Il est urgent de promouvoir la culture du respect de l’enfant comme “ultime révolution possible” et comme élément fondamental de transformation sociale, culturelle, politique et humaine de la collectivité.

Maria Rita Parsi, psychologue italienne.

Les larmes me viennent encore lorsque j’écris ces lignes…

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site.

1) Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?


2) A partir de et jusqu'à quel âge ?

3) Par qui ? (père, mère, grands-parents, autre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...)
Oui comme malheureusement un grand nombre de personnes… En ce qui me concerne, cela a débuté très tôt car ma mère ne voulait plus d’enfants à l’âge de 42 ans et après avoir eut 4 garçons très rapprochés et dont le plus jeune était de 13 ans mon aîné. N’étant pas désirée, je n’ai pas été accueillie par la suite par ma famille et je l’avais bien senti in utero car je ne « voulais pas naître », l’accouchement a été long et douloureux… Je suis née pas siège, on m’a forcée à naître, la sage-femme a appuyé fortement sur le ventre de ma mère pour soi-disant l’aider (?). Voilà les débuts de ma vie… Difficile, les larmes me viennent encore lorsque j’écris ces lignes. Mon père et mes frères ont la liberté de profiter de mon innocence en abusant de moi, c’est horrible ! Bien sûr dans une telle famille, il y a eu les humiliations et les coups d’une violence « ordinaire » commune à beaucoup et encore « autorisée » par notre Etat.

Je dirai que la violence physique dont mon corps se souvient mieux que ma mémoire m’a été infligée très tôt et jusqu'à l’âge de 10 ans environ. Après cet âge, seul le regard ou le comportement de ma mère me montraient les limites que je ne devais même pas espérer dépasser.

4) Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?
Bien sûr, j’ai su plus tard que mon père était dyslexique et qu’il avait une mère extrêmement sévère et un père violent qui le battait avec la ceinture « du côté de la boucle » comme le disait mon père avec une certaine fierté. J’ai découvert plus tard chez ce couple de grands-parents « extrémistes », c’est qu’ils avaient caché un autre enfant soi-disant le petit frère de ma grand-mère. Cet enfant ne sortait jamais et s’était replié sur lui-même physiquement c'est-à-dire que sa tête était tellement recourbée ainsi que le haut de son dos, sa cage thoracique était comprimée l’empêchant de respirer normalement. Un jour, mes grands-parents ont été obligés de le sortir pour aller chez un médecin lequel a été scandalisé… Cela m’a été raconté par une cousine et j’ignore si des mesures judiciaires ont été prises par la suite. Cet homme est décédé des suites d’un cancer du foie dû à l’absorption abusive d’alcool à l’âge de 50 ans.

Du côté de ma mère, ma grand-mère avait la réputation d’être une prostituée, une de mes oncles m’a dit qu’elle aimait les hommes, chantait et dansait dans les rues, et aimait l’alcool… son mari mon grand-père était violent, alcoolique aussi ! il était ouvrier agricole, leurs 4 enfants étaient souvent battus et livrés à eux-mêmes ! Les filles (ma tante et ma mère) leur ont été retirés et placés, ma mère a été recueilli par sa tante maternelle et ma tante par un médecin du village. Les garçons sont restés (je crois) avec les parents…

5) Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir “bien mérité”...) ?

6) Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?

7) Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?
Pour survivre à tout cela je me suis créé un monde imaginaire où j’avais des amis, des copains, nous avions aussi des animaux chiens et chats avec lesquels je me suis souvent sentie comprise, aimée, et proche. Il m’arrivait parfois de sentir que j’étais triste sans savoir vraiment pourquoi, je mangeais peu, j’étais très discrète, j’aimais à être seule parfois.

J’ai vécu tout cela dans le plus grand isolement, comme dans beaucoup de contes (Cendrillon) je pensais que mon père était vraiment le mien car je l’aimais mais j’ai souvent pensé que ma mère ne l’était pas ! J’étais une petite fille sage, qui passe inaperçue, qui mange peu, ne fait pas de bruit, ne sait pas quoi choisir, que faire (maman le savait mieux que moi !) je me sentais « étrangère » à cette famille, je croyais que j’avais une bonne fée qui allait m’aider puis à l’adolescence j’ai oublié plus ou moins cela ; mon père est décédé d’un cancer (dans d’horribles conditions pour moi) et là j’ai réussi à prendre un certain pouvoir sur ma mère et même sur mes frères, j’étais très autoritaire et j’aimais les choses justes, claires et pas les mensonges !!!

8) Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ? En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) - merci de préciser le contexte ?
Aujourd’hui, je suis maman de deux fillettes adorables de 6 et 3 ans. J’ai pris conscience que quelque chose n’allait pas pendant la grossesse de ma première fille. Ma grossesse se déroulait parfaitement sur le plan physique mais j’étais vite agressive lorsque l’on voulait toucher mon ventre, seul mon mari en avait la possibilité sans problème pour moi. Puis, ma belle-famille était trop intrusive et possessive dans notre couple (principalement ma belle-mère). Les derniers mois, j’ai commencé à avoir besoin d’être rassurée par mon mari, je lui disais : « c’est mon bébé » et des larmes apparaissaient dans mes yeux, « c’est mon bébé à moi ! ». Je sentais que c’était un peu excessif et mon mari me rassurait mais cette réflexion et le besoin que j’avais de le dire l’ont amené un jour à me dire : « qu’est ce qui se passe ? » et je lui ai répondu : « j’ai peur que ta mère et/ou ta sœur me prenne mon bébé… » A cette époque malheureusement, je n’ai vu qu’une psychothérapeute de pacotille qui m’a conseillé « de prendre sur moi, et que mon mari était présent lui aussi pour protéger le bébé et moi en cas de besoin ». Cela n’a donc rien changé… Puis, j’ai voulu accoucher à plus d’une heure de chez moi pour ne pas que ma belle-famille vienne ou qu’elle vienne le moins possible. Dès la première visite de ma belle-mère, elle a voulu « prendre » (comme l’on dit chez nous) le bébé pour l’avoir dans les bras quelques instant et cela a été le début d’un cauchemar avec toutes les personnes qui s’approchaient de mon bébé, j’avais toujours peur qu’on me l’enlève et que je ne puisse pas réagir ! La terreur me paralysait, j’étais coupée de moi-même, j’avais les bras et les jambes qui me faisaient mal, il m’était impossible de me « défendre » ou de dire quoi que ce soit, les muscles de mes bras et de mes cuisses étaient totalement crispés. J’avais les yeux braqués sur mon enfant, prête à bondir comme une tigresse à la moindre occasion ! Aucune phrase, aucun mot approprié ne venait, j’en étais incapable ma tête était déconnecté de mon corps. Je n’avais confiance en personne même avec ma famille, j’étais mal à l’aise, je surveillais très attentivement sans toutefois être autant mal à l’aise qu’avec d’autres personnes. Je ne voulais plus aller chez mes beaux-parents et eux insistaient auprès de mon mari pour voir le bébé en nous invitant de plus en plus. Consciente que la situation se dégradait et j’avais peur pour notre couple, j’ai eu la chance un jour de téléphoner à une psychothérapeute (le mot « sensible » m’avait interpellée sur sa carte. Et c’est grâce à elle que j’ai découvert mon terrifiant passé que j’avais totalement oublié, je souffrais d’entendre la réalité de mon enfance, mais j’avais chaque fois hâte d’en savoir d’avantage, connaître ma vérité enfin ! Quelqu’un qui mettait des mots sur tout ce que j’avais ressenti, qui comprenait, qui ne me jugeait pas ! J’y retourne de temps à autre ponctuellement et toujours avec autant de « plaisir », cela peut paraître étrange pour certains mais connaître mon histoire passée m’a libérée. Grâce à notre collaboration, et au formidable soutien de mon mari, j’ai pu apprendre à me respecter, à me connaître, à identifier mes besoins et mes blessures. J’étais comprise, non jugée, mon mal-être était justifié ce n’était pas un caprice de jeune maman, toujours guidée et accueillie lorsque j’arrivais chez elle (j’ai eu la chance de rencontrer une psychothérapeute lucide qui travaille selon les travaux d’Alice Miller).

Il a fallu environ 6 bonnes années pour que ma fille aînée aille chez sa grand-mère paternelle seule quelques heures, il a fallu que je comprenne mes souffrances passées et que je dissocie mes peurs et terreurs du passé (alors que je n’étais qu’une petite fille sans défenses possibles, sans personne qui me vienne en aide) d’avec la réalité d’aujourd’hui où je suis plus adulte, je sais réagir, m’affirmer, m’imposer s’il le faut, j’ai appris à me protéger, à demander de l’aide, du réconfort lorsque c’est nécessaire, à prendre soin de moi et de mes deux filles. J’ai essayé de parler du passé avec ma mère et mes frères, tous se sont soutenus pour me dire que j’inventais, que j’exagérais les choses, que je ne savais pas ce que je disais et que j’étais folle d’imaginer autant de choses. Ma mère m’a dit un jour en pleurant au téléphone : « Tout ce que tu m’as demandé hier, m’a fait beaucoup de peine… C’est trop dur ! il faut laisser dormir les morts, je ne veux plus en parler…» et elle a raccroché.

Malgré tout ce travail thérapeutique, j’ai eu des moments de violence avec mes filles, je n’aimais pas qu’elles pleurent « sans raison », je criais ou hurlais tellement il m’était dur d’être une bonne maman attentive, parfois je serrais fortement le poignet de mes filles pour les faire « céder » ou « obéir », pour les faire marcher plus vite ou pour les diriger lorsqu’elles ne voulaient pas venir dans ma direction, mais pas de fessées, ni de gifles. Je savais que je pouvais leur faire très mal et j’étais violente mais pas de manière réfléchie, plutôt de manière spontanée. Dès que le calme revenait, je disais à mes filles que j’avais mal agi et que ce n’était pas juste pour elles car personne n’a le droit de leur faire du mal, ni de leur crier dessus ! Même si avec le temps je suis moins violente, je peux être violente verbalement et j’essaye en permanence de contrôler mes mots (maux) lorsque je suis en colère ou fâchée, mon regard dans ces moments-là peut être glacial (hélas comme celui de ma mère !!)

9) Si vos parents ont su éviter toute violence, pouvez-vous préciser comment ils s'y sont pris ?

10) Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?
Mon éducation a été catastrophique, faite dans l’ignorance de toute forme de respect. Elle n’a été qu’un déversoir de haine, de vengeance, de sévices sexuels, je me suis sauvée de ce milieu en m’enfermant dans un monde imaginaire et en pensant à une « bonne fée ». J’ai eu la chance de la rencontrer en la personne de ma thérapeute et aussi en moi-même en allant rencontrer la petite fille que j’ai au fond de moi et que j’ai parfois oubliée à l’age adulte.

11) Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?
je vis en France et oui la violence éducative est courante, il n’y a qu’à aller dans les magasins les mercredis, lorsque les mamans ont leurs enfants pour voir (et vouloir voir) combien les enfants paient très très cher le passage en caisse et les courses avec maman !

12) Si vous avez voyagé et pu observer des pratiques coutumières de violence à l'égard des enfants, pouvez-vous les décrire assez précisément : quel(s) type(s) de violence ? par qui ? à qui (sexe, âge, lien de parenté) ? en quelle circonstance ? pour quelles raisons ? en privé ? en public ?
non, je n’ai pas voyagé mais je peux vous citer la dernière scène en date que j’ai vue. Dans un petit magasin bio où je me sers souvent, une maman était à la caisse avec son fils de 2/3 ans. L’enfant était assis dans le caddie et il tenait un sachet de fromage râpé dans la main, sa mère le lui a pris pour le poser sur le tapis de la caisse en lui disant : « tu dois le donner à la dame ! C’est pas à toi ! Et oui, c’est comme ça… ! » La violence que j’ai ressentie n’a pas été vraiment dans les mots (bien que !) mais surtout dans le ton, ce ton rabaissant « toi ! tu ne sais pas, toi ! tu n’es rien, toi ! tu es mal ». L’enfant a protesté avec simplement quelques petits mots et gestes mais comme ils n’ont pas été entendus par sa mère, il s’est mis à sucer son pouce. La caissière a voulu enregistrer un autre sachet de fromage sur lequel l’enfant avait déchiré le code barre. Le code ne passant pas au scanner, la caissière l’a tapé au clavier numérique, la mère a de suite profité de dire : « Alors ça ! Vous vous arrangez avec lui ! Tu vois la dame est fâchée à cause de toi, je t’avais dit de pas toucher, regarde elle n’est pas contente. » Tout cela ressemblait à une pièce de théâtre, l’enfant regardait la caissière sans comprendre. La caissière bienveillante finissait par ne plus savoir que dire devant le flot de reproches que la mère faisait à son fils, et sa mère se donnait en spectacle en tant que « dresseuse d’enfant ». L’incident du sachet de fromage passé, vint celui de la carte bleue, l’enfant regarde toujours sa mère qui sort son porte-monnaie, et tire sa carte bleue pour régler. L’enfant tend le bras mais ne dit rien, la mère le regarde et reprend : « non, ce n’est pas pour toi, tu peux bien la regarder, vois ! tu ne la toucheras pas ! C’est à maman ! » et dernier spectacle avant de partir, la mère dit au revoir, la caissière répond à la maman et à l’enfant aussi. La mère tire le chariot et dit : « qu’est ce qu’on dit ? » le petit ayant vu le geste d’au revoir de la caissière lui fait à son tour un coucou mais cela ne suffit pas à Madame, elle regarde son fils durement et dit « qu’est ce qu’on dit Théo ? » l’enfant balbutie un au revoir et la mère le regarde en disant : AH ! c’est mieux ! Et ils partent … Enfin !!! Je n’en pouvais plus de la voir faire et de ne pas avoir l’aplomb de la remettre en place sans être violente à mon tour car le comportement de cette femme est le même que celui dont j’ai été victime par ma mère qui d’un simple regard me faisait abandonner ce que je faisais ou ce que je disais.

13) Qu'est-ce qu'évoque pour vous l'expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et « violence éducative ordinaire » ?
La violence éducative ordinaire évoque pour moi, les comportements excessifs comme je l’ai dit plus haut au sujet de la maman dans le magasin, mais aussi des claques, des tapes sur les mains, des oreilles tirées, des tapes sur la tête, les cheveux tirés et encore, le rejet, l’abandon, l’ignorance…

14) Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ? Lesquelles ?
Je n’ai qu’à vous encourager à continuer cette lutte contre la violence et en la dénonçant de plus en plus pour que les enfants sachent que ce qu’ils subissent N'EST PAS JUSTE !!!

15) Comment nous avez-vous connus : site ? livre d'Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autres ?
J’ai lu des livres d’Alice Miller, d’Olivier Maurel et j’ai assisté à une conférence d’Olivier Maurel près de Salon lors de la sortie de son livre La Fessée grâce à l’association de la LLL France et c’est ma thérapeute qui m’a parlé de l’OVEO

16) Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l'égard des enfants ?

17) Si vous acceptez de répondre, merci de préciser sexe, âge et milieu social.
mère au foyer, milieu social : ouvrier

Christ 34 ans

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