C'est à l'échelle mondiale qu'il faut désormais inventer de nouveaux concepts mobilisateurs, pour parvenir à cet idéal : l'égalité en dignité et en droit de tous les êtres humains.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

La violence éducative est encore un tabou

Je suis née au début des années 80, et je ne pense pas avoir reçu énormément de fessées/gifles/claques. Pourtant, en dépit du peu de punitions physiques que ma mère m'a infligé (mes parents sont divorcés et les "punitions" ont toujours été le fait de ma mère, mon père ayant été absent) j'en garde un souvenir terrifié, et j'en avais une sainte terreur.
D'ailleurs, aujourd'hui encore, lorsqu'elle utilise le "ton" qu'elle utilisait enfant/adolescente pour me faire obéir ou me "faire comprendre que j'étais une imbécile" je ressens une crainte indicible!!

J'ai du recevoir quelques claques et fessées durant mon enfance, mais pas que je m'en souvienne. La 1ère correction physique dont je me souvienne est intervenue alors que j'avais 10 ans. Ma mère me reprochait mon comportement, et je lui répondit de façon impertinente.
Ma mère a alors réagit de manière extrèmement violente, m'a tiré par les cheveux tout le long de la maison, m'a battue, puis mise dehors, en plein hiver, à genoux sur le perron.

Par la suite, ce n'est pas tant de violente physique que verbale qu'elle utilisait. Elle me prédisait un avenir de "balayeuse chez Carrefour" lorsque j'avais le malheur de revenir avec une note inférieure à 14/20 au collège.
J'ai quelques autres souvenirs "marquants" de ces épisodes de violence physique, notamment à 15 ans lorsque je rentrai plus tard que l'heure convenue, et me fit accueillir par une nuée de coups, me fit pousser par terre, et c'est mon beau père qui l'empécha de me frapper avec un objet lourd.
Ce même beau père qui abusa de moi à l'âge de 13 ans, alors que ma mère était absentes. Ce même beau père qui me battit lorsque je rentrai avec une éraflure sur mon scooter, suite à un accident. Personne ne s'est inquiété de savoir si je ne m'étais pas fait mal dans la chute. J'ai toujours des cicatrices de cet accident, et personne ne s'en était inquiété. L'éraflure sur le scooter avait sans doute plus de prix.

Je décidai de partir à l'internat afin de ne plus subir l'atmosphère familial ou la violence verbale était quotidienne et où j'étais le "bouc émissaire" familial. Ce fut ma petite soeur qui prit cette place de choix. Elle fut bien plus brutalisée que moi, tant verbalement que physiquement. Ma mère lui ayant frappé la tête sur un radiateur en fonte, par exemple.
Cette petite soeur partit du foyer avant sa majorité, pour s'installer avec le "premier venu". Inutile de vous dire que sa vie est jonchée d'incidents multiples, d'un comportement affolant, de problèmes financiers et sociaux très importants (je pense qu'elle finira par être mise sous tutelle financière).
Je ne viens pas d'une famille défavorisée, au contraire. Mon beau père est chef d'entreprise, il fait partie d'une famille de "notables" de la petite ville où vivent mes parents. La violence n'est pas l'apanage des cités HLM.

Pour ma part, j'ai fui tout simplement. A 18 ans je suis partie dans le Sud, où j'ai pu poursuivre mes études, rencontrer quelqu'un et même fonder une famille.
Avec ma petite fille, je me suis toujours évertuée à ne pas frapper, à toujours parler positivement d'elle, même s'il y a eu des périodes difficiles (ma seconde grossesse où j'ai "craqué" et où elle a reçu quelques claques qui m'ont profondément fait honte et sur lesquelles je suis revenue avec elle, via le dialogue)

Mais cette violence parentale a eu des répercussions sur ma vie professionnelle, puisqu'après mes études, je me suis retrouvée dans une position de harcèlement de la part de ma supérieure, qui ne faisait que reproduire une situation que je connaissais bien avec ma mère (même ton de voix, mêmes remarques rabaissantes) et ce comportement a été très destructeur pour moi puisque je me retrouvais dans ce rôle de victime impuissante des mots (j'allais écrire des "maux!!!") maternels. Cette situation a duré un an, et s'est terminée lors de ma seconde grossesse.
A présent, je me consacre à ma famille, mes jeunes enfants, et espère pouvoir rejoindre un jour l'enseignement, si toutefois j'arrive un préparer un concours et faire un master avec 2 jeunes enfants! Ce serait pour moi l'occasion de mettre en pratique cette non violence éducative auprès de jeunes enfants et d'être un adulte "positif" auprès d'eux!

L'école a été pour moi assez salvatrice, mais j'ai de nombreux souvenirs marquants de violence de la part d'instituteurs de campagne, en primaire. Certains "mauvais élèves" se sont fait littéralement "tabassés" par le maitre d'école: coups de pieds, coups de poing, gifles... Et l'enfant en question, venant d'une famille "pauvre" n'avait personne pour le défendre. Il avait pour seul tort de ne pas comprendre aussi rapidement que les autres ce qu'expliquait le "maitre" et n'avait pas de relai familial pour l'aider derrière. Et il se recevait en plus des corrections de la part de "l'institution" qui est censée promouvoir l'égalité des chances. Ceci se passait dans les années 90, dans la France rurale....
Mais j'ai moi même "subi" de la part d'institutrices moins à l'écoute. Devant mes bavardages de petite fille de 4 ans, la maîtresse me consigna toute une après midi au fond de la classe, la bouche fermée par du ruban adhésif.

En tout cas, merci mille fois pour votre livre, j'ai tenté de vous raconter ma propre expérience, désolée pour le "roman" mais il m'a été utile de développer quelque peu certaines parties de mon enfance finalement. Je ne manquerai pas de conseiller votre ouvrage autour de moi, de le prêter et d'essayer de montrer par l'exemple, que oui on peut élever ses enfants, et être épanouis en famille sans recourir à la fessée!!!"
Emilie.

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