Journée internationale des droits de l’enfant 2017 – la nécessité de légiférer pour l’abolition des châtiments corporels rappelée
À l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, le 20 novembre dernier, le Défenseur des droits a publié un rapport consacré au suivi de la mise en œuvre par l’État des observations du Comité des Droits de l’enfant de l’ONU, rendues publiques en février 2016.
Dans un chapitre consacré à la protection des enfants contre les violences, est évoquée l’abolition des châtiments corporels (« Une interdiction des châtiments corporels qui se fait attendre ») :
Le Défenseur des droits déplore, à l’instar du Comité, qu’à ce jour, cette recommandation n’ait pas été suivie d’effet. Plus que la portée légale d’une telle disposition, c’est davantage son poids symbolique qui serait significatif. S’agissant du cadre familial, un amendement au projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté a été adopté, complétant l’article 371-1 du code civil aux termes duquel l’autorité parentale « appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » en y ajoutant « et à l’exclusion de tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles ». Mais cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de procédure.
S’agissant de l’école, le Défenseur des droits a été saisi d’un dossier d’allégations de violences, physiques et psychologiques, commises par l’enseignante et directrice d’une école maternelle à l’encontre des enfants dont elle avait la charge. Par jugement du 15 janvier 2016, le tribunal correctionnel l’a relaxée de l’intégralité des faits pour lesquels elle était poursuivie, les estimant insuffisamment établis. Le tribunal a notamment considéré que « dans la présente affaire, [...] une décision de justice ne saurait se fonder sur des propos tenus ou réputés avoir été tenus par des enfants âgés d’environ 3 à 5 ans ; cela serait contraire à la raison et au droit positif qui n’envisage la prise en compte de la parole d’un mineur qu’à condition qu’il soit capable de discernement (articles 388-1 et 372-2-11 du Code civil, 1186 du Code de procédure civile). »
Le Défenseur des droits, pour qui le droit positif n’impose pas qu’un mineur soit capable de discernement pour que sa parole soit prise en considération dans une procédure pénale, a présenté des observations devant la cour d’appel de Limoges (décision n° 2016-90), dans le cadre de l’appel formé par le procureur de la République contre cette décision. Dans un arrêt du 27 mai 2016, la cour d’appel de Limoges a condamné l’enseignante à 12 mois d’emprisonnement avec sursis et 5 ans d’interdiction d’exercer une activité professionnelle impliquant un contact avec des mineurs. L’enseignante s’est pourvue en cassation et le Défenseur des droits a également présenté des observations devant la Cour de cassation.
Une fois encore, le Défenseur des droits recommande que la prohibition des châtiments corporels dans tous les contextes soit inscrite dans la loi.
Cette mesure devra nécessairement être accompagnée d’actions pédagogiques visant à sensibiliser le public à une éducation bienveillante et positive, ainsi qu’aux conséquences des violences de tous ordres sur les enfants, qu’elles soient physiques ou psychologiques.
A cette occasion, l’actuel Défenseur des droits, Jacques Toubon, s’est exprimé en faveur de sanctions pénales : « Cette mesure n'aura d'efficacité que si l'on met une sanction derrière, une sanction pénale. Si c'est une infraction, il faut la punir. »
Précisons que l’OVEO ne préconise pas l’ajout de sanctions pénales. En effet, la permanence dans la jurisprudence du droit de correction coutumier envers les enfants a pour effet une suspension de l’application des dispositions du code pénal actuel. Ainsi, l’abolition du droit de correction aura pour effet l’application de ces dispositions quelles que soient les circonstances. Il n’est donc pas nécessaire de modifier le code pénal dès lors que la loi pose le principe de l’interdiction du droit de correction.
Si l’OVEO estime indispensable la promulgation d’une loi qui interdise clairement toute violence éducative, il ne s’inscrit pas dans une logique punitive et sait bien que la fin de cette pratique ne viendra qu’avec la prise de conscience de l’inutilité et de la nocivité des punitions envers les enfants.
Ce même jour, le collectif AEDE (Agir ensemble pour les droits de l’enfant), auquel participe l’OVEO, a publié un communiqué de presse rappelant au gouvernement sa responsabilité face aux enjeux que recouvre la question des droits de l’enfant. Si quelques parlementaires semblent prêts à prendre leur part de responsabilité, le gouvernement n’a, jusqu’à présent, pas démontré cette volonté.
Or, le 22 novembre, la nécessité de légiférer sur l’abolition des châtiments corporels a fait l’objet d’une question parlementaire, de la part de la députée LREM Maud Petit. La réponse de Nicole Belloubet, ministre de la Justice, laisse espérer une prise en compte de cette nécessité par le gouvernement.
Question de Maud Petit :
Ma question s'adresse à Mme la Garde des sceaux. Le 16 octobre, Mme la secrétaire d'État Marlène Schiappa a annoncé l'examen d'un projet de loi destiné à combattre les violences sexistes et sexuelles. Le texte devrait notamment allonger la prescription des crimes sexuels sur mineur et créer une présomption de non-consentement pour les enfants.
Nous pourrions profiter de ce formidable élan pour finaliser un autre pan de la protection des enfants face à la violence : les violences éducatives ordinaires, dites VEO, communément nommées « droit de correction ». Ces modes d'éducation usant de tapes, fessées, gifles ou autres propos dépréciatifs, pratiqués par certains parents et tolérés par la société sous couvert d'un « Cela n'a jamais fait de mal à personne », ont, nous le savons maintenant, maints effets négatifs sur le développement de l'enfant. Une claque, une fessée, si légère puisse-t-elle paraître, n'est jamais anodine. En compromettant sa confiance en lui, elles ont des conséquences durables sur l'adulte qu'il deviendra.
Cinquante-deux pays, dont vingt-deux de l'Union européenne, ont voté, sous des formes diverses, des lois d'interdiction des punitions corporelles envers les enfants. En France, cependant, il est encore possible d'avoir recours à des pratiques faisant appel à de la violence physique ou mentale, sans aucune conséquence judiciaire pour les auteurs puisqu'un droit de correction jurisprudentiel, remontant à 1819, sans aucun fondement légal, la banalise. Ces agissements sont acceptés parce qu'« infligés pour le bien de l'enfant ».
Nos enfants ne sont donc pas assez protégés par la loi en ce domaine ; ils sont pourtant les plus vulnérables. Une éducation sans coup, sans mot blessant, sans chantage est possible et ne signifie aucunement l'avènement de l'enfant roi. Il est de notre devoir de protéger nos enfants. Une législation condamnant les VEO permettrait une prise de conscience importante qu'un autre chemin d'éducation est possible. Elle pose la question, au-delà de la loi, d'un vaste changement des mentalités.
Réponse de Nicole Belloubet :
Madame la Députée, le gouvernement est particulièrement sensible à la problématique de la maltraitance sur les enfants, problématique qui a d'ailleurs été soulevée par le Défenseur des droits dans le rapport qu'il a remis lundi dernier au Président de la République. On ne peut en effet qu'être opposé à ce qu'un enfant soit soumis à des traitements dégradants. L'éducation ne peut reposer sur un droit de correction.
Notre droit prohibe d'ailleurs de longue date les violences sur les enfants, qui sont d'autant plus sévèrement punies qu'elles sont commises par les parents ou par une personne ayant autorité sur l'enfant. Ces violences peuvent être poursuivies et les sanctions pénales sont même aggravées lorsqu'elles sont commises sur des mineurs de moins de quinze ans.
En outre, l'existence de ces violences peut également être de nature à caractériser une situation de danger pour le mineur, au sens de l'article 375 du code civil, et à permettre de saisir le juge des enfants. Celui-ci pourra ainsi ordonner des mesures d'assistance éducative destinées à accompagner les parents dans leur démarche d'action éducative sans recourir à la violence.
La loi relative à l'égalité et à la citoyenneté avait symboliquement complété l'article 371-1 du code civil relatif à l'autorité parentale pour prohiber tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles. Cette règle civile, dénuée de portée pénale, avait vocation à être lue aux couples au moment de leur mariage. Le Conseil constitutionnel l'a certes censurée mais uniquement pour des raisons de forme.
Une telle disposition aurait sans doute le mérite de responsabiliser les futurs parents, sans se montrer censeur rigoriste des attitudes parfois inadaptées de la vie quotidienne. Ce sujet pourrait pleinement faire l'objet d'une réflexion parlementaire : nous pourrions ensemble nous engager en ce sens.
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