Il est urgent de promouvoir la culture du respect de l’enfant comme “ultime révolution possible” et comme élément fondamental de transformation sociale, culturelle, politique et humaine de la collectivité.

Maria Rita Parsi, psychologue italienne.

J’avais intériorisé le fait qu’on pouvait me frapper par amour

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site


Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?

Oui j'ai subi des violences éducatives. J'ai pris parfois des claques et des fessées. Très exceptionnellement, j'ai reçu une ou deux fois des jets d'objets dans ma direction. De manière moins exceptionnelle, j'ai essuyé des insultes, des dénigrements, du chantage.

À partir de et jusqu'à quel âge ?

De mes 4 ans vers mes 17 ans, avec des violences beaucoup plus rares à partir de mes 13 ans.

Par qui ? (père, mère, grands-parents, autre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...)

Mon père et ma mère

Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?

Ma mère a été éduquée dans un cadre religieux où la violence physique était une méthode éducative habituelle pour les nonnes (coups avec des objets, gifles, dénigrement). Mon père a été éduqué "à la dure" par un père seul.

Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir ”bien mérité“...) ?

Je me souviens de mes sentiments

Dans un premier temps, je vivais ces corrections comme une injustice. Je ressentais beaucoup de tristesse. Au bout d'un moment cette tristesse s'est transformée en colère sourde. J'ai contenu cette colère à chaque correction ou insulte. À l'adolescence la colère était tellement grande que je ne la contenais plus, engendrant alors d'autant plus de conflits face à ma désobéissance.

Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?

Pour moi, c'était ça l'éducation. Je ne me suis donc jamais confiée à un autre adulte ou à mes camarades de classe. Vivant à la campagne dans les années 90, cette "méthode" éducative était courante et normalisée

Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?

J'étais une enfant très calme, timide et peu sûre d'elle, au grand regret de ma mère. Cela m'a valu des années de harcèlement scolaire étant "une cible facile" pour les autres. À l'adolescence, j'ai compensé ce manque de confiance en moi par la colère et l'agressivité. Fréquentant des personnes aussi agressives que moi, je me suis retrouvée à 16 ans dans une relation où je subissais des violences conjugales. J'avais intériorisé le fait qu'on pouvait me frapper par amour.

Or mon rapport avec les autres, les violences éducatives m'ont poussée à être la meilleure partout notamment à l'école (me forçant moi-même à faire de longues études sans vraiment l'envie, uniquement pour être valorisée aux yeux de mes parents). Encore aujourd'hui j'ai besoin d'être la meilleure dans tout ce que j'entreprends. Je ne supporte pas l'échec.

Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ? En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) - merci de préciser le contexte ?

Ma santé mentale n'est pas très stable. J'ai parfois des idées suicidaires et je fais d'énormes crises de colère face aux contrariétés. Cela ricoche sur les autres, notamment sur ma compagne.

Concernant les enfants, je ne souhaite pas en avoir, par peur de ne pas être une assez bonne mère. J'ai peur de me mettre en colère trop facilement. Globalement, il m'a fallu de nombreuses années pour être à l'aise avec les enfants. Je me sentais mal à l'aise avec les petits très joyeux et préférais rester avec ceux plus renfermés. Professionnellement, je me suis d'ailleurs spécialisée dans la protection de l'enfance. J'ai énormément d'empathie envers les enfants que je reçois. 

Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?

Je suis mitigée. J'en veux à mes parents et j'aurais aimé être éduquée avec plus de bienveillance. Cependant j'ai conscience du schéma intergénérationnel. Je comprends que mes parents ont souffert également et ont fait comme ils pouvaient pour éduquer un enfant avec des connaissances biaisées par la violence. Malgré ces débordements, je n'ai pas [...] 

Je dirais que j'ai vécu une éducation aimante mais stricte.

Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?

Oui

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Qu’est-ce qu’évoque pour vous l’expression «violence éducative ordinaire »? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et «violence éducative ordinaire »?

La limite entre les deux est fine. Je considère la violence éducative comme des violences physiques et morales laissant physiquement peu de traces (gifle, fessée, insulte) bien que laissant de lourdes conséquences psychologiques. Elles sont exercées par des parents en manque de repères. Il y a une idée de bien faire.

Lorsque le parent ne se remet pas en question et se laisse emporter par la spirale de la violence, on entre pour moi dans la maltraitance.

Femme (anonyme), 27 ans

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