Les châtiments corporels toujours légaux en famille aux Etats-Unis… et autorisés dans le système scolaire de 19 Etats
Ci-dessous un article paru le 15 janvier 2015 sur le site Education Week. (Traduction et notes : Catherine Barret.)
Un projet de loi au Missouri pour interdire les châtiments corporels dans les écoles publiques
Un sénateur démocrate du Missouri, Joe Keaveny, a déposé début janvier un projet de loi qui interdirait l’usage des châtiments corporels dans les écoles de cet Etat, du moins les écoles du système public. Car ce sénateur avait déjà déposé en mai 2014 un projet similaire qui incluait les écoles privées, et la loi avait été rejetée.
Le Missouri est l’un des 19 Etats des Etats-Unis qui autorisent les châtiments corporels dans les établissements scolaires 1. Selon la législation du Missouri, chaque établissement décide de sa propre politique en matière de châtiments corporels : s’ils seront utilisés, dans quelles circonstances, et comment les parents en seront avertis.
Dans un communiqué de presse, Keaveny a qualifié le châtiment corporel de “forme de discipline archaïque dont la plupart des Etats se sont déjà débarrassés”. “Les temps changent, et notre Etat doit changer aussi, commente le sénateur. Il y a trente ou quarante ans, les châtiments corporels étaient culturellement acceptés. Beaucoup les considéraient comme dissuasifs. Mais cette croyance est battue en brèche par les études récentes et par les témoignages directs des administrateurs et des enseignants. Ce n’est pas une méthode efficace. De plus, la plupart des parents n’acceptent plus facilement l’idée que ce type de punition soit administré par une personne non membre de la famille, encore moins par un fonctionnaire 2.”
Votre école applique-t-elle la fessée ?
Même dans les Etats qui autorisent les châtiments corporels [à l’école], beaucoup de districts scolaires ont choisi de ne pas les utiliser.
Vous pouvez vérifier les taux de châtiment corporel d’une école, avec des chiffres détaillés pour la race, l’origine ethnique et le handicap, dans la dernière enquête fédérale sur les droits civils du ministère de l’Education [U.S. Department of Education's most recent Civil Rights Data Collection]. 3
- Rappelons que, même si les pratiques effectives varient beaucoup selon les Etats et bien sûr selon les familles et les traditions culturelles, les châtiments corporels sont autorisés en famille dans TOUS les Etats ! Voir notre article Les punitions corporelles dans le système scolaire continuent dans 19 Etats des Etats-Unis et les articles en lien : en 2010 c’étaient 20 Etats, en 2008 21 (voir Violence légale dans le système scolaire), en 2003, date de l’article de Tom Johnson Les dangers sexuels de la fessée, 23, les Etats les plus durs étant traditionnellement ceux du Sud et de la Bible Belt (voir la carte dans l’article de Education Week). Si ce rythme se maintenait, il faudrait encore un demi-siècle pour que les châtiments corporels soient interdits dans tous les Etats-Unis... et cela uniquement dans le système scolaire ![↩]
- Cette déclaration mérite quelques commentaires. Il arrive parfois – en France aussi – que des parents tentent de défendre leur enfant contre la violence qui peut lui être faite à l’école ou dans d’autres institutions. Mais le cas le plus fréquent est bien celui décrit ici : la “privatisation” de l’enfant, considéré comme seule propriété de ses parents et non plus d’une collectivité ou d’une “famille élargie”. S’il s’agit seulement de privatisation du droit de correction, le progrès est d’autant moins flagrant que, du même coup, on refuse à l’enfant la possibilité d’apprendre – hors système scolaire – avec d’autres personnes... et, dans le meilleur des cas, d’être défendu par elles. Enfin, la phrase “Ce n’est pas une méthode efficace” ne dit rien du type d'efficacité qui est recherché : il est fort probable qu'il s'agit simplement de faire obéir les enfants. Voir ce qu’écrit à ce sujet Alfie Kohn : « S’il peut être décevant de lire des livres qui proposent des techniques qui se révéleront inefficaces, c’est encore bien plus dangereux lorsqu’un livre ne prend même pas la peine de poser la question : “Que veut dire pour nous efficace ?” Si nous ne réévaluons pas nos objectifs, nous nous retrouvons par défaut à recourir à des pratiques dont le seul but est d’obtenir que les enfants fassent ce qu’on leur dit. »[↩]
- Cette fin d’article est édifiante : non seulement l’interdiction des châtiments corporels à l’école n’est pas votée, mais on fait des parents les gestionnaires de leur enfant, on les encourage à favoriser un système scolaire injuste en ajoutant ce critère de choix d’une école à tous ceux qui existaient déjà. Il faudra payer plus cher pour que l’enfant soit non seulement mieux “instruit”, mais bien traité... Rappelons aussi qu’il ne s’agit pas “seulement” de fessées, mais, aujourd’hui encore, de coups donnés avec un instrument, la fameuse palette visible dans l’article de Tom Johnson. Les personnes qui douteraient de la réalité de cette pratique peuvent voir le documentaire de 30 mn (en anglais) de Jered Adams, The Board of Education. 200 000 enfants et jeunes subissent ce châtiment chaque année, avec souvent des blessures graves. Le pourcentage des élèves battus va de 1 % à 7,5 % selon les Etats.[↩]
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