Vous dites : « C’est épuisant de s'occuper des enfants.» Vous avez raison. Vous ajoutez : « Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher, nous courber, nous rapetisser. » Là, vous vous trompez. Ce n'est pas tant cela qui fatigue le plus, que le fait d'être obligé de nous élever jusqu'à la hauteur de leurs sentiments. De nous élever, nous étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre. Pour ne pas les blesser.

Janusz Korczak, Quand je redeviendrai petit (prologue), AFJK.

Nous étions « les pires gamines du monde »

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du livre d’Olivier Maurel La Fessée, questions sur la violence éducative


Ai-je été frappée? Oui, je ne me souviens pas quand cela a commencé, car du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours été frappée, mais je sais que ça s'est arrêté lorsque j'avais 16 ans, le jour où ma mère voulait me balancer dans l'escalier et que je lui ai répondu que si elle le faisait je la prenais avec moi dans ma chute.

Par qui? Par mes deux parents, mais surtout par ma mère. Je sais que ma mère a été maltraitée dans son enfance. Mon père, lui, dit ne pas avoir subi de violences, mais en réalité, il se faisait frapper à l'école et assistait régulièrement aux coups que subissait sont frère.

J'habite en Suisse, où l'utilisation des châtiments corporels est tolérée mais taboue. Par contre, mes parents viennent du Portugal, où, à leur époque, élever un enfant se faisait par le bâton.

Encore aujourd'hui je crains mes parents, je fais des hautes études parce que c'est ce qu'ils voulaient que je fasse. Je me plie à eux et malgré que j'en ai conscience, je n'arrive pas à me défaire de ça. Les châtiments corporels ne m'ont en aucun cas été profitables.

Ma mère, qui pensait qu'il était normal d'élever un enfant sous les coups, a toujours crié haut et fort qu'elle fessait ses enfants, à qui voulait l'entendre, car nous étions "les pires gamines du monde". Tous les adultes qui étaient au courant lui répondaient qu'elle avait bien raison, qu'il faudrait nous frapper plus fort ou alors ils nous regardaient en disant que nous étions méchantes et que nous devions écouter notre mère. J'en parlais donc avec ma soeur, qui vivait la même chose que moi, mais aucun adulte ne nous a soutenues, pas même le professeur de ma soeur qui avait montré ses bleus à toute sa classe en disant qu'un enfant ne devait pas se laisser frapper, que ce n'était pas bien.

Oui je vois un rapport clair entre mon éducation et mon opinion sur les châtiments corporels. Je suis actuellement en train de faire des études dans le social, pour travailler avec des enfants dont les parents ont des troubles psycho-sociaux, et qui donc, utilisent, pour la plupart, les châtiments corporels. Je suis d'ailleurs en train de faire un mémoire, dont le thème principal porte sur les châtiments corporels. Ce livre a clairement renforcé mes idées sur l'utilisation de la violence éducative.

Je vous remercie de vous intéresser à ces questions, car ce livre contribue à faire comprendre aux parents que la violence n'est pas la solution, et donc, il aide les enfants qui souffrent de cela.

Lalaly.