Il ne peut y avoir plus vive révélation de l'âme d'une société que la manière dont elle traite ses enfants.

Nelson Mandela, Un long chemin vers la liberté.

La violence dans la société a-t-elle pour cause la violence des médias ?

Par Olivier Maurel

Au cours des débats qui suivent mes conférences, une question qui est en même temps une objection revient souvent : « Ne pensez-vous pas que la violence dans les médias est bien davantage la cause de la violence dans la société, notamment de la violence des adolescents, que la violence éducative ? »

Le numéro spécial de la revue Sciences humaines d'octobre 2009, dont le thème est « L'enfant violent », donne des éléments de réponse à cette objection.

Serge Tisseron, psychiatre, psychanalyste, docteur en psychologie et directeur de recherche à l'Université de Paris X-Nanterre, relativise l'influence des médias en montrant que si l'image de la violence peut avoir un effet, c'est essentiellement à cause de ce que l'enfant a vécu auparavant : « C’est le propre des images de pouvoir réveiller des émotions, des sensations, des fantasmes et des pensées liées à des traumatismes passés enfouis, et de leur donner en quelque sorte une nouvelle actualité. Mais l’image, ici encore, est le support et le prétexte. Elle n’est absolument pas la cause principale » (p. 43). Autrement dit, si certains enfants sont attirés, voire fascinés par des images de violence, c'est qu'ils y trouvent un écho des violences ou des traumatismes qu'ils ont eux-mêmes subis auparavant.

Richard Tremblay, professeur aux départements de pédiatrie, psychiatrie, et psychologie de l'université de Montréal, et auteur du livre Prévenir la violence (Odile Jacob, 2008), relativise lui aussi l'influence supposée de la violence dans les médias. Il explique en effet que « la diminution constante des attitudes agressives entre l’âge de 4 ans et l’âge adulte (diminution prouvée par de nombreuses enquêtes) conteste en elle-même l’idée d’une violence physique engendrée par la violence des médias ». En effet, entre l'âge de quatre ans et l'âge adulte, les enfants et les adolescents sont de plus en plus exposés à des images de violence, mais le résultat est l'inverse de celui que l'on attendrait. Pour Richard Tremblay, les médias « présentent un potentiel de nuisance seulement à l’encontre du faible nombre d’individus n’ayant pas appris à contrôler leur agressivité » (p. 44). Dans Prévenir la violence, Richard Tremblay montre également que « la proportion des meurtres commis par les moins de 18 ans au Québec n’a pas changé quand ils ont eu accès aux salles de cinéma à partir de 1967 » (Prévenir la violence, p. 42).

Enfin, d'après Christopher Ferguson, professeur de psychologie et spécialiste de l'étude des comportements violents et délinquants : « Beaucoup d’études qui ont soutenu l’existence d’un lien entre violence des médias et violence des jeunes spectateurs offrent des preuves contestables ou inconsistantes. » Il dénonce des interprétations scientifiques consensuelles, dictées, selon lui, par les attentes morales de la société. La criminalisation consensuelle des images s’avérerait plus rentable pour les responsables politiques, peu aptes à enrayer les causes véritables des actes déviants : les inégalités sociales conjuguées aux problèmes familiaux, sociaux et psychologiques (p. 45).


,