La violence n'est pas innée chez l'homme. Elle s'acquiert par l'éducation et la pratique sociale.

Françoise Héritier, anthropologue, ethnologue, féministe, femme politique, scientifique (1933 – 2017)

Autorité adulte, conséquences vécues

Je suis né français en 1957 d'un père espagnol rescapé des camps de la mort nazis en 1945. Il m'a infligé une éducation très violente, semblable à la cruauté de ses anciens bourreaux. Interdiction de pleurer, de parler, de courir, de lire, de jouer en sa présence et aussi d'uriner et de déféquer sauf en dehors de la maison. Bien sûr, pour "m'apprendre à obéir" j'avais droit à une punition préventive quotidienne : il me jetait nu sur le lit et me frappait à coup de ceinture. A l’extérieur il bénéficiait d’une haute considération : travailleur courageux et consciencieux, père de famille qui montre le droit chemin à ses enfants.

À l'âge de six ans je suis entré à l'école et j'ai eu le malheur d'être reçu par une institutrice pédocriminelle 1. Je n'ai rien dit car j'avais ordre de mon père d'obéir à la maîtresse et aussi interdiction d'adresser la parole à un adulte.  Elle a pu continuer...

Un étau de honte, de douleur et de terreur est la totalité de mon enfance. À l’âge de sept ans j’ai tenté de me suicider par noyade. Malheureusement, par hasard, un jeune homme a aperçu le petit corps inerte et a cru bon de le repêcher. Par miracle et à mon grand désespoir je suis revenu à la vie, c’est-à-dire face à l’horreur totale.

Petit de taille et d'âge (j'ai eu un an d'avance jusqu'en terminale), extrêmement timide et peureux, j'ai constamment été torturé physiquement par des garçons et moralement par des professeurs de collège de la sixième à la troisième. Ce sadisme s'est arrêté en classe de première au lycée mais mon père a maintenu la terreur jusqu'au jour de mes dix-huit ans, jour où je me suis enfui pour résider dans une autre ville.

À l'âge de dix-neuf ans, durant ma première année d'étudiant en médecine, me sentant mal dans ma tête, j'ai consulté un psychiatre qui a diagnostiqué une schizophrénie et fait valider mon état d'adulte handicapé.

Aujourd'hui j'ai soixante-cinq ans, je n'ai jamais eu de vie 2, je suis prisonnier d'une psychose mélancolique, déconnecté du monde extérieur, mort-vivant. L’origine de cette maladie est double : ma souffrance enfantine certes, mais aussi mon vécu d’adulte au contact des enfants victimes de la violence éducative ordinaire, aberration intellectuellement et sentimentalement insupportable.

À un degré plus élevé que le mien ou moins, quasiment tous les enfants sont maltraités actuellement. Par exemple 3, la loi française « pour une école de la confiance » du mardi 19 février 2019, récemment durcie (loi n° 2021-1109), est une infamie : elle place tous les enfants dès l'âge de trois ans, souvent sans leur consentement, en dépit de leurs larmes, peur et angoisse, sous le joug des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) : des personnes qui ne sont pas parvenues à obtenir le diplôme national du brevet (DNB), reproductrices inconscientes du système archaïque qui a construit leur échec scolaire, ayant une unique préoccupation : le maintien de l'ordre (pour "tenir" les "petits monstres", l'absence de sentimentalité, la fermeté et la coercition sont nécessaires). Derrière le prétexte éducatif étatique se cachent les réels dressages et broyages de cerveaux, l'anéantissement des richesses affectives, intellectuelles et perceptives dans le but d'obtenir des petits robots obéissants ou des légumes. Les fillettes et les garçonnets qui ont la chance de ne pas fréquenter l'Accueil du matin et(ou) du soir et(ou) le Restaurant scolaire sont moins impactés par cette pédagogie rétrograde, ce sont des lieux extrêmement néfastes à leur épanouissement. Je ne suis pas hostile aux ATSEM mais à leur mode de recrutement : les candidats au concours d'ATSEM devraient être retenus sur un mode paritaire femmes-hommes et bacheliers (actuellement la formation est accessible sans concours si on est mère de trois enfants, mais de toute manière le "concours" se présente sous la forme d'un QCM et d'un oral que pratiquement n'importe qui peut réussir). La violence éducative ordinaire scolaire blesse vivement les petites Françaises et les petits Français mais aussi les adultes sensibles dont l'âme est éprise de justice comme moi. L'OVEO indique les effets néfastes d'une éducation autoritaire sur le développement psychique des enfants et considère que ces derniers sont égaux de plein droit aux adultes, je lui envoie mes plus somptueux éloges pour sa lucidité et son courage.

Le 11 janvier 2023

Marc


  1. Pédosexuelle-criminelle-garçon dans ma terminologie psychologique.[]
  2. J'ai eu tout de même durant vingt ans les immenses plaisir et honneur de jouer avec les enfants sur leur demande et de recevoir leur accueil enthousiaste pour les activités libres que je leur ai proposées, en tant que surveillant d'externat, professeur remplaçant, conseiller d'éducation remplaçant, auxiliaire d'animation ou instituteur remplaçant. Ce sont les enfants qui m'ont éduqué. En particulier, ils m'ont montré, dans chaque établissement ou structure d'accueil, sur quel point le règlement devait être modifié ou enrichi. Je retiens de cette longue expérience festive que pour les qualités : vivacité d'esprit, empathie, altruisme, tolérance, patience, sociabilité, humour, curiosité, appétit d'apprendre, élégance morale, loyauté, gentillesse, intelligence..., ils sont largement plus doués que la plupart des adultes.[]
  3. Ceci est davantage un bilan personnel qu’un cri de colère, j'essaye d'évoquer le passage douloureux de ma vie où j'étais employé par la Direction de l'Enseignement de ma ville : l'absence de cœur, la négation des émotions des enfants chez la majorité des ATSEM m'ont profondément choqué, blessure ouverte encore aujourd’hui. J'ai rencontré quelques ATSEM géniales, prudentes, douces, tendres, souriantes, à l'écoute des besoins spécifiques de chaque petit qui jouaient à des jeux d'enfants comme des enfants mais beaucoup trop rarement.[]

, , , ,