Il est urgent de promouvoir la culture du respect de l’enfant comme “ultime révolution possible” et comme élément fondamental de transformation sociale, culturelle, politique et humaine de la collectivité.

Maria Rita Parsi, psychologue italienne.

On suit un mode d’emploi qui a fait ses preuves… sur quelques enfants

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site.

Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?

Oui. Sous la forme induite. Silencieuse. Je ne devais pas déranger. Mais pas vraiment de punition. J'étais trop sage. Pas de fessée. J'étais trop sage. Mais mes frères et ma soeur en ont eu, oui.
Une ambiance familiale délétère : cris de la mère et violence entre les enfants (4 enfants). Tout cela cautionné par un père froid, sans affect apparent : menace du martinet (dans la petite enfance). Le plus important, c'était l'image que la famille devait donner à l'extérieur et, pour cela, il fallait être doué à l'école (pour avoir une profession prestigieuse) et aussi maîtriser toutes les règles de savoir-vivre. Peu importe si nous, les enfants, nous avions des soucis personnels. Nous nous sentions le droit de parler seulement si c'était « intéressant » aux yeux de notre père ; lui avait le verbe facile (profession Magistrat). Et encore, il fallait abonder en son sens. Comme j'étais la « petite dernière », j'ai toujours eu cette réponse : « va voir ta mère, elle sait mieux que moi » … sous entendu «répondre à ces histoires d'enfants », voire « ces histoires de filles ». Et ma mère évinçait mes questions avec une merveilleuse bonne foi.
J'ai subi aussi des moqueries et du cynisme de la part de mon frère.
A cela s'ajoute des secrets de famille nombreux.

A partir de et jusqu'à quel âge ?
Tout le temps jusqu'au départ du « nid ».

Par qui ? (père, mère, grands-parents, autre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...)
Des parents. Un père absent soit physiquement soit psychiquement. Une mère présente physiquement mais absente psychiquement. Un frère cadet moqueur.

Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?
Oui, un père avec une éducation « dure », dit-il, chez les « Jésuites », sa mère qui ne pensait qu'à elle, et son père absent. Il dit aujourd'hui qu'il ne s'est toujours pas « remis du divorce de ses parents »
Ma mère, je ne sais pas vraiment. Mais, nul doute, un manque affectif.
Mon frère cadet, le plus proche en âge, en sur-affection maternelle et subissant des moqueries toute sa scolarité (bégaiement entre autres

Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir “bien mérité”...) ?
Résignation.
Parfois colère mais vite désamorcée car « il ne fallait pas crier, on n'est pas chez des chiffonniers » disait-mon père outré (qui s'éclipsait juste après avoir proféré la sentence) et aucune réaction par ma mère. Alors, j'ai parfois crié (tant pis, je serai chiffonnière), énormément boudé, pleuré et je me suis exilée très très souvent dans ma chambre...
Honte. Sur le parvis de l'école, j'entendais toujours ma mère faire des éloges de mon frère cadet, il avait sauté une classe (il a 18 mois de plus que moi). J'étais littéralement cachée dans ses jupes, avec un sentiment de honte. Elle l'emmenait très souvent voir les grands-parents à 300km.
Mais pas les autres enfants : Je pense qu'elle n'aurait pas été aussi fière.
Peur de dire des bêtises, peur d'être visible.
Sentiment d'injustice : on explique des choses aux autres enfants et à moi non. On s'intéresse à la scolarité des autres mais pas à moi, la petite dernière. Les parents ont trop de soucis avec les autres. Je crois bien que ma mère me l'avait dit.

Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?
Isolement. Parfois un peu de compréhension par mes aînés. Mais ils avaient eux-mêmes beaucoup de soucis de leur côté (ma soeur, l'aînée, a coupé tout lien ; et mon frère aîné s'est donné la mort à 25 ans, après des années d'alerte et de violence). Pas d'oncle, ni de tante, ni cousin, ni grands-parents à proximité.
Cela dit, comme je n'avais pas conscience de ce désinvestissement parental, je ne cherchais pas tellement de soutien.

Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?
Timidité excessive vis-à-vis des adultes. Manque d'intérêt pour tout. Car, surtout, je pensais que « la curiosité était un vilain défaut » en plus des 7 fameux péchés capitaux que mon père m'a répété si souvent...
J'ai eu une scolarité laborieuse. Je n'étais jamais assez « mâture » : 2 redoublements validés par les parents, même avec la moyenne... (il fallait sans doute ne pas envisager une orientation qui puisse être « honteuse »)
Je me souviens surtout que lorsque j'avais une leçon à apprendre, je pensais « je dois retenir, je dois retenir » et bien-sûr je relisais 10 fois la même phrase sans la lire vraiment. J'en ai perdu du temps ! Et de la confiance.
Je ne connaissais pas mes envies, mes désirs, je me laissais porter par les autres. J'ai toujours évité les conflits. Mon frère n'arrêtait pas de venir m'enquiquiner et me rabaisser (je suis nulle, mes copines sont nulles). Je n'avais que les cris d'hystérie pour me débarrasser de lui. Ce qui me valait, encore la réflexion du Père qui sort de son bureau agacé : « on n'est pas chez des chiffonniers ». Je le vivais comme une honte.

Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ?

Un manque de confiance et d'estime de soi récurrent. Sentiment de dévalorisation, vis-à-vis de ceux qui montrent un égo fort. Je m'efface trop souvent. Je suis sur la défensive.
J'ai eu très longtemps un sentiment d' imposture. Quant mon patron m'a proposé de monter en grade et de gérer une équipe, je pensais : « non mais, il n'a pas compris ! Je n'en suis pas capable ! »
Quand un conflit s'annonce, j'essaye de l'éviter et des troubles physiques s'installent : l'eczéma, aérophagie, maux de ventre, crispation de la mâchoire (sauf quand je fais un effort de relaxation)...
J'ai encore des soucis pour des démarches inhabituelles. J'y arrive heureusement mais toujours avec un investissement psychique très lourd : prendre le téléphone, démarcher ou relancer. Lors d'entretiens professionnels, quand je sens que je ne sais pas comment répondre, je me « sape », j'adopte une attitude « j'men foutiste », j'abandonne.
Je manque souvent de concentration. Troubles de la mémoire (courte).
Je n'arrive pas à toujours bien écouter les autres, je décroche assez souvent, surtout quand on est plus de 2 personnes...

En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) - merci de préciser le contexte ?

Comme j'ai vu que, sur 4 enfants, nous avions tous des problèmes psychologiques, j'ai compris le dénominateur commun : l'absence de soutien parental. Alors par peur de transmettre cela à mon enfant, entre autres, j'ai cette manie de réfléchir constamment à la portée des éducations des uns et des autres.
Cela dit, la route m'est encore longue [pour] accompagner sereinement mon enfant.
Je crie encore sur lui quand je perds mes moyens. J'ai l'impression de revivre ce qu'à dû vivre ma mère quand elle voulait se faire entendre par mes frères et soeurs.
Avant d'avoir compris que la solution était dans l'écoute (mais pas le laxisme !), j'ai usé du time-out sur mon enfant : action nocive car il était apeuré de rester seul dans sa chambre. En tant qu'assistante maternelle, j'avais mis un point d'honneur à me contrôler, par exemple à m'isoler moi-même quand je bouillais.

Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?

J'ai eu une éducation à l'ancienne, stricte et finalement facile pour des parents. On suit un mode d'emploi qui a fait ses preuves... sur quelques enfants... Tant pis pour les autres, ils n'ont qu'à suivre « c'est qu'ils y mettent de la mauvaise volonté ou qu'ils ne sont pas très intelligents ».
Comme mes parents sont très portés sur l'apparence, j'ai, malgré tout, été élevée avec un investissement financier correct, dans un quartier tranquille.

Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?
Oui, punitions, menaces, négligence, moquerie... même à faible dose. c'était quotidien et ça l'est encore.

Si vous avez voyagé et pu observer des pratiques coutumières de
violence à l’égard des enfants, pouvez-vous les décrire assez
précisément : quel(s) type(s) de violence ? par qui ? à qui (sexe,
âge, lien de parenté) ? en quelle circonstance ? pour quelles
raisons ? en privé ? en public ?
- J'ai vu beaucoup d'enfants de 3 mois à 3 ans car j'ai travaillé en micro-crèche (privée) et j'ai donc vu beaucoup trop de violence éducative ordinaire de la part des employées elles-mêmes, des parents et... sans doute de moi-même (à mon grand regret): même en voulant faire bien, le nombre d'adultes (responsables ou... non d'ailleurs!) est trop faible. A cela s'ajoute un projet pédagogique absent, une direction quasi absente, sauf pour taper du poing sur la table (lorsqu'on a osé faire une pétition demandant une personne supplémentaire ainsi que des lieux sécurisés).
En conséquence, les enfants n'étaient pas souvent écoutés. Certaines collègues les menaçaient (mise au coin, parfois dans le couloir), ils pouvaient être laissés à la sieste (trop souvent : délaissement ou pas assez souvent (problème de sommeil). Parfois, des chantages au câlin.
Des comparaisons au dessus de la tête des enfants. (de la part des employés mais aussi des parents). Une mère qui dit : « Ah, toi, t'es mignon. Ah toi moins! ».
Et comme si cela ne suffisait pas, des collègues se disputaient assez souvent en leur présence.
Quand parfois les parents se rendaient compte de certains dysfonctionnements, ils disaient : « on voudrait bien vous soutenir » (on avait alerté la PMI) « mais tant qu'on a pas d'autres modes de garde... »
- fessée de la part de sa mère à la petite de trois ans que je gardais. J'avais raconté à la maman que la petite avait sauté dans les flaques et que, donc, c'était normal que le bas du pantalon soit mouillé. La petite a eu droit à la fessée un peu plus loin dans le hall de l'immeuble (Je n'ai plus jamais raconté de telles choses après : je modifiais la réalité...)
- humiliation : une mère qui dit à son fils de 7 ans : « ah ! Tu veux faire pipi ? Alors, tu vas là, comme d'habitude, dans le parc à crottes de chien. »
- négligence quand un parent ne demande pas à son jeune enfant de tenir la main pour traverser la rue.

Qu'est-ce qu'évoque pour vous l'expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et « violence éducative ordinaire » ?
Violence éducative ordinaire évoque pour moi tout ce qui ne favorise pas un développement harmonieux de l'enfant. Au nom de l'Education, on n'écoute plus le besoin de l'enfant.

Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ? Lesquelles ?
Non, pour le moment, je n'ai pas d'objection.

Comment nous avez-vous connus : site ? livre d'Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autres ?
Site de Catherine Dumonteil Kremer puis site Maison de l'Enfant puis site d’Isabelle Filliozat

Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l'égard des enfants ?
Oui. Renforcé.
Et merci beaucoup pour ce que vous faites.

Si vous acceptez de répondre, merci de préciser sexe, âge et milieu social.
Femme, 39 ans, classe moyenne.

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