Etats-Unis : violence légale dans le système scolaire
Il est temps de vider la poubelle !
Par Jordan Riak
Actuellement, aux Etats-Unis, 21 Etats autorisent encore les enseignants et les directeurs d’établissements scolaires à frapper les enfants dans la région pelvienne avec un bâton pour des motifs disciplinaires.
L’expression polie pour désigner cette pratique est : « châtiment corporel ». De plus, lorsqu’il est considéré comme normal de frapper, il est inévitable que cela entraîne d’autres abus, par exemple : secouer les enfants, les pousser, les empoigner par le bras, les malmener, les tromper, les humilier, les empêcher d’aller aux toilettes, leur donner des punitions sous forme de tours de cour ou de « pompes » à faire jusqu’à épuisement.
En s’abaissant à de telles pratiques, les établissements scolaires donnent le pire exemple possible. Les Etats-Unis sont pratiquement seuls parmi les pays « avancés » à autoriser de tels mauvais traitements.
Nous pensons qu’il est temps que les responsables des politiques d’éducation définissent d’autres règles de conduite pour les enseignants. Il est temps qu’ils disent clairement ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. De toute évidence, frapper un être humain dans la région pelvienne avec une planche ne l’est pas ! La seule leçon d’une telle pratique est que la violence est efficace lorsqu’elle est le fait d’un plus grand et d’un plus fort. Ce n’est pas ce que nous devrions enseigner à nos enfants.
Les enfants ne devraient pas venir à l’école avec des sentiments de peur envers les enseignants, ils ne devraient pas passer leurs journées dans une atmosphère répressive qui suscite en eux le ressentiment et l’envie de fuir. L’école devrait être un lieu où les enfants se sentent bienvenus et en sécurité. Les enseignants devraient donner l’exemple des comportements qu’ils attendent des enfants, s’attirer leur respect en leur manifestant du respect. Avec de bons exemples, les enfants auront de meilleurs résultats et un meilleur comportement. « On récolte ce qu’on sème » : ce vieil adage est vrai à l’école plus que partout ailleurs. Comment peut-on encore s’étonner que les écoles les plus répressives aient les taux les plus élevés d’absentéisme et d’abandon des études ?
Une question est généralement exclue du débat sur les « châtiments corporels » : leur lien avec la sexualité.
La science médicale reconnaît depuis longtemps – et il existe un grand nombre d’études sur ce sujet – que les coups appliqués sur les fesses peuvent déclencher des sensations sexuelles. Les enfants sont particulièrement vulnérables à cette stimulation. Pour beaucoup d’enfants qui ont reçu des coups de palette ou des fessées, la conséquence tragique est que la relation ainsi créée entre douleur, humiliation et excitation sexuelle se poursuivra durant toute leur existence.
Dans Slaughter of the Innocents (“Le Massacre des Innocents”, 1971), le chercheur canadien David Bakan écrit : « Les fesses sont le lieu où l’on peut provoquer la douleur chez un enfant. L’argument selon lequel il est sans danger de frapper ce “lieu” nous est familier. Mais il se trouve que la région anale est aussi la principale zone érogène du corps de l’enfant, précisément à l’âge où il risque d’y être frappé. C’est donc le meilleur choix possible si l’on veut obtenir une sexualité perturbée à l’âge adulte. »
Quel adulte responsable ferait cela à un enfant en connaissance de cause ?
Il semblerait que certaines personnes ressentent profondément le besoin de dominer une victime sans défense, besoin qui inclut celui de frapper pour terroriser et pour faire mal. Cette compulsion a probablement pour origine leur propre expérience précoce de la cruauté à un stade critique de leur développement. On sait que beaucoup de ces personnes cherchent à travailler dans les établissements scolaires qui pratiquent le châtiment de la palette, parce que c’est pour elles le moyen de donner libre cours à ce désir pervers.
C’est apparemment pour lutter contre ces comportements « inconvenants » que le règlement de beaucoup de ces écoles stipule que la punition devra être appliquée en présence d’un témoin. Mais il n’est jamais précisé de quoi le témoin est censé être témoin ou garant, et absolument rien ne permet de s’assurer que le témoin ne sera pas complice d’un acte d’agression sexuelle. Appliquer la fessée « en équipe » ne protège que les auteurs de la punition et leur employeur, non l’enfant victime. Pour l’enfant, qui est dans cet acte la partie non consentante et inégale, la stimulation des fesses, qu’elle soit ou non douloureuse, est un acte sexuel. Lorsque cet acte est infligé à un adulte non consentant, il est légalement considéré comme un crime.
Puisqu’il est clair que tous ces risques existent, pourquoi est-il légal de frapper un enfant ? Pourquoi cette pratique est-elle encouragée et même souvent considérée comme salutaire ?
La réponse est simple. Ceux qui frappent les enfants se sentent justifiés par le fait que beaucoup d’autres font la même chose. « Après tout, se disent-ils, si tout le monde le fait, même les enseignants, ça ne peut pas faire de mal ! » Cette façon de se conforter mutuellement entre auteurs de violences à enfants tient le doute à distance et apaise les consciences troublées.
Sans même chercher plus loin, cela devrait suffire pour qu’on souhaite mettre fin au vide juridique qui permet que des enfants soient victimes de violence et d’agression sexuelle sous un tel prétexte. Les législateurs devraient se bousculer à qui sera le premier à proposer une législation contre cette pratique.
Source : Jordan Riak, 'It’s time to toss the trash!', avril 2008.
Traduit de l'anglais par Catherine Barret.
Nota : on peut voir une photographie de la "palette" utilisée pour fesser les enfants dans le système scolaire américain sur le site "Regard conscient", dans l'article de Tom Johnson (d'abord paru en anglais sur le site Nospank) "Les dangers sexuels de la fessée", traduit et présenté par Marc-André Cotton sous le titre Fessée et perversions sexuelles
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