Les hommes et la violence (3/5)
On fait de nos garçons des machines à rechercher le pouvoir
Par Gert Svensson
Publié par le quotidien suédois Dagens Nyheter le 25/11/2008
Un homme véritable ne peut jamais se laisser aller, dit Ingemar Gens, spécialiste du comportement et militant de l'égalité des sexes.
« En tant qu'homme, on se sent en permanence obligé de devenir plus homme encore. On doit devenir plus grand, plus fort, meilleur, avoir plus de pouvoir, plus de succès, on vit avec la crainte constante de ne pas être à la hauteur. Et, lorsqu'on veut faire carrière, on doit accepter les règles. C'est pourquoi les hommes mettent davantage de zèle que les femmes à entrer dans des systèmes hiérarchiques et autoritaires. »
Tous les hommes portent en eux ce mythe de l'homme véritable, et ce qui est dramatique, c'est qu'ils prennent conscience dès le plus jeune âge qu'ils sont voués à l'échec. Ils ne seront jamais les meilleurs, dit Ingemar Gens, car ce n'est qu'à un nombre infime que l'honneur d'atteindre les plus hautes places dans la hiérarchie sera accordé.
« Les hommes souffrent d'une dépression collective. Mais il existe une solution provisoire : la violence. Dès l'instant où on se sert de ses poings ou on sort une arme, on a un sentiment de pouvoir et de contrôle - on est enfin un homme véritable. Et, quand tout est fini, on se retrouve là, avec un sentiment de honte, de nouveau tout en bas de l'échelle. C'est un piège terrible pour les hommes. »
- Et pas pour les femmes ?
« Tout vient du processus de socialisation, affirme Ingemar Gens. Malgré des décennies de travail en faveur de l'égalité des sexes, c'est toujours un fait que les filles sont entraînées à l'obéissance, à l'écoute des autres et à l'empathie. On attend d'elles qu'elles soient attentives à leurs relations, à leurs enfants et aux autres, et la violence physique ne fait pas partie du comportement attendu d'une jeune fille. »
Qu'il soit devenu plus courant ces dernières années que les filles fassent usage de la violence montre simplement qu'elles ont compris le système. Pour réussir dans notre société, il faut savoir jouer des coudes. L'égalité, en Suède, c'est la masculinisation des filles et des femmes - les filles qui n'arrivent pas à obtenir ce qu'elles veulent font alors exactement ce que les garçons ont toujours fait.
« Dans le processus de socialisation, les garçons sont pratiquement livrés à eux-mêmes, souligne Ingemar Gens, et presque tous les jeux de garçons ont pour objectif la victoire et la recherche du contrôle et du pouvoir. Ils jouent par exemple à être le maître, ils s'entraînent et entraînent les autres dans la violence. Et ils entendent les commentaires à double sens des adultes : "Tu ne dois pas te battre, mais si tu le fais ce n'est pas grave, tout le monde sait bien comment sont les garçons..."
« Ils font simplement ce qui conduit au succès dans notre société. Nous, adultes, nous les formons à une lutte qui dure toute la vie et qui n'a d'autre but que la performance, la progression dans la hiérarchie sociale. Ils sont d'ailleurs battus d'avance, car l'idéal absolu de la masculinité est impossible à atteindre.
« De fait, on apprend à peine aux garçons à sourire ; on attend encore d'eux qu'ils ne montrent aucun de leurs sentiments, sauf la colère, dit Ingemar Gens.
« On en fait des machines à chercher le pouvoir et le contrôle, qui retiennent leur empathie et qui réagissent trop facilement avec violence. Que les jeux vidéos soient si violents n'est pas une coïncidence, ils montrent ce que les hommes, dans leur impuissance, rêvent de faire - aujourd'hui encore, hélas ! »
Traduit du suédois par David Dutarte.
Adapté par Catherine Barret.
<- La compagne de Kenneth a fini par lui poser un ultimatum
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