Vous dites : « C’est épuisant de s'occuper des enfants.» Vous avez raison. Vous ajoutez : « Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher, nous courber, nous rapetisser. » Là, vous vous trompez. Ce n'est pas tant cela qui fatigue le plus, que le fait d'être obligé de nous élever jusqu'à la hauteur de leurs sentiments. De nous élever, nous étirer, nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre. Pour ne pas les blesser.

Janusz Korczak, Quand je redeviendrai petit (prologue), AFJK.

A propos des bandes de « narco-juniors » au Mexique

Par Olivier Maurel, fondateur de l'OVEO

On sait la terreur que font régner au Mexique les bandes de « narco-juniors ». Mille cinq cents gangs de jeunes âgés de 14 à 24 ans « travaillent », c’est-à-dire tuent, pour le compte des narcotrafiquants et n’hésitent pas à commettre des exécutions et de véritables massacres (29 000 morts en quatre ans) pour un salaire de 10 000 pesos (582 euros) hebdomadaires.

Qui sont ces enfants et adolescents assassins ? La réponse que donne le psychiatre Rosendo Romero est sans ambiguïté : « La plupart ont été victimes de maltraitance familiale. Pour se libérer de ce statut, ils prennent la posture de l’agresseur. Leur niveau d’activation émotionnelle très bas les pousse à rechercher des sensations extrêmes sans aucun remords » (Le Monde, 12 novembre 2010). Et il n’y a guère de doute que ce que Rosendo Romero appelle « maltraitance familiale » soit très proche du niveau de violence habituellement toléré dans la société mexicaine, c’est-à-dire de ce que nous appelons violence éducative ordinaire.

Mais, dira-t-on, tous les enfants maltraités ne deviennent pas des tueurs à gages ! Non, bien sûr, mais, une fois les tendances socialisantes des enfants (attachement, empathie, mimétisme d’apprentissage) altérées, voire perverties, le besoin de reconnaissance sociale des enfants s’oriente vers les voies qu’ils trouvent ouvertes dans la société où ils vivent. C’est pourquoi Rosendo Romero poursuit : « Ces adolescents vivent dans des quartiers pauvres, où ils côtoient la violence et la consommation de drogue. Certains ont des parents eux-mêmes délinquants. » A quoi il faut ajouter que la consommation de drogue elle-même et la délinquance des parents ont elles aussi fort à voir avec la violence éducative.


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