Il est urgent de promouvoir la culture du respect de l’enfant comme “ultime révolution possible” et comme élément fondamental de transformation sociale, culturelle, politique et humaine de la collectivité.

Maria Rita Parsi, psychologue italienne.

On ne naît pas terroriste, on le devient…

Mise au point (mai 2015) : l'objet de cet article sur l'enfance des terroristes n'est pas de leur trouver des "excuses" (reproche qu'on entend régulièrement dans les médias - parfois à juste titre), mais bien d'expliquer comment ils ont pu en arriver là. Tous les terroristes ont eu une enfance terrible, sans laquelle ils seraient (comme la plupart d'entre nous) incapables d'une telle violence. La maltraitance dans l'enfance, et surtout la petite enfance, est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour qu'un enfant né innocent, apte à l'empathie et à la coopération, devienne un adulte capable de tuer au nom du "bien". Si nous insistons sur cette explication presque complètement absente de la plupart des médias (et qui, encore une fois, n'est pas une "excuse"), c'est bien dans une optique de prévention.

Un article d'Anne Tursz (auteur du livre Les Oubliés) publié seulement le 16 avril sur le blog du Huffington Post vient à point nommé expliciter clairement cette différence de point de vue : Pourquoi ou comment devient-on terroriste ? Citation : "Il faut bien faire la différence entre l'excusable et l'explicable. Comme le dit Alice Miller dans C'est pour ton bien, "la véritable compréhension sur le mode émotionnel n'a rien à voir avec une pitié ni un sentimentalisme de bas étage".


Les hommes qui, le 7 janvier, sont entrés dans les locaux de Charlie-Hebdo pour tuer des dessinateurs pacifiques, des journalistes d’opinion en pleine conférence de rédaction, ces hommes ont une histoire. En tant que membres de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire, nous ne croirons jamais que des enfants élevés avec amour et respect, sans châtiments corporels, sans autres humiliations d’aucune sorte, puissent devenir un jour des assassins et prétendre défendre des idées par ce moyen. Ces hommes avaient besoin de vengeance, et ils en avaient besoin bien avant ce passage à l’acte délirant.

Même si bien d’autres facteurs entrent en jeu, nous croyons et surtout nous savons, parce que l’expérience comme les recherches scientifiques le prouvent, que la première condition pour qu’un être humain ne devienne pas violent, c’est de ne pas lui enseigner la violence par l’éducation qu’il subit, de ne pas le laisser dans l’abandon affectif, de ne pas lui donner l’exemple de la violence, de ne la justifier d’aucune façon.



  1. On sait déjà que l'un des deux tueurs présumés du 7 janvier a été placé à l'Assistance publique à 12 ans, ce qui suppose en général un passé difficile. Dans les jours suivants, de nombreux articles donnaient des informations sur leur enfance, informations parfois sujettes à caution pour le détail, mais dont le point commun était une histoire de traumatisme précoce et d'abandon affectif. Voir par exemple cet article de Reporterre, et celui de Mediapart (accessible seulement aux abonnés). Sur le parcours du tueur du 9 janvier, on peut lire cet article de Libération, et réécouter le témoignage de Julien Dray, l'un des fondateurs de SOS-Racisme, dans les 15 premières minutes de l'émission Tous politiques du 25 janvier sur France Inter (le sujet n'est pas annoncé sur la page de l'émission). Quant à Mohamed Merah, sur lequel on peut trouver de nombreux articles de presse (ainsi qu'un livre écrit par son frère), le journal Le Point avait publié en 2012 son "expertise psychologique" de 2009, qui, au-delà des considérations oubliables sur le "narcissisme", montre ce parcours d'abandon affectif. Les auteurs des tueries dans les collèges des Etats-Unis étaient de jeunes Américains "ordinaires", mais qui manifestaient les mêmes signes d'anesthésie émotionnelle due à la répression des émotions et donc à la violence éducative.[]
  2. C'est rarement le cas en particulier en France, pour bien des raisons : "manque de moyens" sans doute, mais avant tout manque de conscience du problème, et donc de volonté politique et de formation de ceux qui pourraient agir.[]
  3. Probablement un lecteur et pas une lectrice, bien que la signature « Z. » ne permette pas de le savoir.[]
  4. Ce débat est loin d'être résolu en Suède : voir notre article de 2011 Suède : le retour inquiétant de certaines formes de violence éducative ? Il faut espérer que la solidarité internationale jouera plutôt dans le sens d'un refus de la violence éducative pour tous les enfants et que la Suède, avec notre aide, ne reviendra pas en arrière ![]
  5. On pourra aussi lire utilement, à ce sujet, l’annexe au livre Aimer nos enfants... inconditionnellement, à paraître en janvier 2015 aux éditions L’Instant Présent.[]
  6. Notons bien que, comme l'explique Alfie Kohn dans l'annexe à son livre Aimer nos enfants... inconditionnellement cité plus haut, « il s’agit ici de généralisations statistiques : si les parents du groupe A traitent davantage leurs enfants de telle manière que les parents du groupe B, cela ne signifie pas que tous les individus du groupe A agissent de cette façon, ni qu’aucun des individus du groupe B n’agit de cette façon. » Après avoir passé en revue les arguments idéologiques spécieux (démentis par les études sérieuses) selon lesquels la violence éducative aurait moins de conséquences dommageables dans les cultures ou les groupes où elle est plus communément acceptée, il conclut : « L’approche décrite dans [...] ce livre – l’amour inconditionnel, une relation basée sur le respect et la confiance, donner aux enfants des occasions de participer aux prises de décision, etc. – est peut-être d’autant plus importante pour les enfants qui grandissent dans des quartiers difficiles. »[]

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