Les enfants n'ont pas besoin d'être éduqués, mais d'être accompagnés avec empathie.

Jesper Juul.

Enquête : 5 ans après la loi du 10 juillet 2019 relative à l’interdiction « des violences éducatives ordinaires », quel bilan ?

Nous publions les résultats de l’enquête menée auprès des professionnel·les de l’enfance et de la parentalité de février à juillet 2024.

1 776 personnes ont répondu, dont près des deux tiers travaillent dans le secteur de l’Éducation nationale, 21 % dans le secteur de la petite enfance, 7 % dans le secteur social, 7 % dans d’autres secteurs liés à l’enfance ou à la parentalité (ou bien le secteur n’est pas précisé). Voici les grandes tendances qui en ressortent. Les résultats détaillés peuvent être téléchargés à la fin de cet article.

Une compréhension partielle de la notion de violence éducative ordinaire

Nous remarquons que les éléments de définition apportés pour qualifier la violence éducative ordinaire montrent que cette notion est souvent comprise de façon floue ou partielle.

Environ deux tiers des répondant·es évoquent les violences physiques, verbales ou psychologiques, ou des exemples de violences, dont 19 % ne donnent pas d’autres éléments. 21 % évoquent la notion d’éducation, 17 % la banalisation, l’acceptation sociale de ces violences et 11 % le caractère quotidien, répété. Seuls 4 % évoquent les trois ou quatre notions ensemble. D’autres éléments sont parfois amenés : le non-respect des besoins des enfants (10 %), la non-conscience de la violence et la bonne intention (5 %), la domination adulte et le rapport de force (3 %), le parallèle avec la notion de maltraitance (4 %), de douces violences (1,5 %), l’évocation de la violence institutionnelle (1,2 %).

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D’un bout à l’autre de l’existence, une même violence…

Par Amandine C., membre de l’OVEO

Main de bébé tenant la main d'une personne âgée. Photo par Rod Long, Unsplash.
Photo par Rod Long, Unsplash.

L’un de mes meilleurs amis, arborant 85 printemps encore bien fringants, se voit empêché dans un projet qui lui tient à cœur, et qu’il serait parfaitement capable de mener à bien, au seul motif de son âge.

Toute sa vie durant, tant au niveau professionnel que personnel, cet ami a pris soin d’autrui, accompagnant chacun au sein de groupes de personnes vulnérables voire très malades, tant physiquement que psychiquement, y compris dans son espace privé. Il espérait épargner à une amie la violence ordinaire et le sordide quotidien d’une maison dite de retraite, ce que cette femme désirait ardemment. La famille de celle-ci comme les instances médico-administratives s’y sont opposées, au seul motif donc de l’âge de mon ami, le condamnant ainsi à accepter son impuissance, et son amie à une institutionnalisation qu’elle refusait et qui la désespère...

Nulle considération des capacités réelles des personnes, ni simplement de leur souhait intime : la toute-puissance de la norme, et de la dictature âgiste.

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« Aide-moi à faire tout seul », un défi relationnel au long cours

par Amandine C., membre de l’OVEO

Cette formule qui résume l’approche de Maria Montessori pourrait bien s’étendre à toute relation humaine où existe un état de dépendance, car cet état ne saurait exclure la recherche, le besoin d’autonomie et la légitime reconnaissance du statut de sujet de la personne qui devient objet de soins ou d’assistance.

Souffrant de problèmes de santé depuis l’adolescence, ayant côtoyé (en apprenant beaucoup à son contact) le monde associatif et les institutions dédiés à différentes formes de handicap et aux personnes âgées dépendantes, je me suis intéressée de façon plus ou moins formelle à la relation d’aidant à aidé. Mais c’est en me penchant sur la question du jeune enfant et sur les alternatives aux schémas éducatifs traditionnels (dans lesquels l’adulte reste la référence toute-puissante pour savoir quand et de quoi l’enfant a besoin ainsi que les modalités de la réponse qu’il serait alors approprié de lui apporter) que cette ambiguïté intrinsèque à toute relation de dépendance m’est apparue dans toute son ampleur. La question du médical, notamment en périnatalité, m’avait aussi beaucoup intéressée1. Plus récemment, les nouvelles épreuves auxquelles m’a confrontée mon état de santé m’ont fait prendre de manière plus aiguë encore la mesure de cette question.

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  1. Voir sur le site de l’OVEO « La violence obstétricale ordinaire, séquelles et prémisses de la violence éducative ordinaire »[]

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5 ans après la loi du 10 juillet 2019, comment les médias abordent-ils la question de la violence éducative ordinaire ?

Dans l’objectif d’apporter des éléments de bilan de la loi du 10 juillet 2019 « relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires », il nous a semblé intéressant d’analyser les discours médiatiques actuels.

Les médias ont abordé la question à différentes reprises ces derniers mois :

  • en juin-juillet 2023, à l’occasion des révoltes urbaines qui ont suivi la mort du jeune Nahel Merzouk, tué par un policier pour un refus d’obtempérer, dans lesquelles de nombreux adolescents ont été impliqués,
  • en avril 2024, lors de l’arrêt de la cour d’appel de Metz maintenant le droit de correction (voir notre lettre ouverte à la Cour de cassation), puis de la campagne de StopVEO sur la question de l’héritage des violences, et de la « journée de la non-violence éducative » (JNVE) le 30 avril,
  • en juin-juillet 2024, à l’occasion du deuxième baromètre IFOP-Fondation pour l’enfance et des 5 ans de la loi de 2019.

Nous avons constaté plusieurs types de discours (à noter que nous nous sommes concentrés essentiellement sur les médias « mainstream » : radio et télévision ; les publications dans la presse étant en général plus nuancées et avançant davantage d’éléments de contexte et de réflexion ; nous n’avons pas tenu compte non plus des échanges sur les réseaux sociaux ou média en ligne (voir ci-dessous la liste des émissions référencées dans cet article). Ils suivent un spectre allant de la nécessité du recours aux punitions corporelles à la nécessité d’un changement de paradigme quant à notre façon de considérer les plus jeunes. Dans l’ensemble, nous remarquons que la dimension structurelle de la domination adulte est au mieux impensée, au pire, revendiquée. Pourtant, l’idée émerge timidement avec les notions d’infantisme (discrimination des plus jeunes) et d’enfantisme (luttes en faveur des intérêts des enfants).

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On ne dresse pas un enfant, on l’élève

Témoignage reçu en réponse au questionnaire du site


Avez-vous subi vous-même de la violence éducative au cours de votre enfance ? Sous quelle forme ?

Oui, la plupart du temps des insultes verbales, tirer les cheveux, des gifles, du chantage, négligence...

À partir de et jusqu'à quel âge ?

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Exemple de violence institutionnelle

Par Olivier Maurel, cofondateur et membre de l'OVEO

Le Parisien du 21 juin 2024 signale que le Groupement Epi-Phare, qui rassemble l’Agence du Médicament (ANSM) et l’Assurance maladie, vient de publier une étude ahurissante mais qui en dit long à la fois sur notre système scolaire et sur notre système médical.

Cette étude montre que « parmi les enfants d’un même niveau scolaire, les natifs de décembre ont 55 % de risque supplémentaire de débuter un traitement par méthylphénidate (la Ritaline) et 64 % de risque supplémentaire de recevoir des séances d’orthophonie, que ceux nés en janvier de la même année ». « Ce risque augmente régulièrement avec la différence d’âge : au sein d’un même niveau de scolarité, comparés aux enfants nés en janvier, les natifs de février ont 7 % de risque supplémentaire de se voir prescrire du méthylphénidate, ceux d’avril 9 %, ceux de juillet 29 %, ceux d’octobre 46 %. »

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Violence éducative ordinaire et violences sexuelles, quels liens ?

(Mis à jour le 9 juillet 2024)

En 2019, dans son exposé des motifs1, la proposition de loi sur l’interdiction “des violences éducatives ordinaires” précisait :

La VEO est l’ensemble des pratiques coercitives et punitives utilisées, tolérées, voire recommandées dans une société, pour éduquer les enfants. Elle est faite de violence verbale : moqueries, propos humiliants, cris, injures... ; de violence psychologique : menaces, mensonges, chantage, culpabilisation... ; et/ou de violence physique : gifles, pincements, fessées, secousses, projections, tirage de cheveux, tapes sur les oreilles…).

On pourrait donc considérer que les violences sexuelles en seraient exclues, car elles ne seraient ni tolérées ni recommandées par la société et n’auraient pas de caractère éducatif. Ajoutons qu’elles sont a priori considérées comme des crimes ou des délits par le code pénal.

Cependant, il nous semble important d’interroger cette distinction apparente entre violence éducative et violence sexuelle pour mettre en lumière un certain continuum et certaines formes de la violence éducative ordinaire à caractère sexuel.

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  1. Voir le dossier législatif de la loi du 10 juillet 2019 et notre article Loi d’interdiction des « violences éducatives ordinaires ». Quelques précisions juridiques.[]

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Les Rencontres de l’OVEO 2023 – Replay en vidéos

Le samedi 21 octobre 2023, nous avons organisé la première édition des "Rencontres de l'OVEO" sur la domination adulte et la violence éducative ordinaire.

L’évènement a eu lieu à Paris et a réuni un public venu d'un peu partout en France, engagé sur la remise en question de l'adultisme et du statut minoritaire réservé aux plus jeunes dans notre société.

Nos 16 invité·es – chercheurs et chercheuses, artistes, jeunes personnes, militant·es… – ont présenté leurs recherches ou leur témoignage sur l’éducation comme moyen de domination, l’intersection de l’adultisme avec d’autres rapports de domination, les traumatismes de l’enfance, le mépris pour la santé mentale des jeunes, l’abandon des enfants victimes de violences sexuelles et d’inceste, l’hégémonie de l’institution scolaire et sa dimension disciplinaire, et bien d’autres sujets encore.

Nous sommes fièr·es d'avoir pu faire de ces rencontres un lieu sécurisé où chacun et chacune a pu (re)trouver d’autres personnes partageant une même vision et une même dynamique, parfois dans la vulnérabilité.

Aujourd'hui, nous sommes heureux·ses de mettre à votre disposition une partie des communications présentées au cours de cette journée (retrouvez le programme de la journée ici). Ces vidéos permettent de restituer certains temps forts de cette première édition.

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Émanciper l’enfance, le livre des premières Rencontres de l’OVEO

À la suite des "Rencontres sur la violence éducative ordinaire et la domination adulte" qui se sont déroulées le 21 octobre dernier, l'OVEO et les éditions Le Hêtre Myriadis publient le recueil des textes des contributeur·ices qui y sont intervenu·es. 

Ce livre est le reflet de cette journée : des échanges de savoirs engagés, expérientiels et scientifiques. Il associe et réunit la voix de militant·es, de jeunes personnes et de chercheurs et chercheuses pour comprendre en profondeur les racines de la violence éducative ordinaire et de la domination adulte.

La sortie en librairie est prévue pour ce mois de mai, et vous pouvez d'ores et déjà le précommander sur le site des éditions Le Hêtre Myriadis

Que sont la violence éducative ordinaire et la domination adulte ? Pourquoi les enfants sont-ils massivement victimes de violences ? Quels sont les liens entre domination adulte et violence sur les enfants ? Existe-t-il un continuum entre les violences ordinaires et les violences sexuelles ou les maltraitances envers les plus jeunes ? Le statut juridique de « mineur » est-il indépassable ? Quels sont les liens entre la domination adulte sur les enfants et les autres formes de domination (masculine, de classe, économique, écologique, raciste, coloniale…) ? La relation éducative comme rapport à la fois interpersonnel et social est-elle fondée sur la domination ? Comment lutter contre la violence éducative et l'adultisme ? Quelles sont les pratiques de résistance enfantiste existantes ou à développer ?

Voici quelques-unes des questions cruciales auxquelles les contributeurs et contributrices de cet ouvrage ont tenté de répondre. Issus des communications présentées lors des Rencontres de l’OVEO d'octobre 2023, ces textes font le point sur un sujet émergent en sciences sociales, en politique et dans le grand public.

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Observations à la Cour de cassation : notre lettre ouverte

Le 18 avril dernier, la Cour d'appel de Metz a relaxé un agent de police au titre du "droit de correction". Nous publions le message que nous avons adressé à la Défenseure des droits et au Défenseur des enfants.


Madame, Monsieur,

Nous vous sollicitons dans le cadre de l’affaire d’un agent de police relaxé en appel malgré des faits de violence commis à l’encontre de ses enfants et de son ex-conjointe (Relaxe d'un policier jugé pour violences intrafamiliales : le parquet général de Metz se pourvoit en cassation ; Violences intrafamiliales : à Metz, un policier poursuivi pour avoir frappé son ex-femme et leurs deux enfants relaxé par la Cour d'appel).

Le parquet général s’étant pourvu en cassation, nous vous sollicitons au titre des prérogatives que vous détenez de l’article 33 de la loi n°2011-333 du 29 mars 2011.

Dans une précédente affaire, pour des faits de violences commis par une enseignante, vous avez en 2017 présenté des observations à la Cour de cassation, préconisant l’abandon du droit de correction coutumier (Décision du Défenseur des droits N°2017-12) :

« […] la chambre criminelle de la Cour de cassation pourrait, à l’occasion de la présente espèce, affirmer que la société actuelle ne reconnaît plus de droit de correction aux personnes ayant autorité sur un enfant, susceptible de justifier, au sens pénal du terme, des violences physiques ou morales, fussent-elles légères. »

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