le juge d’un territoire à l’autre, le droit de correction faisant régulièrement obstacle à l’application du Code pénal.
Raison 6. Respecter les traités internationaux ratifiés
La loi permettrait à la France d'être en conformité avec la Constitution au regard des conventions internationales qu'elle a signées : la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989 et la Charte européenne des droits sociaux (l’article 17) en 1996 (cf. article 55 de la Constitution).
En février 2016, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a rappelé pour la quatrième fois à la France – qui a ratifié la Convention depuis 1990 – son devoir d’appliquer la Convention et d’interdire de façon claire et explicite les châtiments corporels.
Le 7 avril 2016 est entré en vigueur le 3ème protocole de la CIDE, qui permet à un particulier d’attaquer la France devant l’ONU pour violation du droit.
En janvier 2018, lors de la 29ème session de l’examen périodique universel de la France sur les droits de l’Homme par l’ONU, six recommandations ont à nouveau été faites à la France concernant la nécessité d’interdire les châtiments corporels.
Raison 7. Protéger l’enfant, y compris dans la sphère privée
Les enfants ont droit au respect de leur dignité et de leur intégrité physique.
L’enfant, de par sa dépendance et sa vulnérabilité, doit être particulièrement protégé.
Ainsi, les méthodes d’éducation des enfants, quand elles utilisent la violence, ne relèvent plus de la sphère privée ni de la liberté éducative. Selon l’ONU, « aucune circonstance ne peut justifier l’emploi de la violence envers un enfant. »
La Cour européenne des droits de l’Homme a rappelé que les droits à la vie privée ou familiale, à la liberté ou à la croyance religieuse n’étaient pas des arguments valables pour refuser l’interdiction des châtiments corporels. Les droits de l’Homme sont aussi ceux de l’enfant et ne s’arrêtent pas aux portes de la maison.
Raison 8. Associer loi et sensibilisation pour un meilleur résultat
Une étude portant sur 5 pays européens (Suède, Autriche, Allemagne, Espagne et France) établie à partir de 5 000 entretiens avec des parents a comparé les répercussions d’une interdiction ou de l’absence d’interdiction des châtiments corporels, assortie ou non de mesures d’accompagnement. Elle indique que les meilleurs résultats pour la lutte contre la violence éducative ordinaire sont obtenus lorsque les pays ont légiféré et mené des campagnes de sensibilisation en parallèle :
« À l’issue de cette comparaison internationale et des autres analyses multivariées, il ne fait plus aucun doute que l’interdiction de la violence éducative a un effet de réduction de la violence. La condition est naturellement que l’interdiction légale de la violence soit largement promue. […] Les seules mesures de sensibilisation produisent en revanche moins d’effets, surtout s’agissant des châtiments corporels plus légers. Dans les pays n’ayant pas légiféré sur l’interdiction des châtiments corporels au moment de l’enquête, presque la moitié des familles recouraient à une éducation affectée par la violence. »
[Définition de l’éducation affectée par la violence, selon cette étude :
À côté des autres formes de sanction, les parents recourent plus d’une fois à des châtiments corporels sévères (donner une grande gifle, taper avec un objet, donner une raclée.)]
Raison 9. Se joindre à un processus mondial d’abolition qui s’accélère
À la date de publication de cet article, le Népal est le dernier pays a avoir voté une loi d’abolition des châtiments corporels dans tous les contextes (septembre 2018), portant le nombre de pays abolitionnistes au nombre de 54. En février 2017, La Lituanie avait voté une loi similaire à l’unanimité.
23 pays sur les 28 de l’UE ont aboli les châtiments corporels en toutes circonstances : l’Allemagne, l’Autriche, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède.
Il ne restera bientôt plus que 5 pays à ne pas l’avoir encore votée dans l’Union européenne : la Belgique, l’Italie, la République tchèque, le Royaume-Uni et la France.
Raison 10. La demande d’une loi est très soutenue
De nombreuses institutions nationales et internationales se sont prononcées pour que la France abolisse les châtiments corporels, conformément aux traités qu’elle a signés : le Défenseur des droits, la fondation France Stratégie, le collectif Agir ensemble pour les droits de l’enfant (AEDE), la Commission consultative des droits de l’Homme, l’Unicef, l’Organisation mondiale de la santé, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, l’OCDE, l’Unesco. 275 associations ont soutenu l’appel de l’OVEO de 2007 pour le vote de la loi d’interdiction des punitions corporelles dans le Code civil.
La loi votée en 2016 à l’issu des amendements déposés par François-Michel Lambert, Édith Gueugneau et Marie-Anne Chapdelaine, a reçu le soutien de François Hollande, Laurence Rossignol, Jacques Toubon, Geneviève Avenard, Marie Derain, Dominique Versini, Edwige Antier, Jacques Attali, Anne Hidalgo et plus de 350 députés et sénateurs.
Le vote de la loi a été très largement relayé dans les médias généralistes – presse, radio, TV – ou spécialistes – revues médicales, pédiatriques, juridiques, adolescentes, familiales, généralistes, etc. Elle a très majoritairement reçu un accueil positif et repris des arguments de fond.
Depuis mars 2018, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, puis Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes (juillet 2018) ont exprimé publiquement leur soutien à cette loi. François De Rugy, actuel ministre de l’Écologie était déjà cosignataire de la PPL de François-Michel Lambert en 2016 et Nicole Belloubet, ministre de la Justice, proposait en 2017 lors d’une réponse au débat parlementaire de « s’engager en ce sens ».
Le sujet a beaucoup avancé en France depuis la première PPL en 2010 proposée par Edwige Antier.
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