Vous dites : « C’est épuisant de s'occuper des enfants.» Vous avez raison. Vous ajoutez : « Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher, nous courber, nous rapetisser. » Là, vous vous trompez. Ce n'est pas tant cela qui fatigue le plus, que le fait d'être obligé de nous élever jusqu'à la hauteur de leurs sentiments. De nous élever, nous étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre. Pour ne pas les blesser.

Janusz Korczak, Quand je redeviendrai petit (prologue), AFJK.

Je ressens toujours ce sentiment de honte

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site


Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?

Oui, sous forme de violences psychologiques (insultes, dénigrement, menace de coups, humiliations) et de négligence. Ils m'ont peut-être frappée mais je n'en ai pas le souvenir, ça n'en est resté qu'aux menaces.

À partir de quand et jusqu'à quel âge ?

Depuis ma petite enfance jusqu'à l'âge adulte.

Par qui ? (père, mère, grands-parents, autre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...)

Parents, un enseignant. Mon père s'est très rarement montré agressif mais il a été très passif par rapport aux violences morales que ma mère nous infligeait et il a tendance à me rabaisser beaucoup. Mes parents ne nous ont donné aucun cadre éducatif. Ils étaient très négligents/laxistes (je considère le laxisme comme de la négligence et donc une forme de maltraitance) sur certaines choses et ils n'ont pas su me protéger lorsque j'en avais besoin. Quant à l'enseignant il humiliait les élèves qu'il n'appréciait pas.

Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?

Oui, mon père est né et a grandi à une époque où les châtiments corporels étaient légaux et faisaient partie des normes éducatives de l'époque. Il a subi des châtiments corporels de la part de ses enseignants en primaire mais en revanche me dit que ses parents ne l'ont jamais frappé. Ma mère quant à elle, est originaire d'un pays où le degré de violence éducative à l'égard des enfants est très élevé et serait considéré comme de la maltraitance voire de la torture dans les pays occidentaux (bastonnades au bâton ou au fouet, beaucoup d'insultes et de menaces de coups à l'égard des enfants). L'enseignant qui me tyrannisait a lui aussi subi des violences durant son enfance. Il s'en vantait en classe parfois comme beaucoup de personnes âgées le font "quand je prenais une claque en classe, mon père m'en remettait deux" des choses de ce genre.

Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir ”bien mérité“...) ?

Souvent je me sentais très mal et comme une personne seule et j'avais honte et ressens toujours ce sentiment de honte. J'avais honte de venir d'une famille dysfonctionnelle, honte de moi-même par rapport à ma personne et mon physique. En grandissant j'ai moi-même réagi avec violence vis-à-vis de mes parents en les insultant et en faisant des crises de larmes. Je ne me sentais pas protégée chez moi, mes parents ne m'ont pas apporté de cadre sécurisant.

Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?

Très seule et avec peu de soutien étant enfant. Le reste de ma fratrie subissait également le même sort  mais nous ne nous soutenions que très rarement. Lorsque je suis entrée dans l'adolescence, j'ai obtenu de l'aide de personnes extérieures.

Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?

J'ai développé un retard scolaire. J'étais très renfermée et timide. Je n'osais pas parler en public ou répondre lorsque l'on m'interrogeait en classe. J'ai eu également eu des envies suicidaires très jeune (vers 9-10 ans).

Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ? En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) – merci de préciser le contexte ?

J'ai développé des troubles mentaux et je suis perdue dans la vie. Je n'ai aucun repère et je ne sais pas de quoi mon avenir sera fait. Je ne mets pas tout sur le dos de mes parents, j'ai également ma part de responsabilité mais je trouve la vie très dure. J'ai également une faible confiance en moi.

Si vos parents ont su éviter toute violence, pouvez-vous préciser comment ils s'y sont pris ?

Ils essayaient de se donner bonne conscience en nous gâtant ou en nous laissant devant la télé pour être "tranquilles". Les fameux" enfants rois "que tout le monde semble exécrer, sont bien souvent des enfants issus de familles négligentes qui les gâtent pour se rattraper de leurs faibles capacités parentales ou des violences qu'ils infligent.

Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?

Je n'ai reçu aucune éducation donc je ne peux pas répondre.

Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?

Oui, mais les mentalités changent petit à petit. L'éducation bienveillante gagne du terrain et de plus en plus de personnes désapprouvent dorénavant les veo sur les enfants mais il reste beaucoup de travail. Les violences faites aux  enfants demeurent un problème persistant. La France malgré sa laïcité conserve certaines valeurs religieuses notamment au sein de la famille. La fameuse doctrine chrétienne présente dans les 10 commandements (Tu honoreras ton père et ta mère) demeure dans l'inconscient collectif. Comme avec les enfants placés que l'on force à aller voir leurs familles biologiques même lorsqu'elles leur ont infligé les pires sévices pour conserver le fameux "lien"). Également beaucoup de personnes d'un certain âge et même certaines jeunes ont été battues dans leur jeunesse et /ou élevées dans une représentation toxique de l'idée de la famille et plus généralement des relations humaines et ne sont pas toujours à même de venir en aide à un enfant victime de violences. Les médias reportent sans cesse des affaires de maltraitance effroyable dans lesquelles bien souvent la non-assistance à personne en danger était présente. Il y a aussi quelque chose qui m'a toujours agacée ce sont les sketchs d'humoristes décrivant les maltraitances que leurs parents leur infligeaient comme quelque chose de drôle voire de nostalgique. Je ne comprends pas qu'on autorise de tels sketchs alors que si des humoristes riaient des violences conjugales qu'infligeait leur père à leur mère, ils seraient boycottés. Ce double standard a tendance à m'insupporter. Pour résumer les veo sont encore monnaie courantes en France mais les mentalités s'éveillent petit à petit. J'ai confiance en l'avenir à ce sujet.

Si vous avez voyagé et pu observer des pratiques coutumières de violence à l'égard des enfants, pouvez-vous les décrire assez précisément : quel(s) type(s) de violence ? par qui ? à qui (sexe, âge, lien de parenté) ? en quelle circonstance ? pour quelles raisons ? en privé ? en public ?

Dans le pays de ma mère, j'ai assisté à des scènes de maltraitance comme indiqué plus haut (coups portés avec des objets, insultes, menaces) et qui m'ont profondément traumatisée.

Qu'est-ce qu'évoque pour vous l'expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et « violence éducative ordinaire » ?

Quand j'étais enfant je considérais que la maltraitance était le fait de frapper avec des objets, les poings, de gifler, de brûler, de priver de nourriture et d'eau, d'agresser sexuellement et d'insulter. En clair tout ce qui est interdit par la loi et réprouvé par les cultures occidentales actuelles et l'Onu. 

Et je considérais que  les violences éducatives étaient des tapes légères à la main (fessées, tape sur la main), des punitions de type privation (de télé, ordinateur, sorties), du chantage et le fait de mentir aux enfants . Mais dorénavant après avoir acquis des connaissances dans le domaine des veo, je considère que les tapes légères et le chantage sont également de la maltraitance. Je ne fais plus la différence entre les deux. Toute forme de violences même "légères" est une forme de maltraitance.

Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ? Lesquelles ?

Aucune

Comment nous avez-vous connus : site ? livre d'Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autres ?

Via un groupe sur un réseau social

Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l'égard des enfants ?

Il m'a aidée à comprendre beaucoup de choses.

Anonyme

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