C'est à l'échelle mondiale qu'il faut désormais inventer de nouveaux concepts mobilisateurs, pour parvenir à cet idéal : l'égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Le masque obligatoire, une nouvelle soumission imposée aux jeunes

Dessin de Lily-Rrose, réalisé pour notre article

À la rentrée 2019, l’instruction a été rendue obligatoire (et contrôlée) à partir de l’âge de 3 ans.

Depuis la rentrée 2020, la formation des jeunes est obligatoire de 16 à 18 ans.

Le 2 octobre 2020, le président de la République annonçait sa volonté d’imposer l’école à tous les enfants dès septembre 2021, projet s’orientant actuellement vers une transformation de la déclaration d’instruction en délivrance d’autorisations.

Depuis le 2 novembre 2020, le port du masque est obligatoire dans les établissements scolaires, dès 6 ans.

Malgré l’évolution des mœurs concernant la place « à part entière » accordée aux enfants – amorcée notamment par Françoise Dolto avec le concept « le bébé est une personne » –, « obligatoire » reste et s’affirme comme un mot convenu pour régir l’enfance et l’adolescence. La jeunesse demeure une entité malmenée à laquelle on impose, au gré des actualités, des devoirs plutôt que des droits, sans considération des conséquences pour le public directement concerné. En effet, l’ensemble des mesures énumérées ci-dessus ne répondent en rien aux besoins des plus jeunes, de l’absolu besoin physiologique de respirer aux besoins essentiels d’estime et d’accomplissement, mais servent bien plus la tranquillité des adultes et le maintien de l’économie telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Le contrôle engendré par l’obligation entrave la construction de la relation de confiance avec l'adulte et de la confiance en soi, et donc toute possibilité de prise de conscience de son propre "pouvoir", c'est-à-dire de ses capacités à exercer sa responsabilité et à prendre une place digne dans la société.

Ces mesures, appliquées le plus souvent sous couvert du « bien des enfants » 1, sont le résultat de la violence éducative institutionnalisée : à travers la coercition, l’institution cherche à infléchir préventivement les comportements, à imposer sa hiérarchie et à préserver l’ordre social des adultes (subi ou accepté comme une norme par la plupart d'entre eux).

Quant au port du masque à partir de 6 ans, nous savons qu'il sert en premier lieu à protéger les adultes, sans tenir aucun compte de l’étendue des conséquences délétères sur la santé physique, psycho-affective et sociale des plus jeunes.

L’inversion des proportions des responsabilités est tout simplement effarante : un jeune enfant est bien souvent dépossédé de sa capacité à gérer lui-même son habillement (obligation de porter un blouson en récréation même s’il dit avoir « trop chaud »), mais porte la responsabilité de l’état de santé de ses grands-parents – ou des adultes âgés ou malades – sans que cela choque. On pourrait même dire que, dans cette crise sanitaire, les enfants servent de variable d’ajustement. Loin de pouvoir participer aux décisions qui les concernent, les enfants subissent ces mesures comme une nouvelle forme de contrôle s'ajoutant à toutes celles qui existaient déjà.

Ainsi, contrairement à l’adage, dans la crise du Covid, les enfants passent après les adultes de façon très visible et explicite, et la formule « c’est pour ton bien » dévoile son sens de façon tout aussi visible et explicite.

Ce lundi 4 janvier 2021, enfants et adolescents sont toujours soumis à cette obligation de port du masque – bâillon politiquement correct – et nous attendons encore la justification scientifique par le gouvernement de cette mesure 2, alors que, jour après jour, les dégâts et traumatismes seront en partie irréversibles pour de nombreux enfants.


Un collectif, Enfance & Libertés, s’organise pour obtenir la suspension de l’obligation du port du masque à l'école dès 6 ans et appelle à des rassemblements et manifestations le 9 janvier.


Tribunes, pétitions et autres textes qui nous ont semblé intéressants et qui décrivent les enjeux de manière assez exhaustive (liens disponibles également dans notre Revue de presse) :


  1. « lutter contre les inégalités dès le plus jeune âge », « afin qu’aucun jeune ne soit laissé dans une situation où il ne serait ni en études, ni en formation, ni en emploi »…[]
  2. Nous avons à ce jour trouvé deux questions au gouvernement à ce sujet : de Stéphane Peu (11 décembre 2020) et Jean Lasalle (22 décembre 2020). Si des articles récents confirment que le risque de contamination existe – voir par exemple sur le blog et le site du Monde ces articles du 2 novembre : Covid-19 : ce que l’on sait sur les enfants et adolescents et ce qu’il reste à apprendre et du 6 novembre 2020 : Covid-19 : les enfants et adolescents scolarisés risquent-ils de ramener le coronavirus à la maison ? –, il est nettement plus faible chez les plus jeunes. Dans un compte-rendu de séance de l'assemblée nationale du 4 juin 2020 qui rappelle que "les enfants ont davantage été contaminés par les adultes que l’inverse", un sénateur justifie le retour à l'école par sa fonction de garderie : "La reprise économique dépend en grande partie du retour des enfants à l’école. Les parents doivent être libérés pour aller travailler..."[]

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