Il est urgent de promouvoir la culture du respect de l’enfant comme “ultime révolution possible” et comme élément fondamental de transformation sociale, culturelle, politique et humaine de la collectivité.

Maria Rita Parsi, psychologue italienne.

Lettres à François Hollande et Christiane Taubira

Lettres adressées au président de la République française François Hollande et au ministre de la Justice Christiane Taubira par l’écrivain britannique Timothy Williams

L’article qui suit, écrit par Timothy Williams, retrace les faits de violence envers des élèves qui ont eu lieu au lycée général et technique de Baimbridge, en Guadeloupe, depuis le mois de décembre 2009.


Violence pédagogique en Guadeloupe

Le 2 décembre 2009, un élève de seconde au LGT Baimbridge (où j'étais professeur certifié d'anglais de 1984 à 2011) m'a informé que quelques jours auparavant, il avait été giflé par le proviseur, M. Jean Alice, qui lui reprochait d'avoir embrassé sa copine à l'intérieur du lycée. L'élève m'a informé que ses parents ne voulaient pas porter plainte, car ils craignaient une incidence négative sur le cursus scolaire de leur fils.

Le 15 décembre 2009 a eu lieu dans la salle de professeurs du LGT Baimbridge, une réunion spontanée pour dénoncer la dérive d'autoritarisme du proviseur.
En prenant la parole, j'ai parlé de l'obligation d'assistance à personnes en danger, mais lors de la réunion intersyndicale du 12 janvier 2010, un collègue a pris la défense du proviseur en faisant remarquer que malgré certains comportements répréhensibles - il a utilisé le mot tapes - l'ordre régnait dans notre lycée.

La réaction du proviseur a été immédiate.

En se plaignant de mon enseignement, qui ne relevait absolument pas de sa compétence, le 8 janvier 2010 le proviseur a baissé ma note administrative:

"La manière d'enseigner de Monsieur Williams Timoty (sic) professeur d'Anglais au LGT de Baimbridge me laisse dubitatif. L'ignorance des instructions officielles, d'évaluation approximative des élèves confiés, les rapports difficiles avec ses élèves et ses collègues justifient la baisse de la note administrative."

Le proviseur, ancien professeur d'enseignement manuel, a exigé une inspection (alors que j'étais très proche de la retraite) en écrivant à l'Inspecteur général d'anglais le 5 janvier 2010:

"Je vous transmets l’ensemble des éléments recueillis qui parlent d’eux-mêmes et démontrent, si besoin était, l'insuffisance pédagogique de ce professeur.
Je demande que M. Thimothy (sic) WILLIAMS soit inspecté dans les plus brefs délais."

Avec l'inspection du 24 mars 2010, l'inspectrice a augmenté ma note pédagogique de deux points. Je lui ai longuement parlé des témoignages de violence.

Le lendemain j'ai été convoqué chez le proviseur. Dans son rapport, le délégué syndical a écrit:

J'ai accompagné ce jour M. Williams à une convocation de M. le Proviseur. ...M. le Proviseur a indiqué que des parents se plaignaient des questions que M. Williams posait aux élèves, notamment concernant M. le Proviseur, et qu'il devait cesser.

En sortant du bureau du proviseur, j'ai été accosté par de nombreux élèves qui m'ont informé qu'ils avaient vu, une cinquantaine de minutes auparavant, le proviseur qui cassait un œuf sur la tête d'un camarade de seconde.

Quelques jours plus tard, j'ai envoyé une lettre au procureur de la République de Pointe à Pitre:

En ma qualité de professeur certifié d'anglais au LGT Baimbridge, Abymes, et en vertu de l'article 40 du Code de procédure pénale, j'entends vous aviser des faits suivants, susceptibles de revêtir une qualification pénale, dénoncés

1: le 25 mars 2010, vers 9.30, par l'élève D...N de la Seconde 3, à l'encontre de M JEAN ALICE, proviseur du LGT Baimbridge. D...N m'a expliqué comment vers 7 heures du matin du 25 mars 2010, à l'entrée du lycée, un vigile a découvert un œuf dans son sac. M Alice, qui contrôlait l'entrée des élèves, aurait pris l'oeuf et, devant de nombreux témoins, l'aurait cassé sur la tête de D...N en lui salissant la coiffure et les vêtements….

Dans la lettre, j'ai cité sept témoignages de comportement illégal de la part du proviseur. J'en ai envoyé des copies au ministre de l'Éducation nationale, au recteur de la Guadeloupe et au directeur de l'Office National de l'Enfance en Danger.

M le recteur de la Guadeloupe m'a répondu par voie hiérarchique:

Les Abymes, le mardi 11 mai 2010

Objet: Courrier de Monsieur Thimoty (sic) Williams

J'ai attentivement analysé les pièces du dossier et demandé à Monsieur Alice, proviseur du lycée, de me faire tenir ses éléments de réponse.

Vos affirmations ne reposent sur aucun témoignage direct confirmé. Les propos avancés peuvent être qualifiés de diffamatoires.

Par ailleurs, le pilotage de Monsieur Alice s'exerce à la satisfaction de l'ensemble de la communauté éducative, d'une main ferme pour le plus gros lycée de l'île (2300 élèves) dans un contexte et un quartier difficiles.

Laurent Dever
Le Recteur de l'Académie de Guadeloupe

Le 7 juillet 2010 j'ai envoyé une deuxième lettre au procureur en citant des témoignages directs. J'en ai envoyé des copies au ministre de l'Éducation nationale, au ministre de l'Outre-mer et à la Défenseure des enfants.

Le procureur de la République n'a jamais répondu à cette lettre ni à celle de M Laurent Langois, professeur d'anglais au LGT Baimbridge, qui lui a signalé d'autres témoignages de violence et de harcèlement.

"Monsieur Le Procureur,

Le vendredi 07 mai dernier, vers 7 H 20, alors que je m’apprêtais à démarrer mon cours au lycée Baimbridge, je fus interpellé par une élève de Terminale. À ma grande surprise, cette élève m’a demandé devant une quinzaine de témoins de bien vouloir faire passer le message suivant à l’un de mes collègues de travail :

Je cite :

« Pouvez-vous dire à votre collègue M. WILLIAMS de se méfier de M. ALICE, le proviseur, car il prépare un guet-apens contre lui. Il fait venir les élèves un par un dans son bureau pour recueillir des témoignages, M. Alice voudrait faire virer M. Williams, parce qu’il est homosexuel ou quelque chose comme ça. »

… Ce comportement choquant est indigne d’un fonctionnaire de l’Éducation Nationale, et à plus forte raison du proviseur du plus grand lycée de Guadeloupe, ce qui motive ma lettre aujourd’hui."

Un an plus tard, en juillet 2011, j'ai porté plainte auprès du Tribunal administratif de Basse-Terre contre M Jean Alice et contre le recteur pour harcèlement.

En septembre 2011, M Langois a été entendu par une fonctionnaire de police au commissariat de Pointe à Pitre. J'ai été entendu par la même fonctionnaire deux mois plus tard, lors de mon retour en Guadeloupe. La fonctionnaire m'a félicité de mon courage; à aucun moment elle n'a mis en question la bonne foi des deux professeurs.

En mai 2012, M Jean Alice, malgré les témoignages de violence qui pesaient et qui pèsent toujours sur lui, a porté plainte contre une lycéenne, journaliste du journal Rebelle, pour diffamation en classe. La jeune fille de dix-sept ans a été interrogée par les services de la brigade des mineurs et on lui a formellement signifié un rappel à la loi.

Lors de l’audition de la jeune fille, il y a eu des échauffourées devant le commissariat de Pointe-à-Pitre et deux journalistes ont été accusés de violence sur les forces de l'ordre.

Le 17 avril 2013, le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre a condamné Raphaël Cécé à 5 mois de prison avec sursis et Sony Laguerre à 8 mois de prison avec sursis. Tous deux sont journalistes du journal Rebelle . Depuis plusieurs années ce journal estudiantin dénonce la dérive despotique des chefs d'établissement et, d'après Sony, 'l'omertà autour de pratiques de harcèlement sexuel commises par des surveillants et même des enseignants sur des lycéennes.'

En mars 2013, dans l'édition guadeloupéenne du Nouvel Observateur, le (nouveau) recteur avait clamé:

Dans notre académie, comme ailleurs, il existe des procédures de signalement précises et bien rodées en ce qui concerne tout acte de violence, y compris les violences à caractère sexuel. Nous n'avons reçu aucun signalement en ce sens, et aucune plainte n'est venue étayer les accusations des "Rebelles".

De toute évidence, M le recteur de la Guadeloupe ne lit pas les lettres qui lui sont adressées au sujet de Jean Alice.

Une vidéo d'origine inconnue montre M Jean Alice toucher et intimider une jeune lycéenne:

Sur le même site, on peut lire des messages qui parlent du comportement violent du proviseur:

Jean Alice paiera le mal qu'il a fait et qu'il fait encore, tôt ou tard.

pfff c claire alice ce gars la il a jamais été un exemple !!!! dégoutééé

Pour ma part, à l'époque ou j'étais dans son lycée, il à frappé plusieurs élèves à en aller aux pleures, marques et au sang (pour une histoire de tags). Jamais il n'a été inquiété de quoi que ce soit. Pourtant il ne rend pas service aux jeunes car il n'est pas un exemple, car c'est un homme VIOLENT, de plus il est PROVISEUR.
Notre société Guadeloupéenne est belle et bien une société violente, pas à cause des jeunes, mais à cause de ce genre de prédateur !

Cet homme a cassé du jeune tout au long de sa carrière. Dieu seul sait le nombre de jeunes qu'il a mis à la rue. C'est un tyran, dictateur au dessus des lois. Le pire c'est qu'il est épauler par le rectorat de Guadeloupe et par des gens bien placé dans la société.

Il est temps que l'Éducation nationale et la justice fassent une enquête sérieuse et approfondie sur les agissements de M Jean Alice et du rectorat qui le protège. La loi s'applique à tous les départements de la république, y compris la Guadeloupe.

Timothy Williams
23/4/2013


Par la suite, Timothy Williams a envoyé une lettre au président de la République François Hollande le 31 décembre 2012 et une lettre à la garde des Sceaux Christiane Taubira le 22 février 2013.

Voici les réponses qui lui sont parvenues:

Réponse à la lettre adressée à la garde des Sceaux (02 avril 2013).

Réponse à la lettre adressée au président de la République (23 avril 2013).


À lire aussi cet article intéressant intitulé La fièvre jeune, paru dans l'édition guadeloupéenne du Nouvel Observateur, qui rapporte la contestation de jeunes étudiants contre les violences exercées par les proviseurs, enseignants et encadrants des écoles et universités en Guadeloupe envers les élèves.

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