Quand on a rencontré la violence pendant l'enfance, c'est comme une langue maternelle qu'on nous a apprise.

Marie-France Hirigoyen.

Blessée au plus profond de moi-même

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site.

 
1) Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ? 2) A partir de et jusqu'à quel âge ?
OUI : Sous à peu près toutes les formes. Je n'ai aucun souvenir de quand ça a commencé; selon moi, depuis que je me souviens. Mes parents étaient très violents physiquement, mais surtout, selon moi, mentalement : Mon enfance est une suite d'humiliation, d'insultes, de dénigrements et de manipulations affectives des plus tordues. Sans parler d'avoir a vivre avec leur toxicomanie.

3) Par qui ? (père, mère, grands-parents, autre personne de la famille ou de l'entourage, enseignant...)
J'ai subit la violence physique et morale, surtout de la part de mes parents. Mais aussi à l'école, les enseignants m'ont ridiculiser pour garder "l'attention" du cours. Une enseignante a même été jusqu'à m'écraser une banane dans le visage, à ce que j'en ai compris, pour démontrer aux autres enfants qu'ils avaient raison de rire de moi parce que je ne mangeais pas assez vite. J'avais 6 ans.

4) Cette ou ces personnes avaient-elles elles-mêmes subi de la violence éducative dans leur enfance ? De quel type, pour autant que vous le sachiez ?
Je sais que mes parents ont subit de nombreux abus physiques et moraux. Le père de mon père abusait même sexuellement de ses filles. Il battait ses gars TRÈS VIOLAMENT ! Ma mère a eu une enfance toute aussi malheureuse, mais avec la toxicomanie en plus. Pour ce qui est de mes enseignants, je ne fais que le supposer.

5) Vous souvenez-vous de vos sentiments et de vos réactions d'alors (colère, tristesse, résignation, indifférence, sentiment d'injustice ou au contraire de l'avoir “bien mérité”...) ?
Je n'ai jamais compris, je ne comprend pas encore aujourd'hui. Je me souviens aussi de "banalités" du genre me faire traiter de "sale manipulatrice" dès mes 4 ans, quand je ne savais même pas ce que cela voulait dire, et de m'être retrouver à 15 ans, à utiliser la manipulation en me disant : "là je te manipule maman !" La rage pourrait qualifier ma réaction émotionnelle, car je n,avais pas droit à la "faiblesse".

6) Avez-vous subi cette(ces) épreuve(s) dans l'isolement ou avez-vous eu le soutien de quelqu'un ?
J'étais plutôt seule, malgré être l'ainée de 6 enfants, subissant tous le même sort que moi; pour eux c'était légitime. J'ai même alerté les autorités publiques, mais je n,ai pas fait le poids, devant le témoignage du reste de ma famille.

7) Quelles étaient les conséquences de cette violence lorsque vous étiez enfant ?
Enfant, j'étais rejetée de partout... J'ai pris cela très personnelle et je me suis perçue comme la plus laide et méchante créature sur terre pendant près de 20 ans.

8) Quelles en sont les conséquences maintenant que vous êtes adulte ? En particulier vis-à-vis des enfants, et notamment si vous êtes quotidiennement au contact d'enfants (les vôtres, ou professionnellement) - merci de préciser le contexte ?
Elles sont nombreuses; j'ai aujourd'hui 32 ans et j,ai beaucoup analyser ce qui m,est arrivé. À l'adolescence j'étais très enragée et violente (pour une femmes c,est socialement inacceptable). J'ai du faire un long chemin de plus de 15 ans, avant de me sentir moi-même apte à ne pas reproduire le schéma destructeur de mes parents. J'ai un enfant de 15 mois, que je ne frappe pas, bien sûr, ni n'humilie, ni lui porte des intentions qu'ils ne peut pas concevoir. Par contre, je ne me sens pas à l'abri des dérapages et les séquelles me semblent permanentes. Je demeure agressive malgré tout. Je demeure blessée au plus profond de moi-même. Encore aujourd'hui j,ai du mal à exprimer mes émotions autrement que par la rage; je ne connais pas le droit à la tristesse ou à la faiblesse... J'y travaille par contre, pour ne pas le faire subir à mon enfant.

Envers les enfants, j'ai rapidement saisit que la violence ou même la colère n'était pas fructueux. Grâce à mon éducation en quelque sorte, j'ai tenu à ne jamais répéter de tels actes ! Je demeure capable de me faire respecter des enfants; car j'ai le sentiments de les respecter.

9) Si vos parents ont su éviter toute violence, pouvez-vous préciser comment ils s'y sont pris ?

Ils n'ont aucunement su !

10) Globalement, que pensez-vous de votre éducation ?
Jamais je ne souhaite une pareil enfance à personne ! Elle a été pour moi destructrice.

11) Viviez-vous, enfant, dans une société où la violence éducative est courante ?
Oui, j'ai grandis au Québec, la loi n'interdit pas de frapper ses enfants. On ne frappait pas les enfants dans les écoles, mais rien n'empêche de ne pas les humilier.

12) Si vous avez voyagé et pu observer des pratiques coutumières de violence à l'égard des enfants, pouvez-vous les décrire assez précisément : quel(s) type(s) de violence ? par qui ? à qui (sexe, âge, lien de parenté) ? en quelle circonstance ? pour quelles raisons ? en privé ? en public ?
À 13 ans j'ai été en France et j'ai été très choquée de voir le martinet sur le mur; chose que je n'avait jamais vu. J'ai été encore plus choquée quand la mère de la famille d'accueil où j'étais m'a donner la permission de gifler son bambin de 3 ans ! Je n'ai jamais pris ce "droit" et j'ai plutot vivement réagis à la violence qu'il subissait en affirmant verbalement mon désaccord.

13) Qu'est-ce qu'évoque pour vous l'expression « violence éducative ordinaire » ? Quels types de violence en font partie ? Et quelle différence faites-vous, le cas échéant, entre maltraitance et « violence éducative ordinaire » ?
Je ne fais pas de différence entre maltraitance et "violence éducative ordinaire"; pour moi ça revient au même, sauf qu'un sonne plus "mal" que l'autre. Maltraitance = ne pas traiter bien... Pourquoi chercher toujours des cas extrèmes d'ailleurs ? Au Québec, si tu n'es pas "Aurore l'enfant marthyr" ; tu n'as pas à te plaindre...

Voilà ma définition personnelle : La violence éducative ordinaire se rapporte à l'usage de la violence physique ou morale qui est ordinairement subit par les enfants, de la part de leurs parents et/ou d'autres personnes significatives dans l'éducation de l'enfant, dans le but de "corriger" un comportement perçu comme étant indésirable. Elle est dit "ordinaire" parce qu'elle a lieu quotidiennement dans les foyers ou encore dans les institutions scolaires et qu'elle est tolérée dans la majorité des États contemporains. La fessée peut représenter un type de violence éducative ordinaire, mais il ne faut pas oublier les actes d'humiliation et la manipulation affective dont sont aussi victimes les enfants. La croyance que la violence peut corriger sainement les comportements jugés déviants, n'a aucune base scientifique, mais se perpétue car les victimes ont tendance à rationaliser ce qu'ils ont subit afin d'en trouver un sens; ce qui conduit à légitimer, une fois adulte, la violence éducative ordinaire dont ils ont eux-même été victimes. La violence éducative ordinaire dans les sociétés occidentales ne semble aujourd'hui tolérable que sur les enfants, mais il fut une époque où, par exemple, corriger sa femme en public était chose admise. La reproduction sociale de la violence éducative ordinaire est donc un phénomène social, culturel, qui ne fait que sembler "aller de soi".

14) Avez-vous des objections aux idées développées par l'OVEO ? Lesquelles ?
NON, aucune. Beau travail, en passant !

15) Comment nous avez-vous connus : site ? livre d'Olivier Maurel ? salon ? conférence ? autres ?
Un article dans Agora vox

16) Ce site a-t-il modifié ou renforcé votre point de vue sur la violence éducative à l'égard des enfants ?
Non, même sans ce site, envers et contre tous, je sais pertinament que c'est malsain et dommagable pour l'humanité de traiter ainsi les enfants. Et ne mentionnons pas le droit du bébé humain à l'allaitement et à la consolance, bien que pour moi ce soit aussi de la violence ordinaire.

17) Si vous acceptez de répondre, merci de préciser sexe, âge et milieu social.
Je suis une femme de 32 ans, originaire du Québec. Je viens d'un milieu très défavorisé, mais je me suis sortis de ce milieu. Aujourd'hui je suis en recherche en sciences sociales; je vis plutôt bien, dans la classe moyenne et le plus loin possible des environnements violents.

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