La falaqa, violence éducative ordinaire et torture ordinaire
Lettre expédiée au courrier des lecteurs du Monde par Olivier Maurel à la suite d'un article sur le sort des journalistes pris en otage en Syrie.
L'article de Christophe Ayad sur les journalistes pris en otage en Syrie (Le Monde, 7 janvier 2014) évoque le supplice de la falaqa auquel a été soumis le journaliste Matt Schrier pour avoir creusé un trou dans la porte de sa cellule : "115 coups de câble métallique appliqués sur la plante des pieds alors qu'il a les jambes immobilisées par un pneu."
Et il ajoute : "C'est l'une des tortures favorites des moukhabarat (services de renseignement du régime). Comme si les bourreaux de la rébellion se vengeaient en appliquant à plus faibles qu'eux les tortures subies au début du soulèvement."
Dommage que Christophe Ayad ne soit pas remonté plus haut dans le passé des tortionnaires et n'ait pas rappelé que la falaqa est une punition infligée aux enfants dans tous les pays arabes, à la fois dans les écoles coraniques et dans les familles. Le réalisateur tunisien Ferid Boughedir en a montré une application dans son beau film Halfaouine, l'enfant des terrasses. En Syrie comme partout dans le monde, la cruauté déployée dans les conflits par les combattants adultes n'est le plus souvent que la reproduction, à plus grande échelle et en toute bonne conscience, de la cruauté qu'ils ont subie enfants et qui leur a appris que, lorsqu'on a pour soi la force et le pouvoir, il est parfaitement légitime de torturer les êtres sans défense.
Tant qu'on n'aura pas pris conscience que la cause principale de la cruauté est dans cette cruauté originelle, tout espoir de vaincre la violence sera vain.
Olivier Maurel
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