2007-2008 : des pays d’Amérique latine contre les châtiments corporels
En 2007, à Lima, le premier Réseau ibéroaméricain de protection des droits des enfants et adolescents a été créé au cours du XIIème congrès annuel de la Fédération ibéroaméricaine des Défenseurs des droits (Ombudsman). Ce réseau regroupe les représentants des 11 pays d’Amérique latine ayant signé la Convention des Droits de l’enfant, s’engageant ainsi à prendre des mesures pour rendre illégaux les châtiments corporels et les autres formes de violence aux enfants. A ce jour (2008), trois pays d’Amérique latine ont concrétisé cet engagement par le vote d’une législation : l’Uruguay, le Venezuela et le Costa Rica. Au Chili, le gouvernement n’a finalement pas été suivi par le parlement.
La déclaration de Lima (22 novembre 2007) peut être lue en espagnol sur le site du CRIN (Child Rights Information Network) : http://www.crin.org/resources/infoDetail.asp?ID=15697&flag=report
Le Costa Rica contre le châtiment corporel des enfants
(Costa Rica Daily News www.insidecostarica.com, 27 juin 2008)
La loi déclarant illégale toute forme de châtiment physique ou « émotionnel » et toute forme de mauvais traitement à enfant a été votée en seconde lecture le 25 juin dernier. Elle entrera en vigueur après sa signature par le président costaricain, Oscar Arias.
Cette loi avait été proposée en 2005 par la Defensora de los habitantes [médiateur de la République], Lisbeth Quesada, selon qui « rien ne justifie de frapper les enfants ».
Le député Luis Antonio Barrantes, membre de la commission qui a approuvé la loi, déclare que cette loi, qui ne prévoit aucune sanction, est donc purement symbolique. Cependant, le message véhiculé est que les enfants ne doivent pas subir de mauvais traitements.
La fessée – et le châtiment corporel en général – est un sujet de société brûlant dans de nombreux pays. On se pose des questions telles que : faut-il fesser les enfants, est-ce une méthode disciplinaire efficace (et si oui, à quelles conditions), est-ce un abus, et si oui, à partir de quel moment ? La plupart de ces questions se posent plus généralement à propos de la plupart ou de la totalité des punitions corporelles.
Les partisans de la fessée la décrivent souvent comme un moyen de discipline efficace, arguant que les jeunes enfants réagissent davantage à des sensations telles que la douleur. Un autre argument est qu’une fessée appliquée à bon escient ne cause qu’une douleur temporaire et n’a pas de conséquences dommageables.
Les adversaires de la fessée considèrent que la fessée est avant tout un abus, qu’elle est inefficace, et qu’elle enseigne aux enfants que la violence physique est une façon acceptable de régler les conflits. Ils font remarquer que la recherche scientifique n’a pu démontrer aucun des arguments avancés en faveur de la fessée, alors qu’elle montre régulièrement que le premier prédicteur de comportement violent est le fait d’être issu d’une famille où la violence est pratiquée, en particulier lorsque les enfants subissent des châtiments corporels.
Quoi qu’il en soit, c’est le président Arias qui décidera en dernier ressort s’il est ou non permis de fesser les enfants au Costa Rica.
Source : site Nospank (http://nospank.net/n-r91r.htm)
L'Uruguay interdit la violence éducative
22 novembre 2007
La Chambre des députés uruguayenne a approuvé une loi qui interdit le châtiment corporel des enfants par les adultes. Cette loi fait de l'Uruguay le premier pays d'Amérique latine à adopter la recommandation des Nations Unies du 29 août 2006 dans la présentation de l'Enquête Mondiale sur la violence contre les enfants.
Ce texte recommande aux pays de modifier les lois qui accordent un pouvoir de correction aux parents sur leurs enfants. Gimol Pintos est la représentante de la Protection de l'UNICEF Argentina. Consultée par des journalistes de la Nacion, elle a célébré ce progrès, tout en reconnaissant que, même si elle est bienvenue, la loi ne produira pas par elle-même des changements en matière de violence contre les enfants. "La recommandation des Nations Unies, a-t-elle dit, est d'avancer non seulement dans les règlements mais aussi dans une politique de l'État plus ample pour promouvoir des conditions qui protègent les enfants". Elle a expliqué qu'en réalité, "la pire des violences est invisible et ne peut être réglée par une loi".
La loi, approuvée par les votes du Frente Amplio au pouvoir, parti de gauche, et les partis d'opposition Colorado, conservateur, et Indépendant, réforme les articles du Code civil, qui, jusqu'alors, considérait que "les parents ont la faculté de corriger modérément leurs enfants" et étendait cette faculté aux tuteurs. Le projet, qui devra maintenant être promulgué par le pouvoir exécutif, interdit le châtiment physique et toute forme de traitement humiliant comme forme de correction ou de discipline des enfants et des adolescents.
Le Parti National d'opposition a voté en bloc contre son approbation, le considérant comme "un catalogue de bonnes intentions", mais "impraticable".
Les spécialistes de l'enfance expriment des opinions contrastées.
Bien que personne n'approuve la violence et les châtiments humiliants, ils doutent que l'État puisse dire aux parents comment élever leurs enfants et, s'il le fait, que cela puisse avoir de réelles répercussions. Le thème des limites, "la peur des enfants", l'absence de l'autorité maternelle et paternelle trop tôt, entrent aussi en débat quand on traite un thème aussi sensible.
Pour consulter l'article en espagnol :
http://www.adital.com.br/site/noticia.asp?lang=ES&cod=30697
La loi est rédigée ainsi :
Projet de loi substitutive.
Article 1er.
Article à incorporer à la Loi N° 17.823, du 7 septembre 2004 (Code de l'Enfance et de l'adolescence) :
Article 12 bis. Interdiction du châtiment physique. Il est interdit aux parents et aux responsables, comme à toute personne chargée des soins, traitements, éducation ou surveillance d'enfants et d'adolescents, d'utiliser le châtiment physique ou tout traitement humiliant comme forme de correction ou de discipline des enfants et des adolescents.
Il revient à l'Institut de l'Enfance et de l'Adolescence de l'Uruguay (INAU) en coordination avec les autres institutions de l'État et la société civile :
a) de réaliser les programmes de sensibilisation et d'éducation en direction des parents, des responsables ainsi que de toute personne chargée des soins, des traitements, de l'éducation ou de la surveillance des mineurs ;
b) De promouvoir des formes de discipline positive, participatives et non-violentes qui soient des alternatives au châtiments physique et autres formes de traitements humiliants.
Article 2. Remplacer le paragraphe F) de l'article 16 de la loi N° 17.823, du 7 septembre 2004 (Code de l'Enfance et de l'Adolescence), par le suivant :
"F) Corriger ses enfants ou enfants sous tutelle, en excluant l'utilisation du châtiment physique ou tout autre type de traitement humiliant."
Article 3. Sont abolis l'article 261 et les paragraphes 2 et 3 de l'article 384 du Code Civil.
(Source : End All Corporal Punishment of Children.)
Au Chili, en décembre 2007, un communiqué de presse du ministre de la Justice Carlos Maldonado (voir ci-dessous) annonçait, à la demande de la nouvelle présidente Michelle Bachelet, que l’article 234 du Code civil allait être amendé de façon à exclure le châtiment corporel des moyens de correction autorisés aux parents.
Cependant, l’amendement finalement voté semble loin d’interdire aux parents toute forme de châtiment corporel. Le Code pénal et la loi sur les violences familiales n’offrent aux enfants qu’une protection limitée. Un Code des enfants avait déjà été proposé au parlement en janvier 2007, non suivi d'effet. De même, les châtiments corporels restent légaux dans le système scolaire. (Source : End All Corporal Punishment of Children, septembre 2008.)
Le ministre de la Justice du gouvernement chilien annonce l'interdiction des châtiments corporels comme moyen de correction des enfants
(Children's Rights Information Network (CRIN), 18 décembre 2007)
Dans le cadre de l'étude de la loi pour la réforme des tribunaux aux affaires familiales, le comité sénatorial sur la constitution, la législation et la justice a approuvé un amendement à l'article 234 du code civil - qui autorisait les parents à « corriger » leurs enfants - en établissant clairement que cette autorisation excluait toute forme de punition corporelle.
Le projet d'amendement, rédigé par le ministre de la Justice Carlos Maldonado à la demande de la présidente de la République, Michelle Bachelet, entraîne d'importantes modifications des sections 2, 3 et 4 dudit article. Il permettra aux tribunaux de recevoir les plaintes pour toute forme de châtiment corporel appliqué à un mineur dans un but de correction, et leur donnera en outre le pouvoir de prendre des mesures préventives de protection des mineurs.
A ce sujet, la loi prévoit que « si un tel dommage se produit ou s'il y a une suspicion bien fondée qu'il se produise, le juge, à la demande de n'importe quelle personne ou entité, pourra ordonner des mesures dans l'intérêt de la sauvegarde de l'enfant, sans préjudice des sanctions qui pourront s'appliquer à l'infraction. » Se félicitant de la décision unanime de la commission constitutionnelle sénatoriale d'approuver une disposition visant à éradiquer toute forme de punition corporelle des mineurs, le ministre Maldonado a déclaré : « A quelques jours de Noël, et au moment où nous lançons la campagne Treat Children Well, c'est une très bonne nouvelle pour les garçons et les filles du Chili. »
Dans le même esprit, le secrétaire d'Etat a expliqué : « Comme la présidente de la République s'y est engagée, nous faisons ainsi un pas en direction de l'éradication complète des châtiments corporels comme moyen de résolution des conflits dans la famille. »
D'autre part, a-t-il déclaré, si la nouvelle règle exclut clairement le châtiment corporel des enfants, cela suppose une prise de conscience de la part de l'ensemble de la cellule familiale, et spécialement des adultes : « Eradiquer la violence et les punitions corporelles dans nos familles est l'affaire de tous. »
Source : site Nospank (http://nospank.net/n-r46r.htm)
Traductions : Catherine Barret
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