Naissance d’une conscience
Comme une obligation de partager leur bonheur, les jeunes parents ouvrent leur bulle, présentent l’enfant nouveau-né à la famille.
La naissance a eu lieu la semaine dernière, et il y a en la jeune mère, quelque chose d’encore ouvert.
Le jeune père est lui aussi bercé d’hormones, transformé.
La maison sent le lait, la naissance, le nid.
Au jour dit, à l’heure du café, la famille arrive, sonnante, parfumée, bruyante.
Il faut ouvrir les paquets, s’extasier devant les cadeaux.
La jeune mère, puisque c’est sa famille, se plie à l’exercice. Il fait chaud, ses seins sont pleins de lait. Elle voudrait déjà qu’ils partent, se rallonger sur son lit frais, son bébé contre elle.
Elle se remplirait le nez de cette odeur si parfaite qu’elle n’utilise pas de savon pour baigner son enfant. Cette odeur à la fois nouvelle et connue de longue date.
Elle se sent inconfortable, mais sourit quand même.
Le couple qui leur rend visite a deux enfants. Leur fillette s’ennuie. Elle est curieuse de tout ce qu’on lui refuse. Ces portes et ces placards à ouvrir, cette maison à visiter, ce bébé qui dort, elle aimerait tant…Ces gestes sont entiers, forts, elle est pleine de vivacité.
Ses parents la reprenne sans cesse, veulent qu’elle bouge moins, parle moins haut. Son père s’impatiente, et se levant au moment du départ tonne :
« Si on avait su, on ne t’aurait pas eu !»
La famille est partie, la fillette était silencieuse.
La maison vide de ces odeurs étrangères, de ces tensions, le bébé se réveille.
Tète avec appétit, satisfaction. Le soir d’été pose sa fraîcheur dans le jardin. Apaise.
Les deux jeunes parents reparleront longtemps de cet après midi là.
Ces mots qui claquent comme un fouet, ces mots qui ne devraient pas être.
Ces mots qui illustrent tout ce qu’ils vont s’appliquer à ne pas faire.
Marie Olivier
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