Vous dites : « C’est épuisant de s'occuper des enfants.» Vous avez raison. Vous ajoutez : « Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher, nous courber, nous rapetisser. » Là, vous vous trompez. Ce n'est pas tant cela qui fatigue le plus, que le fait d'être obligé de nous élever jusqu'à la hauteur de leurs sentiments. De nous élever, nous étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre. Pour ne pas les blesser.

Janusz Korczak, Quand je redeviendrai petit (prologue), AFJK.

Les violences sexuelles expliquées aux enfants : outil de prévention « Le Loup »

"Le Loup" est un outil de prévention contre les violences sexuelles et l'inceste, destiné aux enfants (à partir de 4 ans environ), à leurs proches ainsi qu'aux professionnels de l'enfance (www.leloup.org).

Créé par l'artiste Mai Lan Chapiron avec le collectif d'associations Prévenir & Protéger et la maison d'édition La Martinière Jeunesse, cet outil est composé de quatre éléments :

La vidéo d'à peine quatre minutes explique de manière simple la manipulation que des adultes utilisent pour infliger aux enfants des agressions sexuelles ou pour violer leur intimité. Elle permet de déculpabiliser les enfants et leur donne quelques outils et idées pour agir s'ils sont concernés.

Nous avons apprécié en particulier que la formule « agression sexuelle » soit employée, car bien souvent, c’est l’euphémisme « attouchement », flou et sans consistance juridique, qu’on utilise à la place ; et le mot « inceste » est aussi clairement employé. 

Nous avons aussi apprécié que les agresseurs soient décrits comme pouvant être de sexe et d’âge différents. Nous regrettons toutefois que la possibilité que l’agression soit le fait d’un enfant plus grand ne soit pas mentionnée alors qu’elle constitue une part substantielle des agressions faites aux plus jeunes. 

Enfin nous retenons l’accent mis sur la nécessité de ne pas rester seul·e avec ce « secret poison » et les suggestions pour trouver une personne de confiance et ne pas se décourager.

On peut cependant regretter quelques points.

  • Le rythme de la vidéo est rapide.
  • Les dessins reproduisent des stéréotypes caricaturaux, en particulier celui de la petite fille en robe rose avec des nœuds roses dans les cheveux. On aurait préféré que les auteurs fassent confiance aux enfants pour se reconnaître en dehors de ces stéréotypes, au lieu de les encourager.
  • Le prédateur humain est représenté par un loup : on sait que le loup est traditionnellement (dans le langage, dans les contes) un symbole d’agresseur sexuel (« voir le loup »), mais faut-il perpétuer indéfiniment ce symbolisme avec lequel l'animal réel n'a rien à voir ? (Cf. cette phrase curieuse de la vidéo : "Il venait m'embêter discrètement, un peu comme un loup.") 
  • Le prédateur humain est aussi représenté comme un monstre :  les prédateurices sexuelles ne sont pas des monstres. Comme le dit Adèle Haënel dans Médiapart le 4 novembre 2019 à 01h00 de la vidéo, « Les monstres, ça n’existe pas ; c’est notre société, c’est nous, c’est nos amis, c’est nos pères … ». Le témoignage de l’actrice est très expressif et aussi politique, c’est-à-dire qu’elle permet de comprendre que les violences sexuelles subies par les plus jeunes font partie intégrante de notre société et sont générées par des rapports de pouvoir institutionnalisés.
  • Les agresseurs sexuels sont des personnes qui se sentent autorisées, par notre société, à faire ce qu'elles veulent aux enfants, notamment par le rapport hiérarchique, le plus grand/le plus âgé a raison. L'agression sexuelle n'est qu’une manifestation, parmi de nombreuses autres, de l'autorisation sociale donnée aux adultes de contrôler les enfants et de les terroriser en les agressant physiquement, verbalement et psychologiquement. Il est bien sûr essentiel de dire aux enfants qu'ils ont le droit de dire non, mais ce droit devrait s'étendre à toutes les formes d'agression aujourd'hui considérées comme normales, voire nécessaire pour « éduquer » les enfants

C'est ainsi que la phrase employée dans cette vidéo, « C'est très difficile de dire non à un grand quand on est tout-petit », prend tout son sens. L'éducation à l'obéissance est une éducation à la soumission. La plupart des enfants ont des réticences à faire confiance aux adultes. Ils savent que, très souvent, on ne les prend pas au sérieux, et qu’on les rend responsables de ce qui leur arrive. Aussi, bien souvent, lorsqu’un enfant est agressé sexuellement, il pense que c’est sa faute, d’autant que l’agresseur peut aussi induire cette idée en lui voire l’affirmer explicitement. Ce n'est pas seulement une question de « secret partagé ».

La phrase du début de la vidéo « Notre corps est à nous, personne n’a le droit de le toucher si l’on est pas d’accord, c’est nous le chef ! » exprime ce qu'il devrait être et très rarement ce qui est.

Texte et dessins : Mai Lan Chapiron ; animation : Cédric Richer ; production : Panamæra ; voix Miette : Ly Lan Chapiron ; voix Balthazar : Dai Sinh Seury ; son : Max Labarthe ; musique : Le Loup de Mai Lan.

www.leloup.org


Quelques chiffres sur les agressions sexuelles faites aux jeunes personnes entre 0 et 18 ans :

  • Voir le site de la CIIVISE : www.ciivise.fr
  • Le conseil de l’Europe en 2010 a créé la campagne Un sur Cinq (1/5 = près de 20 % de la population en Europe est concernée par des violences sexuelles entre 0 et 18 ans.)
  • En France, 3 enfants par classe sont concernés, soit 160 000 enfants par an (CIIVISE).

, , ,