Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU reprend des recommandations faites par l’OVEO
Résumé : Dans ses conclusions rendues le 2 juin 2023, le Comité des droits de l’enfant de l’ONU salue le vote en France de la modification de la loi sur l'autorité parentale du 10 juillet 2019 précisant que "l'autorité parentale s'exerce sans violences physiques ou psychologiques". Dans son analyse de cette loi, le Comité reprend une partie de nos recommandations :
- mener des campagnes d’information nationales ;
- renforcer la formation de tous les professionnels en lien avec des enfants ;
- mettre en place des mesures de sensibilisation sur la violence éducative ordinaire ;
- remplacer le terme d’autorité parentale par le terme de responsabilité parentale dans les lois.
Les 9 et 10 mai 2023 a eu lieu l’audition de la France par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, qui analyse comment un État applique la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) de 1989, ratifiée par la France en 1990, et comment il fait respecter les droits des enfants.
L’OVEO avait assisté en 2016 à la précédente audition de la France à Genève – la 5e – en tant que membre du collectif « Agir ensemble pour les droits de l’enfant » (AEDE).
Depuis cette date, l’OVEO a coordonné, pour la France et en lien avec des associations internationales, le plaidoyer pour l’abolition de la violence éducative ordinaire en France, jusqu’à son vote le 10 juillet 2019.
En 2022-2023, l'OVEO a participé à la 6e audition de la France en proposant des recommandations complémentaires à celles des autres organisations membres de l’AEDE pour faire avancer le droit des enfants de vivre sans violence.
Voici ces recommandations, qui n’ont été reprises que partiellement par l’AEDE dans son rapport de novembre 2022 :
- Mettre en œuvre la recommandation du Comité des droits de l’enfant de 2016 qui vise à remplacer la notion d’« autorité parentale » mentionnée dans le code civil (article 371) par celle de « responsabilité parentale ». Au-delà d’un simple changement de terminologie, cette notion de responsabilité parentale place l’enfant en tant que sujet de droit et non comme objet d’une autorité, et met fin à une approche exclusivement verticale et hiérarchique de la relation éducative. Ce changement de terminologie n’a pas pour vocation d’atténuer la place et le rôle des parents, mais au contraire de les positionner en premiers protecteurs et premiers responsables du bon développement de leur enfant ;
- Introduire le concept de domination adulte, en parallèle à celui de domination masculine, concept qui permet de mieux comprendre les divers phénomènes de violence sur les enfants et leur caractère systémique (cette recommandation n’a pas été retenue par l’AEDE) ;
- Mener une campagne nationale de sensibilisation à la violence éducative ordinaire et de prévention ;
- Former tous les professionnels au contact des enfants, y compris les personnels de la Justice et de la police, de l’Éducation nationale, des structures éducatives, sportives, culturelles, afin de mieux prévenir, détecter, soigner et réduire la violence éducative ordinaire.
Le Comité des droits de l’enfant a rendu ses observations finales et recommandations à la France le 2 juin 2023.
Tout en saluant les progrès réalisés depuis le dernier examen de la France en 2016, le Comité s’est dit préoccupé par un certain nombre de violations persistantes des droits de l’enfant :
« Principes généraux
Le Comité recommande à l'État partie de continuer à prendre des mesures pour mettre en œuvre son Plan de mobilisation contre la violence à l'égard des enfants (2020-2022) et la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 relative à la lutte contre les violences domestiques, afin de prévenir les décès d'enfants résultant de maltraitances.
Chapitre D : Violence faite aux enfants
Châtiments corporels
24. Tout en saluant la loi n° 2019-721 du 10 juillet 2019 interdisant les "violences éducatives ordinaires", qui a modifié l'article 371-1 du code civil pour inclure que l'autorité parentale s'exerce sans aucune violence physique ou psychologique, le Comité recommande que cette interdiction soit étendue à ses territoires d'outre-mer, en particulier à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Comité recommande également à l'État partie de mettre en œuvre cette interdiction dans tous les contextes, y compris à la maison et à l'école, et de promouvoir des formes positives, participatives et non violentes d'éducation et de discipline des enfants 1.
Chapitre E : Milieu familial et protection de remplacement
Le Comité prend note de la stratégie nationale de soutien à la parentalité pour 2018-2022 et recommande à l'État partie :
(a) De prendre des mesures pour évaluer sa mise en œuvre et renforcer la coordination et la visibilité des dispositifs de soutien à la parentalité, sur l'ensemble de son territoire ;
(b) De continuer à augmenter le financement de l'intervention précoce et du soutien aux familles en situation difficile, en particulier les familles monoparentales, isolées ou vivant dans la précarité, y compris par une formation appropriée des travailleurs sociaux, des juges et des autres professionnels concernés ;
31c : De remplacer, dans sa législation et ses politiques, l'expression "autorité parentale" par "responsabilité parentale" ou une expression similaire, conforme aux droits de l'enfant 2. »
Extrait des "Observations finales sur les sixième et septième rapports combinés de la France" du Comité des droits de l'enfant (2 juin 2023).
Le Comité ajoute que la France doit collecter des données fiables sur la violence faite aux enfants et améliorer la prévention des violences.
L’OVEO note que l’ONU ne fait aucun commentaire sur les nombreuses résistances que cette modification de la loi a suscitées 3. Depuis son vote il y a 4 ans, aucune campagne d’information nationale n'a été menée en France pour informer les parents de ces nouvelles dispositions relatives à l'autorité parentale et aucune mesure de sensibilisation nationale n’a été mise en place. Les associations relèvent sur le terrain un manque d’information et de formation. Pour beaucoup de parents encore, les punitions corporelles ne sont pas considérées comme de la violence.
Depuis près d’un an, la parole donnée dans les médias à des personnalités qui promeuvent des pratiques éducatives violentes, comme isoler un enfant et lui manifester un retrait d’affection dès l’âge de 12 mois, contrevient à cette recommandation du Comité des droits de l’enfant. L'OVEO attend que le ministère de la Santé abritant un secrétariat d’État dédié à l’Enfance réagisse publiquement et condamne fermement la recommandation de ce genre de pratique dans les médias.
Le Comité des droits de l’enfant établit un état des lieux qui devra guider le gouvernement et les institutions françaises durant les cinq prochaines années.
L’OVEO continuera son travail de lobbying pour que la France respecte ses engagements internationaux et tienne compte de ses observations et de celles de l'ONU afin d’encourager un accompagnement respectueux des enfants, sans punitions corporelles ni psychologiques.
Les membres de l'OVEO remercient l'AEDE pour son engagement militant, son travail de terrain et de coordination.
S’il reste encore beaucoup à faire, cette audition marque la reconnaissance du travail que nous avons accompli avec indépendance et ténacité durant toutes ces années.
- Il est à noter que l’OVEO n’est pas d’accord avec le C.D.E. sur ce point, car l’idée de discipline, en particulier, maintient la logique d’obéissance et de domination. Nous nous interrogeons également sur le fait que le Comité pointe particulièrement Saint-Pierre-et-Miquelon.[↩]
- L’OVEO préfère employer la formulation “droits des enfants” plutôt que “droits de l’enfant”, comme nous employons l’expression “droit des femmes”.[↩]
- Avec notamment l’annulation par le Conseil constitutionnel en 2017 du vote de la loi votée en décembre 2016, puis en 2019, avec les résistances à nommer clairement les « punitions corporelles » (ou « châtiments corporels ») et le rejet de tout amendement visant à élargir cette interdiction à tous les lieux de vie des enfants, à former tous les professionnels et à inclure cette information dans le carnet de santé.[↩]
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