Arrêter de taper les enfants (Canada)
L'envoyé spécial de l'ONU déclare devant le Forum mondial que le Canada viole le droit international en autorisant les parents à frapper leurs enfants
Par Lindsay Kines, Times Colonist, 21 novembre 2006
VANCOUVER - Le Canada doit abroger la loi qui autorise les parents à fesser et à corriger physiquement leurs enfants, a déclaré hier Stephen Lewis, envoyé spécial des Nations Unies, devant le Forum mondial sur le bien-être de l'enfance.
Dans un discours qui passait en revue les différentes formes de violence contre les enfants, Lewis a accusé le Canada de violer ses engagements envers la Convention des Nations Unies sur les Droits de l'enfant en autorisant les châtiments corporels sous le couvert de la Section 43 du Code pénal.
Derrière des expressions comme « force raisonnable », a expliqué Lewis, les enfants sont soumis à une violence « gratuite, choquante et préjudiciable ».
« Il y a quelque chose qui ne va pas, quand - pour l'amour du ciel - un pays comme le Canada garde dans son code pénal un article qui viole la Convention des Droits de l'enfant, que nous avons ratifiée », a-t-il déclaré. Il y a deux ans, la Cour suprême du Canada a maintenu la Section 43 et jugé que, si les parents devaient éviter la baguette et la ceinture, ils pouvaient frapper un enfant entre deux et douze ans sur le corps et « avec le plat de la main ». Il est donc interdit de corriger physiquement les adolescents et les enfants de moins de deux ans, et de frapper à la tête.
« J'ai toujours eu le plus grand respect pour la Cour suprême, a poursuivi Lewis. Mais, quand on en est venu à une telle décision sur la Section 43, je me suis demandé ce qui leur arrivait. »
Lewis, qui est l'envoyé spécial des Nations Unies pour le VIH/SIDA en Afrique, a suscité des applaudissements nourris lorsqu'il a demandé au public de faire pression sur la Chambre des Communes pour qu'elle abroge cette loi.
Nigel Fisher, président d'UNICEF Canada, a repris ces commentaires après avoir présenté les conclusions du Rapport mondial de l'UNICEF sur la violence contre les enfants. Le rapport détaille les exemples les plus flagrants de violences contre les enfants dans le monde, mais conclut qu'« aucune forme de violence ne peut se justifier contre les enfants, jamais, nulle part », a déclaré Fisher dans un entretien.
Reconnaissant que la question faisait encore débat au Canada, il a ajouté : « Ce matin, j'ai participé à une émission télévisée où on m'a dit que si j'étais contre toute forme de punition [corporelle], y compris la fessée, c'est que je ne fais pas la différence entre mon cul et mon coude ! »
Mais la position de l'UNICEF, dit Fisher, c'est qu'aucun niveau de violence contre les enfants n'est acceptable.
« Nous devons aider les parents à réfléchir aux moyens d'aider leurs enfants à comprendre les relations de cause à effet et les conséquences d'une mauvaise conduite. Et je crois que les châtiments corporels sont en fait une espèce de solution de facilité : "Je suis plus grand que toi. Je peux crier plus fort que toi, et je suis le plus fort. Donc, si tu ne fais pas ce que je te dis, je te tape dessus." Je ne vois pas comment cela peut réellement aider un enfant à comprendre des valeurs et des conséquences. »
Mais, dit Fisher, le Canada est en bonne compagnie pour ce qui est d'autoriser les châtiments corporels : seuls 14 pays au monde ont interdit toute forme de violence contre les enfants.
« Notre pays a joué un rôle important dans la promotion de toutes sortes de règles internationales, conclut-il. Je crois vraiment que nous devrions balayer devant notre porte et nous mettre en accord avec les principes que nous défendons sur le plan international. »
© Times Colonist (Victoria) 2006
Traduit de l'anglais par Catherine Barret.
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