L’OVEO a contribué aux dernières avancées en matière de lutte contre la violence éducative ordinaire en France
Depuis de nombreuses années, notre association a signalé à plusieurs reprises la nécessité de mener des campagnes de sensibilisation sur la violence éducative ordinaire, tant au niveau de la formation des professionnels que de l’information des parents, et de modifier le cadre légal 1.
Aujourd’hui, nous nous réjouissons des dernières mesures prises par le gouvernement et par la CNAF, avancées que l’OVEO a accompagnées. L’OVEO est régulièrement sollicité par les institutions, qui reconnaissent le bien-fondé et la valeur de notre action, des idées que nous défendons et des connaissances que nous mettons à la disposition du public.
Malgré la censure en janvier dernier de l’article 222 de la loi Egalité et Citoyenneté par le Conseil constitutionnel, la dynamique lancée en 2016 se poursuit et de nouvelles avancées sont à signaler tant au niveau des textes que des mesures de sensibilisation.
Plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants 2017-2019 : intégration de la violence éducative
Le 1er mars 2017, la ministre Laurence Rossignol a présenté le premier Plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants - 2017-2019. (Le dossier de presse à télécharger.)
On pourra lire avec intérêt le discours de la ministre, qui montre son évolution sur cet enjeu de société 2. Elle a rappelé entre autres que l’« une des raisons d’être de ce plan est de lutter contre cette tolérance sociale face aux violences qui sont faites aux enfants », et regrette la censure par le Conseil constitutionnel de l’article de la loi Egalité et Citoyenneté qui instaurait une « définition nouvelle de l’autorité parentale ».
Gilles Lazimi, membre de l’OVEO, a été invité à participer au groupe de travail préparatoire aux côtés d’autres associations œuvrant contre la violence faite aux enfants.
Ce plan est principalement axé sur la maltraitance, mais des mesures vont dans le sens de la prévention à destination des familles, en agissant sur toutes les formes de violence, y compris “dites éducatives” (cf. p. 20 à 23).
En effet, le deuxième axe du plan, “Sensibiliser et prévenir”, est ainsi introduit : « Une société sans violences est une société qui ne tolère aucune forme de violences, qu’elles soient physiques ou psychiques, qu’elles soient “éducative” ou “punitive”. Il est de la responsabilité de chaque citoyen de prévenir et de lutter contre toutes les violences faites aux enfants. »
S’agissant de la lutte contre la violence éducative ordinaire, notons les mesures 6, « Promouvoir une éducation sans violence et soutenir les familles dans l’exercice de leur parentalité », et 8 : « Sensibiliser l’opinion publique par des campagnes d'information sur les violences faites aux enfants ».
Nous tenons à souligner un autre élément fondamental par son impact, car ce texte sera lu par les familles : le carnet de santé sera actualisé pour « prendre en compte le message sur l’éducation non violente ». Il s’inspirera des informations contenues aujourd’hui dans le « Livret des parents » distribué aux familles au 5ème mois de grossesse : « Frapper un enfant (fessées, gifles, gestes brutaux) n’a aucune vertu éducative. Les punitions corporelles et les mots qui vexent n’apprennent pas à l’enfant à ne plus recommencer, mais génèrent un stress, voire des séquelles qui ne sont pas sans conséquences sur son développement. »
L’un des objectifs est également de sensibiliser l’opinion publique par des campagnes d’information sur les violences faites aux enfants, de rendre visibles toutes les violences faites aux enfants et de mieux faire connaître le numéro vert Allô Enfance en Danger – 119. Lancée dès mars 2017, la campagne, destinée à être relancée chaque année, a pour slogan : « Au moindre doute, agissez. » Le plan prévoit un affichage obligatoire de ce numéro dans tous les lieux accueillant des mineurs.
Enfin, le troisième axe met l’accent sur la formation et le repérage des violences : mise en place d’un médecin référent sur les violences faites aux enfants dans chaque hôpital et renforcement de la prévention des violences dans la formation initiale et continue des professionnel-les (santé, petite enfance, travailleurs sociaux, animation, agents publics territoriaux, justice, police, gendarmerie et Protection judiciaire de la jeunesse).
Nous espérons seulement que ce plan, très complet, mais lancé à deux mois de la fin du quinquennat, sera réellement mis en place et que tous les moyens seront déployés pour le rendre efficace 3.
Dans une interview pour Le Parisien le 1er mars à l’occasion du lancement de ce plan, Laurence Rossignol a fait part de son souhait de redéposer une proposition de loi dès qu’elle serait redevenue sénatrice. Nous prenons acte de cette volonté affirmée, mais nous resterons vigilants quant à la mise en œuvre de cet engagement. L’OVEO continuera à exiger l’instauration d’une loi qui interdise clairement toute violence éducative. (Rappelons que nous avons contribué à la rédaction en avril 2016 d’un projet de proposition de loi très complet, dont nous espérons qu’il servira de base aux prochains projets.)
Le Cadre national pour l’accueil du jeune enfant : prise en compte de la violence éducative dans la formation des professionnel-les de la petite enfance
Le 23 mars 2017, le texte-cadre national pour l’accueil du jeune enfant a été rendu public. Ce texte s'ouvre par une Charte nationale en 10 points prévue pour être affichée dans tous les lieux accueillant de jeunes enfants.
Issu d’une proposition du rapport Giampino Développement du jeune enfant - Modes d’accueil, formation des professionnels remis le 9 mai 2016, il a pour objectif de proposer un cadre et des valeurs communs à l’ensemble des modes d’accueil (individuels ou collectifs).
Sa version initiale, présentée le 31 janvier dernier, ne contenait pas l’interdiction des violences éducatives à l’encontre des enfants. Grâce au travail partenarial fructueux entre l’OVEO, StopVEO - Enfance sans violence, Ensemble pour l’Éducation, le gouvernement et le Haut Conseil à l’Enfance, ce texte a été modifié. La version définitive intègre désormais le paragraphe suivant :
« – L’enfant doit être protégé et respecté dans son intégrité. L’usage de la violence, physique, verbale ou psychologique, n’est pas une méthode éducative et a des conséquences sur le développement de l’enfant. Tout.e professionnel.le s’interdit, dans sa pratique, de recourir à la violence et aux humiliations. »
Il est également prévu que :
« - Les professionnel.le.s doivent connaître leur environnement institutionnel et juridique pour prévenir, détecter, signaler les cas de négligence et de violences faites aux enfants, qu’elles soient familiales ou professionnelles. Leur employeur doit garantir les conditions de recueil de leur parole et de celle des enfants. Il doit, le cas échéant, permettre la remise en question des pratiques qui posent problème.
- Les professionnel.le.s, dans leur formation, sont sensibilisé.e.s aux actions de promotion de l’égalité entre les filles et les garçons, à l’implication égale des deux parents, au repérage et au traitement des situations de violences faites aux enfants et aux femmes, aux droits de l’enfant et à l’éveil artistique et culturel.
- Les pratiques professionnelles et les contenus des formations s’inspirent du dernier état de la connaissance sur les particularités du développement du jeune enfant et de ses relations avec le monde qui l'entoure, mais aussi sur la parentalité et les évolutions familiales ou sociétales. »
Ce texte-cadre sera diffusé à l’ensemble des établissements d’accueil du jeune enfant et aux relais assistantes maternelles.
L’intégration de cette interdiction et de ces informations dans le socle commun de formation permettra, nous l’espérons, de favoriser la prise de conscience de la violence éducative ordinaire par les professionnels et, par ricochet, par les parents, aboutissant à une modification du regard porté en France sur les enfants.
Prise en compte de la violence éducative ordinaire par la CNAF : une information régulière des familles depuis avril 2016
Depuis un an, la CNAF informe régulièrement les familles sur la violence éducative ordinaire et ses conséquences : le livret des parents en avril 2016, le numéro spécial Vies de famille en septembre 2016 (5 millions d’exemplaires), un article en ligne consacré à l’OVEO en novembre 2016, et enfin, le 22 mars 2017, une émission en ligne abordant la violence éducative ordinaire et l’éducation bienveillante. L’OVEO a été consultée pour le choix des intervenants. Plusieurs actions de nos membres ont été filmées (l’atelier d’aide à la parentalité de Céline Gagnepain, la crèche de Lambersart sous la direction d’Arnaud Deroo), et l’une des deux invitées de l’émission était Catherine Gueguen.
À l’occasion de cette émission, la CNAF a également réalisé une vidéo d’une minute, « Tout savoir sur la violence éducative ordinaire ».
Il convient d’apporter une rectification à une information donnée dans l’émission : l’OVEO n’est pas “partenaire” du projet de vidéos à destination des parents et des professionnels “Qu'est-ce qui se passe dans sa tête”, piloté par l’association Ensemble pour l’éducation.
En outre, rappelons que l’OVEO ne préconise aucune méthode ni outil d’éducation, ni ne cautionne l’objectif sous-jacent évoqué dans ce magazine de rechercher l’obéissance de son enfant, fût-ce par des moyens a priori non violents ou pour « lui apprendre à ne pas recommencer ». Rappelons ici la critique que nous avions formulée à l’occasion de la sortie du Livret des parents en avril 2016.
Ces récentes avancées – tant au niveau des textes que des mesures de sensibilisation –, mais également les changements dans le discours véhiculé par les médias à l’occasion du vote de la loi Egalité et Citoyenneté en décembre dernier, démontrent l’évolution favorable de la prise en compte de la violence éducative ordinaire au sein de la société française et dans les institutions. Souhaitons que cette dynamique se poursuive rapidement par le vote d’une loi d’interdiction complète, explicite et précise de toute forme de violence éducative à l’encontre des enfants, dans la famille et tout autre lieu de garde.
Le travail de L’OVEO n’aura pas été vain, mais nous resterons vigilants pour nous assurer que les moyens destinés à la prévention des violences soient réellement à la hauteur des enjeux.
- Voir notre rubrique Vers une loi d'interdiction en France.[↩]
- Voir à ce sujet Daniel Delanoë, Thierry Baubet et Marie-Rose Moro dans une tribune du Monde du 2 avril 2017, citée dans notre revue de presse[↩]
- « Efficacité » signifiant donc ici moyens humains supplémentaires pour la prévention de la VEO et pour une meilleure formation (initiale et continue) des professionnels, et en aucun cas une pression supplémentaire au rendement des services sociaux avec des pratiques intrusives envers les familles (même si elles sont justifiées dans les cas de maltraitance grave), toutes choses qui seraient mal acceptées tant des professionnels que du public. Sur les conditions de travail dans les services sociaux, voir cet article de deux assistantes sociales de Seine-Saint-Denis, Les services sociaux risquent de se bunkériser, extrait : « Elle [la cheffe du service social départemental] leur a dit que dans les services sociaux, il s’agit de "gérer des flux", et que vu les flux en Seine-Saint-Denis, il faut s’en tenir aux demandes ponctuelles des gens : "Ce sont des consommateurs de services sociaux comme partout ailleurs. Ils viennent, ils demandent une chose et on leur répond." »
Le CNCDH (Commission nationale consultative des Droits de l'Homme) a traité du sujet du placement des enfants, il alerte, entre autres, sur la distorsion entre les textes et la pratique, le manque de mise en œuvre des recommandations internationales et le manque de temps et d'effectifs des travailleurs sociaux, qui n'ont pas le temps de nouer une relation de confiance avec les parents en difficulté, cf. Avis sur le droit au respect de la vie privée et familiale et les placements d’enfants en France.[↩]
‹ Censure de l’article 222 de la loi Égalité et Citoyenneté par le Conseil constitutionnel Journée internationale des droits de l’enfant 2017 – la nécessité de légiférer pour l’abolition des châtiments corporels rappelée ›