La violence n'est pas innée chez l'homme. Elle s'acquiert par l'éducation et la pratique sociale.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Dictons, proverbes, expressions… violents envers les enfants

Nous avons reçu, envoyés par une amie marocaine, une série de proverbes en usage dans son pays et qui recommandent de frapper les enfants.

• Toi tu égorges et moi j’enterre.
اذبح وأنا ندفن

• Toi tu égorges et moi je dépèce.
اذبح وأنا نسلخ
Ces deux proverbes sont formulés par le père qui remet son enfant au maître d’école. C’est un accord tacite qui donne au maître toute liberté de recours à la violence avec la bénédiction paternelle.

• Le concombre pousse de travers dès sa sortie de terre.
الفكوسة عوجة من الصغر
Ce proverbe rappelle que l’enfant naît mauvais. Cela justifie le recours au dressage (redressage !).

• Le bâton sort du paradis.
العصا من الجنة

• Le premier jour, on tue le chat.
نهار الأول يموت المش
Ce proverbe insiste sur l’idée qu’il faut imposer son autorité dès le départ.

Il existe des proverbes semblables dans tous les pays du monde et il faut les connaître pour se rendre compte à quel point la violence éducative est liée à l'idée que l'enfant est mauvais de naissance (le concombre qui pousse de travers, mais aussi le péché originel dans le monde chrétien) et qu'il faut donc le battre pour le corriger, le redresser. Cela ne se limite pas à ce qu'on appelle la "sagesse populaire". On retrouve une conviction semblable jusque chez les philosophes considérés comme les plus grands. Le philosophe allemand Emmanuel Kant écrivait dans son Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique (1784) : "L'homme a été taillé dans un bois si tordu qu'il est douteux qu'on en puisse jamais tirer quelque chose de tout à fait droit."

Mais ce à quoi ni les auteurs de ces proverbes ni Emmanuel Kant n'ont fait attention, c'est que, quand on est battu dès le plus jeune âge par ses parents et ses maîtres, il est pratiquement impossible, ensuite, de penser qu'on n'est pas mauvais de naissance, puisque nos parents et nos maîtres ont été obligés de nous battre pour arriver à faire de nous des hommes comme eux.

Ce que nous disent les proverbes, c'est : "Il faut battre les enfants parce qu'ils sont mauvais", alors que la réalité c'est : "Les parents battent les enfants parce qu'ils croient qu'ils sont mauvais, et ils le croient parce qu'on les a persuadés en les battant qu'ils étaient mauvais et donc que tous les enfants sont mauvais."


  • “Si de la main droite tu fouettes l'enfant, de la main gauche tu le presses sur ton cœur.” (nigérien)

  • “Plus tu fouettes ton enfant, plus son cuir sera dur.”
  • Chez les Fang, on ne se révolte pas car un proverbe dit que “l´enfant désobéissant aura les jambes brisées.” (cité dans la fiche de lecture d'Errances camerounaises de l'écrivain franco-camerounais Gaston-Paul Effa.
  • “Qui n'a pas été bien fouetté n'a pas été bien élevé.” (grec ancien, cité dans la comédie de Ménandre, IVe siècle av. J.-C.)
  • Si tu aimes ton fils, donne-lui le fouet ; si tu ne l'aimes pas, donne-lui des sucreries.” (chinois)
  • “Qui aime bien châtie bien.” (latin médiéval)
  • L'huile du fouet est le meilleur remède contre les crampes de la paresse.” (anglais)
  • “Pour une bonne fessée, le derrière ne tombe pas.” (français)
  • “La vertu entre par le cul.” (français)
  • “Les enfants et les galères se conduisent par l'arrière” (France)
  • “Aime les enfants avec ton cœur, mais éduque-les avec ta main.” (russe)
  • “S'il déroge, tu le tues et moi je l'enterre” : un père immigrant présentant son enfant de six ans au maître. Ce proverbe se retrouve sous plusieurs formes différentes en Afrique. (Manciaux, Gabel, Enfances en danger, p. 98.)
  • Tendre les mains à la férule” est une périphrase qui signifie "étudier" (latin).

Il y a aussi des proverbes qui invitent à se méfier de l'enfant toujours susceptible de se retourner contre ses parents :

  • “Si tu entres dans la gourde de l'enfant, il va te secouer.” (béninois)
  • “Quand tu manges le haricot avec l'enfant, le jour où il trouve caca de cabri, il t'invite à venir manger avec lui.” (béninois)
  • “Si tu dis que ton enfant est policier, c'est sur toi même qu'il va siffler le premier”.
  • Les enfants, petits, rendent leurs parents stupides. Grands, ils les rendent fous.”. (anglais)
  • L'enfant pèse d'abord sur les bras de ses parents, et plus tard sur leur cœur.” (anglais)
  • Les dettes sont comme les enfants ; plus elles sont petites, plus elles font du bruit.” (espagnol)
  • Ar vugale a vez graet o zid outo a vez hekoc'h evit ar re all.
    Les enfants dont on fait les caprices sont plus odieux que les autres.” (breton)

  • Quelques proverbes africains : quand les parents confient leur enfant comme apprenti à un maître, ils lui disent parfois : « La chair est à vous et les os à nous », propos qui constituent une autorisation de le frapper jusqu'à un certain point. Au maître d'une école coranique, il arrive que des parents disent : « Toi tu le tues, moi je l'enterre. »
  • « La chèvre ne marche pas sans bâton. »
  • « Celui qui ne lèvera pas la main sur sa fille, lèvera sa main sur ses propres genoux », pour signifier que si on ne frappe pas sa fille, on s’en repentira. (Turquie)
  • Trois dictons marocains :
    "Le Marocain est comme le cumin, il faut le moudre pour qu'il diffuse son odeur."
    "Le bâton pour le désobéissant."
    "Il faut serrer à bloc pour pouvoir lâcher."
  • Proverbe breton : "Ar vugale savet garv a zeu d'ober tud", "Les enfants élevés à la dure deviennent des personnes [adultes]."

Vous en connaissez ? Envoyez-les-nous à contactez_nous@oveo.org avec, si possible, leur pays ou région d'origine.

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